Dans le Landerneau de l'édition, un micro séisme vient de se déclencher. Le Prix littéraire du Savoir et de la Recherche voit les membres de son jury se désister, « démissionner » les uns après les autres. La nouvelle se propage et convertit les jurés : un vilain petit canard s'est glissé dans leurs rangs et provoque une série de réactions, en chaîne.
Le 15/11/2011 à 08:00 par Clément Solym
Publié le :
15/11/2011 à 08:00
Sur la page Facebook du prix, trois personnes ont déjà annoncé leur retrait. Emmanuel Pierrat, Laurence de Cambronne et Éliette Abécassis. Il faut néanmoins savoir que cette dernière N'avait proposé qu'une simple collaboration. Selon les informations de "ActuaLitté", Claire Ferack compterait également parmi les jurés démissionnaires. Leur point commun est de refuser la présence de Maxime Brunerie dans les rangs.
De fiction à la réalité, et inversement
Maxime Brunerie est l'auteur d'un livre publié en mai dernier, aux éditions Denoël : Une vie ordinaire, Je voulais tuer Jacques Chirac. Une autofiction ? Pas vraiment. Le 10 mai 2002, Maxime Brunerie décide qu'il veut mourir, et il mûrit son geste : il décide, le 14 juillet de la même année, d'assassiner Jacques Chirac, alors président de la République. Il se rend en effet au défilé du 14 juillet et dissimule une carabine, un 22 long rifle, dans l'étui de la guitare de son père. Le reste est une sombre histoire.
Il tente de viser et de tirer sur le président de la République. Il tire. Et rate. Il ne parviendra pas à recharger son arme pour se tirer dessus après son geste. « On m'a traité en fou alors que j'étais désespéré », confie-t-il des années plus tard. Il est alors immédiatement incarcéré, camisole chimique et autres jolis traitements. La période de prison va durer plusieurs années, avec une tentative de suicide, « pitoyable », comme il le dira lui-même.
Repris de (deux ?) justice
Finalement, Maxime purge sa peine, et ne fera plus parler de lui avant juillet 2011. À cette période, il décide de prendre parti politiquement, et considère que le Modem représente, avec François Bayrou comme leader, la solution idéale. Mais le patron du mouvement démocrate ne l'entend pas de cette oreille : « Les déséquilibrés n'ont pas de place chez nous » estime-t-il dans un grand acte de compréhension. Maxime a pourtant purgé sa peine, payé sa dette à la société. Mais il compte encore dans les rangs des pestiférés. (voir France Info)
Et François Bayrou de persister : « Au MoDem, on n'entre pas comme dans un moulin. On peut aller sur le site demander une adhésion, mais cette adhésion naturellement est soumise à approbation, on fait une petite enquête. » L'enquête concernant Maxime Brunerie aura donc plaidé en sa défaveur. Marc Fesneau, secrétaire général du mouvement estimait alors qu'il n'avait tout simplement pas sa place au mouvement démocrate, compte tenu de son passif. On paye sa dette, d'accord, mais finalement, l'addition est à rallonge...
C'est qu'en plus de l'attentat contre le président, Maxime Brunerie a également été membre d'un groupe d'extrême droite. Politiquement, cela n'a rien de correct, même si l'intéressé assure qu'il n'avait rejoint cette mouvance que « pour se sentir appartenir à un groupe, un clan », chose qui lui avait toujours manqué dans sa jeunesse.
Même le silence a un Prix
Depuis juillet, donc, Maxime Brunerie n'avait plus fait parler de lui... jusqu'à ce 14 novembre, où plusieurs jurés du prix littéraire du Savoir et de la Recherche décident qu'il n'est plus possible de cohabiter avec celui qui a tenté d'assassiner Jacques Chirac.
Qui assure que Maxime est entré « par effraction » au jury, alors que, selon les informations de ‘ActuaLitté', il a toujours compté dans les rangs des membres, se trompe donc. L'email de Brunerie est ainsi présent dans la liste des destinataires de l'ensemble des mails échangés au sein du jury, jusqu'à l'envoi de la dernière liste des auteurs retenus, et celle du lauréat, ainsi que ‘ActuaLitté' a pu le vérifier. Qui parle donc d'une entrée dans ce prix par effraction n'a clairement pas consulté l'ensemble des échanges entre les jurés.
Selon les informations de ‘ActuaLitté', corroborées par des membres du Prix, plusieurs jurés n'auraient tout simplement pas fait attention à la présence de Maxime Brunerie avant qu'un journaliste, Hubert Artus, ne pointe sa présence. On s'étonnera donc du revirement de certains des membres, qui jusqu'à lors n'avaient pas fait preuve d'autant de revendications politiques.
Savoir et Recherche, ou Science sans conscience ?
Or, il ne convient pas de juger ce que Maxime Brunerie a pu faire, ni s'il est convenable de le compter dans les rangs de jurés d'un Prix portant sur la Recherche et le Savoir. De fait, seule sa lecture des oeuvres importe, attendu que l'on a décidé de lui faire confiance pour prendre part aux délibérations. La question n'est pas non plus de juger s'il est opportun que les membres du jury se désistent à quelques jours de la remise du prix - qui sera remis le 20 novembre.
Non, ce qu'il importe de savoir, dans notre démocratie, c'est s'il est possible de payer sa dette définitivement à la société, en purgeant la peine de prison qu'elle a jugée et décidée. De là notre interrogation : en respectant le choix des jurés qui se sont desistés, la présence de Maxime Brunerie justifie-t-elle un départ soudain, alors que chacun n'avait pas fait cas de sa présence ? Mieux : s'ils n'en avaient pas été informés, quelle aurait été leur attitude ?
Mais évidemment, si l'on postule au Conseil de l'ordre des avocats, une telle histoire peut avoir quelque chose d'un grain de beauté disgracieux sur les fesses de Miss Monde...
Au moment où nous écrivons ces lignes, les commentaires de la page Facebook ont été effacés. Il n'y a donc plus trace des désistements.
première publication le 14 novembre à 23h20
Mise à jour de 8h00, le 15 novembre
Contacté par Rue89, Laurence Biava, responsable du prix, explique sa rencontre avec Maxime Brunerie, au Salon du livre de Paris, « où il signait son récit autobiograhique. J'ai énormément d'amitié pour lui, qui est en quête de rédemption. Il n'a plus rien à voir avec les néonazis.Je l'ai intégré au jury parce que c'est quelqu'un qui aime et connaît très bien la littérature ».
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