La stratégie Olivennes pour Editis : publier moins de livres, vendre plus
On ignore qui a trouvé la fève, lors de la galette des Rois que le groupe Editis organisait avenue de France pour ses salariés. Difficile de ne pas profiter de l’occasion pour glisser quelques mots sur l’avenir : des vœux 2024, certes, mais sur fond de stratégie et d’avenir. Un discours très attendu par les équipes, qui n’ont pas été déçues.
Le 11/01/2024 à 18:50 par Nicolas Gary
21 Réactions | 1357 Partages
Publié le :
11/01/2024 à 18:50
21
Commentaires
1357
Partages
Tout l’État major constitué par CMI pour diriger Editis était réuni pour cette soirée — avec rafraîchissements et galette, évidemment. Sans donner trop de précisions sur la future stratégie de l’entreprise, Denis Olivennes, son président, a posé clairement les consignes, en citant un éditeur du groupe : « Publier moins, pour vendre plus. » Une conviction désormais ancrée, qu’il assure partager avec la DG du groupe, Catherine Lucet.
Editis 2.0 : Endgame
Calmer la cavalerie, proposer moins de références, « plus aptes à convaincre » donc plus simples à proposer en librairies, voilà le projet. Et d’évoquer les observations d’un représentant d’Interforum qu’il a suivi durant une journée de travail : « Il faut assainir le système : à chaque office je sais par avance qu’un certain nombre de titres ne seront pas notés et dans le pire des cas, représenteront un grand nombre de retours. » Less sera more, car less permet aussi de réduire les coûts, bien évidemment.
Car « la machine s’est emballée : on va vers l’embolie », promet le président, la diminution du nombre de parutions sera le « levier d’Archimède ». Editis avait commercialisé quelque 4000 nouveautés en 2022, et dispose d’un fonds de 45.000 ouvrages : pas question pour autant de rompre avec « l’économie du prototype » qui est le fondement de l’industrie. « Je sais que l’on construit un auteur sur la durée », rassure Denis Olivennes. Pour autant, chaque maison doit faire ce qu’elle fait le mieux, différemment des autres.
L’autodiscipline sera le maître-mot de 2024, mais pas le seul : Editis entend simplifier son fonctionnement afin de renouer avec l’efficacité passée et surtout, « en finir avec le marchandage entre nous ». À ce titre, les équipes seront sollicitées prochainement et aideront à déterminer ce qui doit être amélioré.
À LIRE - Chez Editis, les grandes manoeuvres ont commencé
Rien de cela ne fonctionnera sans une « responsabilité économique : tout preneur de décision doit avoir conscience de ce qui se passe ». Comprendre : fixer des objectifs inatteignables n’a pas de sens, pas plus que de bourrer les urnes « en alimentant la machine à surproduction ».
Cinq axes pour un renouveau
De combien les maisons d’Editis diminueront-elles leurs parutions, selon quels critères : rien de cela n’a été évoqué. Pour l’heure, ce repli semble un vœu pieux sans en dire trop. Or, après la « clef de voûte » qu’a dévoilée Denis Olivennes, restait donc à présenter les piliers — un procédé architectural inédit, mais qu’entreprendra Catherine Lucet à la suite de Denis Olivennes.
Bilan de 20 années d'édition et d'existence
L’entreprise, fondée en 2004, reposait sur « des maisons fortes, en littérature, une maîtrise des canaux de vente, une capacité de mise en place des nouveautés, un poche puissant et un pôle éducation stabilisateur », reprend la directrice générale. Cet âge d’or a laissé place à une gueule de bois, découlant des changements d’actionnaires et un affaiblissement depuis une dizaine d’années.
Le marché a globalement diminué en volume, France Loisirs a disparu, les livres se raréfient en grande surface alimentaire et les maisons, en interne, se livrent à une concurrence qui nuit à l’ensemble. Enfin, Editis éprouve « des difficultés à faire vivre le fonds » et côté réformes scolaires, les décisions du ministère ne furent pas de tout repos.
