Ça grouille, ça sent le thé, à cette table ronde transformée en café littéraire argentin ce samedi après-midi au Salon du Livre. Les quatre auteurs arrivent un par un, Laura Alcoba, Alicia Dujovne Ortiz, Jorge Fondebrider, Luisa Futoransky, ils sourient, mélangent les langages, puis s’installent, pour répondre aux questions de leurs lecteurs, et déjà amis.
Le 20/03/2011 à 09:14 par Clément Solym
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20/03/2011 à 09:14
Ils sont tous nés en Argentine, mais vivent à Paris.
Ils ont tous quitté leur pays, mais ne cessent d’y revenir.
Florence Noiville anime ce débat et pose tout de suite la question des relations et affinités entre Buenos Aires et Paris. Luisa s’empresse de répondre que ces deux villes ont des ego surdimensionnés. Alicia ajoute que pour elle, depuis toujours « on ne pouvait pas être une personne cultivée, et même une personne tout court, sans vivre à Paris ». Cette pensée lui venait de sa mère. Laura pense également que « le lieu de rêve pour un Argentin, c’est toujours Paris. »
L’histoire du Tango est assez révélatrice des rapports entre Paris et Buenos Aires. Pour les Argentins, le tango était une danse infâme, mais lorsque Paris l’a reconnue, les Argentins se sont réapproprié la danse. C’est une relation d’amour, basée sur l’attente d’une reconnaissance. Les Français sont importants pour les Argentins ; lorsque Sartre écrivait l’Être et le Néant, les épreuves arrivaient au fur et à mesure à Buenos Aires pour être traduites.
Jorge rappelle qu’Alain Badiou, Jean Baudrillard, animait des conférences avec plus de 5000 personnes en Argentine.
Buenos Aires, à l’instar de Paris, est une ville de bistrot, de café, pour débattre, partager les avis et les angoisses. Car, très vite, derrière le rêve, l’espérance, il est question d’angoisse. Le parallélisme se situerait ici pour Luisa.
L’histoire de l’Argentine débute au 19e siècle avec le massacre des Indiens. Il y a comme une absence de racines, de relief historique. Buenos Aires est un « laboratoire d’immigration », ajoute Alicia, et la plus grande angoisse réside dans le fait de savoir qui nous sommes. Les précédentes générations ont eu la volonté de construire sur une page blanche.
Laura pense justement qu’elle se sent bien à Paris, parce qu’il y a ce feuilleté d’histoires derrière elle, elle sait où elle est.
Ils sont tous loin de leurs pays d’origine, mais affirment qu’il faut s’écarter du sujet, pour comprendre les choses. Paris permet de mieux penser à Buenos Aires. Les deux villes ont besoin l’une de l’autre, elles sont comme liées, interconnectées. Les auteurs entretiennent ce type de relation entre leur ville de naissance, et celle d’adoption.
Luisa termine cette table ronde, avec un poème personnel écrit avec le cœur et sa rancœur, et crie ces splendides vers sur Paris, qui sonnent autant comme un drame historique, universel que personnel, « Je ne sais si je t’ai aimé ou si je t’aime encore ».
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