En 1905, l’Italien Filippo Tommaso Marinetti initie un mouvement artistique éclair : le Futurisme. Son Manifeste, diffusé en 1909 dans Le Figaro reprenait les principes fondateurs : vitesse, puissance, violence. « Autant de points qui, aujourd'hui, résonnent fortement dans nos existences », note Marc-André Fournier. Amateur d’expérimentations autour du livre numérique, l’auteur remonte le temps à l’occasion d’une exposition franchement déconcertante.
« J’ai abandonné l’écriture (hypermédia) mais pas tout à fait le livre. Je réalise désormais des ensembles plastiques conceptuels inspirés par le Futurisme et l’actualité », explique-t-il à ActuaLitté. « Notre dépendance, voulue ou non, à la Chine me tracasse depuis longtemps, sur mes étagères d’ado Le Petit Livre Rouge trônait déjà. »
Baigné dans une atmosphère maoïste durant toute sa jeunesse, il se souvient de la « douche froide, après la révolution culturelle : cela laisse des traces ». Quelques morceaux du Petit Livre Rouge de Mao lui restaient cependant en tête — ses fameuses maximes sur le capitalisme américain comme tigre de papier.
Et voici qu’une série de commandes intervient pour une maison d’hôte de charme, Le Chat Chez Qui J’Habite, situé sur la Côte d’Albâtre (près de Veules-Les-Roses). Chaque année, près de 700 personnes y séjournent. Pour l’occasion, il réalise le Tryptique (Mur aux Chats), ainsi que Le Totem — avec pour fil conducteur le Manifeste de Marinetti. (Voir le porte-folio en fin d’article)
Le titre pour les trois capots de DS du triptyque, 628-E-1, fait référence au Roman de Mirbeau 628-E-8, classé par Marinetti comme un écrivain futuriste - il y a débat à ce sujet.
Exode 32-7 fait référence à l’épisode du veau d’or de l’Ancien Testament. La voiture nouveau Veau d’or, on ne va plus à la messe le dimanche (on peut comprendre), on lave sa bagnole.
Le Totem s’inspire aussi de Marinetti avec un zeste d’Ivan Illich sur la convivialité supposée de la voiture, du téléphone. L’échappement s’est imposé sûrement par le jeu de mots au regard des pots d’Harley Davidson.
Les tableaux prolongent cette première expérience, avec la présence des voitures, toujours, « avec Bergson comme viatique : le mystique appelle la mécanique ». Il indique : « Comprendre le mystique chrétien dépasse l’extase et agit, à l’exemple de Saint François d’Assise, il a engendré le capitalisme marchand de Florence, industriel de l’Angleterre, moderne des USA. »
C’est ainsi que l'oeuvre Viva Hong Kong voit le jour, illustrant suspicion et admiration à l’égard du pays, « ce fameux péril jaune », pointe Marc-André Fournier. « Ce triomphe du capitalisme, symbolisé par Hong Kong, et les nouveaux milliardaires me surprenaient et la façon dont l’Occident se jetait dans la gueule du loup aussi. Je sais que la cupidité est un puissant moteur, mais là je n’en reviens toujours pas. »
Ainsi, le retour vers un maoïsme des dirigeants actuels de la Chine « ne présage pas des jours heureux pour nombre de gens. Le capitalisme (symbolisé par la calandre d’une Daimler, une voiture de luxe anglaise) semblait triompher, Mao s’en échappe », explique l’artiste.
« L’étoile du PCC est surdimensionnée au regard de celles du peuple, les fondements religieux et culturels traditionnels ne pèsent pas lourd. Le support en acier rappelle la position hégémonique en la matière de la République populaire. »
C’est que la diffusion du Petit Livre Rouge n’est dépassée que par celle de La Bible. « Sa puissance est terrible, une horreur. Il existe une double lecture du tableau : le capitalisme vaincra, les pages du livre resteront toujours derrière les barreaux, ou bien après la couverture les feuilles s’échapperont aussi. »
La symbolique du drapeau chinois ne se manque pas : « La plus grande étoile représente le parti communiste chinois, les autres le peuple uni derrière le PC. J’ai agrandi celle du parti, pour marquer sa domination, son joug sur le peuple. »
Des symboles culturels qui représentent la Chine d’hier, encore présente aujourd’hui, mais ne pesant pas grand-chose face à l’idéologie du PC...
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