Mea culpa ? Et même maxima culpa : si ces observations sont communes à d’autres structures éditoriales, Editis a ses propres faiblesses : une désorganisation de l’action stratégique – là encore, la valse des actionnaires avec Wendel en 2004, puis Planeta en 2008, Vivendi en 2018 et désormais CMI n’a pas consolidé le fonctionnement. Catherine Lucet pointe aussi « le manque d’anticipation des tendances éditoriales, l’entrée tardive sur le marché de la BD et de la romance », ainsi que des investissements tardifs tant informatiques que logistiques.
Et ce n’est pas tout : le modèle économique en littérature a souffert de la perte d’auteurs, ainsi que la difficulté à faire émerger de nouveaux talents. Quant à la multiplication des maisons, au cours des dernières années, elle n’a pas été sans conséquence. N’en jetez plus, la coupe est pleine : que faire alors ? Balancer le bébé avec l’eau du bain ? La DG n’y est pas allée de main morte, et d’ajouter quelques derniers éléments à son audit : le modèle de l’illustré qui s’est affaibli du fait de la concurrence tarifaire, par exemple.
À LIRE - Marc Levy, Tatiana de Rosnay : signer avec Albin Michel, valeur refuge ?
Côté diffusion/distribution, on assiste à une baisse de la rentabilité des éditeurs partenaires (comprendre : hors groupe), doublée d’une inflation « qui mange les marges » —, et ce, malgré la présence « d’éditeurs tiers innovants et performants ». Un panorama qui a tout du coup de bambou, mais après tout, mieux vaut faire de la peine ou mentir ?
Editis a de quoi se redresser, promet la DG et dispose « d’auteurs formidables, d’une distribution productive — dont les prestations de qualité en font certainement l’outil le plus moderne du marché ». Plus encore, avec Daniel Kretinsky, Editis bénéficie d’un « actionnaire respectable et prêt à investir. » Dès février, un plan stratégique sur 3 et 5 ans sera mis en œuvre, pour consolider la rentabilité, avec la participation des équipes.
Cinq points guideront donc ce futur : motiver une ambition collective, par laquelle on obtient des prix littéraires, des best-sellers, un pôle littérature renforcé, une place de n° 1 en poche. En somme, devenir « un acteur important dans la concentration du marché. » Cela passera, point 2, par une attractivité auprès des auteurs, des partenaires et des collaborateurs — Editis, maison ouverte, et plus lisible.
À LIRE - Avec des résultats historiquement bas, l'urgence stratégique pour Editis
Troisièmement, corollaire logique de cette campagne de séduction, rechercher l’innovation : mettre l’IA au service de tous les métiers du groupe, s’engager plus sérieusement dans le marketing numérique, ou encore « inventer le livre durable ». Les projets ne manqueront pas.
Pour ce faire, point 4, Editis se montrera plus souple, plus agile : « Anticiper les tendances, agir en conséquence », la DG évoque, à demi-mot, un véritable bouleversement, d’autant plus difficile dans un groupe d’une telle taille.
Et puis, last but not least, travailler sur la productivité. Classiquement, faire des économies sur les services supports — mais on parle pour le moment de mutualisation — ou encore améliorer les performances d’achat, maîtriser les tirages et les stocks. On le voit donc arriver : « Cela passera nécessairement par une capacité de courts tirages dynamiques », autrement dit, de l’impression à la demande, un projet qu’Editis avait tenté en 2017 avec EPAC et Copernics, pour contrer le projet de Hachette Livre avec Lightning Sources.
L’histoire aime à se répéter, dit-on…
Plus d'articles sur le même thème
Autres articles de la rubrique Métiers
21 Commentaires
Oyez oyez
11/01/2024 à 21:06
Oyez oyez braves salariés d’Editis, allez avaler les belles paroles de Denis et Catherine autour d’une belle galette. Applaudissez, réjouissez vous, vous avez raison. Vous allez moins rigoler quand vous aurez compris ce que veut dire : réduction des coûts, responsabilité économique, diminution des parutions, rentabilité etc etc quand vous aurez compris ces mots vous allez regretter d’avoir applaudi et vite vomir votre galette. Suspendus aux lèvres de Denis et de Catherine, les salariés d’Editis ne se doutent de rien.
