Depuis des mois, des dizaines de mois, l'écrivain Yann Martel prenait le temps, bimensuellement, d'écrire un courrier au ministre de la Culture, Stephen Harper, qui avait fait hurler tout un chacun, pour incompétence notoire...
Le 31/01/2011 à 11:16 par Clément Solym
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31/01/2011 à 11:16
Son intention était avant tout pédagogique depuis avril 2007 : « Tant que Stephen Harper sera premier ministre du Canada, je promets de lui envoyer par la poste, un lundi matin tous les quinze jours, un livre réputé faire épanouir la quiétude. Ce livre sera dédicacé et accompagné d’une lettre que j’aurai écrite. » (notre actualitté) Une tentative de sensibiliser le premier ministre à la beauté de la littérature et de le faire accéder au sens des œuvres maîtresses. De quoi remplir une bibliothèque d'ouvrages très diversifiés...
Poésie, théâtre, classiques universels, littérature étrangère, auteurs canadiens, bande dessinée… Martel a puisé dans tous les genres. « Tous de grands livres, précise l'écrivain, mais la plupart du temps des œuvres très accessibles. Je me disais que si le premier ministre n'a pas l'habitude de lire de la littérature, il fallait qu'il commence par des œuvres faciles d'accès. » Harper n’a jamais fourni de réponse à l’auteur, ni jamais évoqué l’initiative de ce dernier, auquel seuls des accusés de réception (sept eu total) sont parvenus. (Via Le Devoir)
« Qui est cet homme ? Que lit Stephen Harper ? », écrit Yann Martel dans la préface d'un livre rassemblant ses soixante premières lettres au premier ministre, publié chez XYZ. « Si Stephen Harper avait lu des romans, des nouvelles, des pièces de théâtre et de la poésie, il aimerait ces œuvres, il les défendrait, il les célébrerait. Il ne chercherait pas à saborder les ressources publiques qui servent à soutenir la culture artistique de notre nation. » Ce à quoi il ajoute que ses prédécesseurs n'étaient peut-être pas de grands lecteurs, mais ils respectaient la culture elle-même...
La décision de l’écrivain interpelle : pourquoi arrêter maintenant, alors que le gouvernement fédéral continue d'être la hantise des artistes et d'éveiller leurs foudres (notamment à l’égard de la loi C-32) ? « Il est vrai que je pensais faire ça tant et aussi longtemps qu'Harper serait au pouvoir. Mais il est temps pour moi de passer à autre chose. J'ai un nouveau roman en tête et j'ai envie de me lancer là-dedans à temps complet. »
Martel aura choisi comme ultime offrande littéraire (la 94e) la pièce Incendies, de Wajdi Mouawad, alors que le long métrage qu'en a tiré Denis Villeneuve vient d’entrer en compétition pour l'Oscar du meilleur film étranger.
« Incendies est une œuvre fulgurante, explique Yann Martel, c'est vraiment très puissant. En la lisant, j'ai eu un véritable choc. »
Le dernier choix de Martel n’est pas anodin : Mouawad dirige à Ottawa le Théâtre français du Centre national des arts, situé à quelques mètres du Parlement ; manière de rappeler au premier ministre la richesse artistique dont recèle le Canada.
Si l'initiative a réuni une communauté de lecteurs enthousiastes et fait des vagues dans les médias, elle n'a pas engendré de mouvement massif d'envoi de livres au Parlement. « Là n'était pas l'objectif », assure l'auteur de L'Histoire de Pi. En tirant sa révérence, Yann Martel donnera-t-il envie à d'autres de poursuivre l'entreprise ?
L’auteur souhaite aussi réunir les cent lettres dans une nouvelle publication. Et d’ajouter : « Je ne suis pas dramaturge, mais il me vient parfois l'idée d'en faire une pièce de théâtre. »
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