Le projet ISTEX (Initiative d'excellence de l'Information Scientifique et Technique) lance son enquête auprès des chercheurs afin de bientôt concrétiser un nouvel outil en matière d'accès à la documentation scientifique numérique. Créé par et pour la communauté de l'enseignement supérieur et de la recherche, ce projet novateur associe le CNRS, l'Agence Bibliographique de l'Enseignement Supérieur (ABES), le consortium Couperin, et l'Université de Lorraine agissant pour le compte de la Conférence des Présidents d'Université (CPU).
Le 18/09/2012 à 16:05 par Clément Solym
Publié le :
18/09/2012 à 16:05
via Couperin
Avec ISTEX, ce sont les professionnels de la recherche qui sont visés, le projet s'inscrivant dans le programme Investissements d'Avenir, initié par le Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche (MESR). D'envergure nationale, ce projet « vise à renforcer la recherche et l'enseignement supérieur français sur la scène mondiale», confie Couperin. Et pour cela, deux actions essentielles sont en vues.
Tout d'abord, l'acquisition de ressources documentaires scientifiques par le biais de licences nationales, regroupant sous une conséquente bibliothèque numérique, des collections rétrospectives de revues numériques, des livres numériques de niveau recherche, de grands corpus patrimoniaux numérisés ou encore des archives de bases de données.
« Les ressources attendues constituent des ensembles clos faisant l'objet d'un achat définitif et pérenne », annonce Couperin, et ce, grâce au système des licences nationales.
Le système des licences nationales
« La première étape du projet ISTEX consiste en une politique volontariste et massive d'achats centralisés d'archives scientifiques sous forme de licences nationales », nous dit Couperin.
Mais qu'est-ce donc que ce système ? La licence nationale est un contrat que la France, ou son représentant, passe avec un éditeur pour négocier un accès à une ressource sur un territoire suivant un périmètre défini. Le prix payé est ainsi celui pour la France, ou le périmètre défini, et non pour un seul établissement isolé.
« Dans notre cas, nous établissons des accords pour les établissements publics ou privés ayant un lien avec la recherche. L'éditeur fait une proposition et nous analysons les ressources proposées », explique Grégory Colcanap, coordinateur du bureau professionnel chez Couperin.
« Nos chercheurs français ont besoin d'accéder à un certain nombre de ressources qui doivent être accessibles à tous les établissements. Nous nous sommes inspirés des systèmes allemands et britanniques qui utilisent déjà la licence nationale. C'est très efficace pour faire des économies de moyens et d'arriver enfin à nationaliser les ressources », déclare Sandrine Malotaux.
Et d'ajouter : « Couperin a toujours plaidé très fort pour le développement des licences nationales auprès du Ministère. Une enveloppe budgétaire a été dédiée à ce projet il y a deux ans. Ensuite, ISTEX est une amplification de cette pratique ».
Et, le 19 avril 2012, le CNRS et l'ANR ont signé avec le Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche (MESR) la convention d'attribution d'aide s'élevant aujourd'hui à 60 millions d'euros sur 3 ans (le temps de la mise en place du projet) dont 55 millions d'euros consacrés à l'acquisition d'archives scientifiques et 5 millions d'euros à la création de la plateforme qui hébergera les données acquises.
via Couperin
Le souhait d'une recherche mutualisée et fédérée…
La licence nationale permettra d'enfin unifier les ressources de recherche scientifique, qui sont trop souvent cloisonnées (entre la BNF et les universités par exemple, ainsi qu'entre les différentes universités, les différents domaines d'étude ou laboratoires).
« La licence nationale permet une économie d'échelle, puisque les éditeurs ne vendent qu'une seule fois leurs ressources, à un niveau national, ce qui permet aux universités de se mutualiser », déclare Grégory Colcanap. « Et c'est là où nous innovons, car c'est, pour tout le monde, un gain de temps tout autant que cela permet d'obtenir une couverture plus large. Car la licence nationale permet l'acquisition de documentation pour les universités pluridisciplinaires qui disposent parfois de peu de chercheurs dans certaines disciplines spécifiques».
L'idée est de passer au-delà des barrières que s'est construites la recherche au fil des ans et d'arriver à fédérer l'ensemble. Le système français, certes unique, est néanmoins extrêmement morcelé contrairement à ses amis anglo-saxons ou allemands chez lesquels la recherche se cantonne essentiellement dans les universités. En France, beaucoup de chercheurs ou d'organisme se retrouvent isolés, volontairement ou malgré eux. Ainsi, l'idée de créer une ressource nationale inviterait à stimuler et renforcer la recherche française dans son ensemble et de façon collective, autant que de suivre l'exemple d'autres pays.