Loin de la réalité
12/01/2024 à 08:06
d’une distribution productive — dont les prestations de qualité en font certainement l’outil le plus moderne du marché » je rêve quand je lis ça !
Quand on voit les délais de livraison et l'état des livres dans les cartons Interforum qui arrivent en librairie on se demande bien où est la qualité. Le service distribution est devenu pire ces 3 dernières années. Vos concurrents font mieux ! C'est inquiétant si en plus vous dites que c'est l'outil le plus moderne du marché. Je constate qu'Editis et sa nouvelle DG est très très loin de la réalité. Bon chance aux salariés, auteurs, Editeurs, libraires, vous n'êtes pas sortis de l'auberge avec toutes ces annonces.
La galette vite la galette
12/01/2024 à 08:48
La nouvelle direction appâte les salariés avec une galette des rois ? Ont-ils mordus à l’hameçon ? Etaient-ils plus nombreux à la galette qu’à la grève du 92 ? Préfèrent-ils partager un morceau de galette avec la direction que de demander le partage des richesses à la direction !
Kujawski
12/01/2024 à 08:59
Ce dont toute l’édition a besoin, Editis comme les autres groupes et éditeurs, c’est de choix structurels et d’investissements de long terme. Suivi et fidélisation d’auteur(e)s au catalogue, recherche de nouvelles plumes, détection de tendances en littérature, BD et SHS, cela demande de l’énergie, du temps long, souvent un mélange de passion, d’affect et d’argent, matériaux indispensables à la construction d’un catalogue pérenne générateur de fonds - et donc de financement de la nouveauté.
Comment concilier cela avec les grands groupes hyper-concentrés, leurs impératifs de marges à court terme, la valse d’actionnaires à répétition prédatrice de postes et de personnalités pour les occuper, à laquelle les grands groupes paraissent désormais abonnés jusqu’à plus soif ?
Vous avez deux heures.
En cas de page blanche, vous aurez trouvé la réponse : c’est du vœu pieux.
Pierre la police
12/01/2024 à 10:26
Olivennes, le réducteur de têtes et de... Coût, et d'auteurs. Avec Rachida, ça va être l'entente cordiale 😝😝😝
Aurelien Terrassier
12/01/2024 à 12:24
Productivisme et pensée unique neo-liberale parfois teinté d'ultra-conservatisme. Tel est la stratégie d'Olivennes pour Editis. Peu importe la diversité intellectuelle, quand il faut vendre il faut vendre comme dans les fast-food quitte à rendre les gens malades. Tant qu'il y aura es best-sellers de "toutoulogues" et autres pseudo-experts qui sont très présents sur les chaînes info, tout ira pour le mieux pour Editis dans la doxa neo-liberal qu'incarne Denis Olivennes.
adnstep
12/01/2024 à 13:12
"mettre l’IA au service de tous les métiers du groupe"
- On est une compagnie data-driven, Coco. Tu vois, là, tu rentre toutes les oeuvres de Jules Verne, et là -bas, au bout, l'IA te sort 50 nouveaux romans dans le même style. Notre UA, c'est Chat-GdV.
- GPT, tu veux dire ?
- Non, GDV : Gérard de Villiers.
Prochaine étape, on lance la littérature quantique, issue de nos dernières recherches avec une université tchèque en pointe sur la science quantique.
adnstep
12/01/2024 à 16:23
*rentres
Fenwick
12/01/2024 à 14:49
Pensez à commander des déambulateurs à la place des fenwicks et pensez aussi à élargir les allées 🤣🤣
Juste par Ego
12/01/2024 à 16:57
Toutes ces belles nominations ne sont elles pas pour embêter l’ancienne direction ? Si c’est ça le nouveau patron ne vole pas haut et va couter très cher à tout le monde
This is it...