L'acquisition des ressources scientifiques étant étrangères, mais aussi françaises, l'on pourrait penser à un empiétement sur les terrains de la BNF. Mais, nous assure Grégory Colcanap, « Nous avons des discussions pour inclure la BNF dans les périmètres définis ».
... et d'une égalité territoriale et institutionnelle
Voilà l'une des grandes idées du projet : permettre une égalité territoriale et institutionnelle d'accès à l'information. Ainsi, tous les utilisateurs « auront accès à un réservoir national exceptionnel quelle que soit leur institution de rattachement », tant que celle-ci est française évidemment. Un chercheur français invité à l'étranger pourra toujours consulter la base de données ISTEX, même s'il est amené à partir une année à condition qu'il reste attaché administrativement à un établissement français. Dans le cas contraire, il n'aura plus accès aux ressources ISTEX.
« Alors que l'IDEX a mis en concurrence des établissements, l'ISTEX veut desservir toutes les communautés. Car les fondamentaux, notamment l'accès à la documentation, doivent être bons pour tout établissement de recherche, afin d'avoir la capacité de produire de l'excellence. De plus, l'approche d'ISTEX est multidisciplinaire , nous visons l'équilibre entre toutes les disciplines
», déclare Grégory Colcanap. Pour mémoire, IDEX était ces « initiatives d'excellences » lancées par Laurent Wauquiez, le précédent ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, qui invitait les universités à présenter leurs propres projets pour bénéficier de financements octroyés aux meilleures initiatives seulement.
Bien entendu, le fait d'acquérir de la matière rétrospective n'a pas le même poids selon les disciplines. Couperin s'en rend compte : « Nous savons bien que les Lettres et Sciences Humaines sont ravies d'une telle acquisition, un ouvrage de 1950 peut avoir une grande valeur, alors que le domaine de l'informatique repose sur des ressources très actuelles ». Mais il s'agit avant tout d'une étape : « On va construire un socle. On réfléchit déjà à de nouveaux dispositifs de financement des ressources pour continuer à enrichir les collections nationales, pour qu'elles soient mises à disposition de la collectivité».
Une immense plateforme numérique
« On a une idée, d'après nos études et nos connaissances du milieu, de ce qui pourrait être utile à nos chercheurs. Mais nous avons décidé de mettre en place une enquête, qui se tiendra jusqu'au 20 octobre, pour mieux définir les choix d'acquisition » , annonce Grégory Colcanap. « Pour nous, il est essentiel d'accéder au terrain, jusqu'à l'usager final : le chercheur, pour vérifier si nos analyses sont valides ».
Contrairement à l'Allemagne qui n'a pas tenu à consulter ses chercheurs, la France a choisi une consultation directe. Pour le moment, de nombreuses réponses ont été apportées, nous assure Couperin, et les chercheurs semblent « très satisfaits du dispositif ». De saluer alors ces ressources documentaires qui arrivent de façon massive afin de permettre une mise à niveau des établissements de recherche.
« Nous avons encore des éditeurs qui ne veulent pas vendre, car ceux-ci préfèrent davantage un marché morcelé, ou proposent un système commercial basé sur l'abonnement plutôt que sur une vente définitive, tandis que d'autres ne possèdent pas tous les droits», déclare Grégory Colcanap.
Outre l'enquête de recensement des besoins auprès de l'ensemble des acteurs français de l'enseignement supérieur et de la recherche, Couperin lance un appel d'offres en direction des éditeurs, qui peuvent proposer leurs produits, et ouvrir des tests au niveau national. Après sélection, une première liste de produits pour la première campagne d'achats sera rendue publique. « L'acquisition des collections rétrospectives pourra ensuite se concrétiser par des licences nationales contractées auprès des éditeurs et négociées par l'ABES », annonce Couperin.
Enfin, sur 3 ans, le projet vise à offrir un accès en ligne à plusieurs millions de documents numériques « dans toutes les disciplines à l'ensemble de la communauté française de la recherche et de l'enseignement supérieur et à construire une plateforme nationale pour exploiter et mettre à disposition ces ressources ». La plateforme et ses archives seront accessibles par tous les membres des établissements scientifiques et des universités, dans un premier temps auprès des sites internet des éditeurs, et sur 2 à 3 ans, via la plateforme ISTEX qui offrira également de nombreux services à valeur ajoutée.
Des ressources déjà disponibles
Une première série d'achats a déjà eu lieu en 2011 et 2012. L'actuel catalogue comprend :
« Une opportunité rare »
« Pour nous il s'agit d'une opportunité assez rare. Celle d'arriver à fédérer tous les acteurs de la recherche. On a constaté qu'on a un intérêt commun à défendre des projets de ce type. Il n'y a d'ailleurs pas d'équivalent à notre système si spécifique de recherche en France, avec des universités, des grandes écoles, des instituts de recherche. Avec ISTEX, les barrières tombent », conclut Grégory Colcanap.
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