12/01/2024 à 21:41
Chaud patates les amours "En douceur" Oliivennes's méthode 🤔😵💫☠️☠️☠️☠️☠️☠️☠️☠️☠️☠️☠️
Pierre
13/01/2024 à 12:33
Avec Denis Olivennes et Catherine Lucet à la tête d'Editis, le groupe va perdre toutes ses valeurs, toutes ses richesses pécuniaires et intellectuelles. L'annonce de publier moins de livre va obligatoirement conclure à une absence de diversité idéologique. Editis va toucher le fond, peut-être est ce voulu ?! J'espère que les syndicats vont avoir la poigne de se confronter à l'avenir programmé par Olivennes
Salarié
13/01/2024 à 13:53
Ils sont ou tous ceux qui attendaient l'arrivée de monsieur denis olivennes comme le messie pour sauver Editis. Benbunan était la méchante qui devait absolument partir. Maintenant c'est olivennes qui doit partir. Pauvres salariés vous sauterez du 7ème étage si on vous le demande. Autant de nuls chez Editis et ils inspirent pour etre numéro 1 dans l'édition. Bonne blague. Ha Ha Ha.
Écris l'histoire seb
14/01/2024 à 13:33
Perso on bosse chez les fous ouuuuu
depuis quelques mois , vu le commentaire au dessus, salarié, je pense qu'il faut consulter ou changer carrément de société. Je vous l accorde c est pas évident .
Partie de Monopoly chez Editis
14/01/2024 à 14:36
C’est une vraie partie de Monopoly chez Editis ! C’est un tour complet avec passage rue de la paix et par la case départ pour toucher le pactole. Certaines partent avec un énorme chèque et reviennent 1 an après par la grande porte, promues avec un gros salaire. Par contre aucun effort sérieux concernant les Nao, il faut bien que le fric, fruit du travail de tous les salariés, aille dans la poche du comex ! Qui sera le prochain ? Et comme plus rien n’étonne personne dans ce groupe, des salariés d’Editis ont pu voir vendredi en compagnie de Mme Lucet : Monsieur Pierre Conte ! Quel rôle va-t-il jouer dans l’avenir D’Editis ? Quelle stratégie peut-il bien en ressortir de toutes ces nouvelles nominations ? Et surtout quel résultat pour le groupe, ses auteurs, ses éditeurs, ses clients et ses salariés ?
Salarié
15/01/2024 à 20:30
Ravie d'apprendre la présence de Pierre conte. Au moins une personne qui peut reprendre la direction d'editis en qui tous les salariés seront derrière pour l'épauler. Dommage que son passage était très court chez nous. Nous lui souhaitons la bienvenue et rester parmi nous pour les années difficiles qui vont arriver et sauver Editis de la catastrophe.
Jedi
16/01/2024 à 10:51
Si vous dites que Pierre Conte peut à lui seul sauver Editis, pourquoi garder mme Lucet alors ? Combien de personne à gros salaire il faudra pour sauver Editis ? Avec tous ces gros salaires, tout ce fric mal dépensé c'est clair que personne ne pourra plus sauver Editis. C'est effectivement le monopoly chez Editis. Par contre remplacer Mme Lucet par Pierre Conte serait très certainement un meilleur choix. Il était beaucoup plus apprécié des salariés, plus accessible et surtout plus humain. Bon retour à lui si c'est le cas
Goupil
17/01/2024 à 16:09
Incroyable le nombre de trolls pro-Bolloré qui viennent se réjouir du malheur des autres. On oublie que derrière chaque salarié ce sont des humains, des familles, mais tout cela ne compte pas quand il s'agit de se défouler derrière son clavier.
adnstep
17/01/2024 à 18:24
Par quel raisonnement en arrivez-vous à la conclusion que les gens qui postent ici seraient des salariés du Groupe Bolloré ?
Theard
20/01/2024 à 05:09
Trop d éditions coûteuses et mauvais jeux dans la distribution les auteurs ne sont pas payés de leur labeur car font leurs ventes et créés leur propre salon leur pub eux mêmes. Oust dehors les editeurs
Salah Guemriche
20/01/2024 à 13:53
J'adoooore : "Anticiper sur les tendances" ! Pour l'heure, et depuis des décennies, l'édition française (Désolé mais, je suis... Algérien, donc pas "parfait"🤗)... l'édition française, disais-je, prétend fabriquer les tendances ! Genre, réponse d'éditeur : "Votre manuscrit a toutes les qualités (c'est moi qui xagère) mais CE N'EST PAS POUR NOTRE LECTORAT ! Sic).
Vous voulez une preuve ?
Bon courage !