Une société de la transparence absolue prévue par la science-fiction ?

Promoteur depuis longtemps d’une société de la transparence, Marc Zuckerberg, qui est à la tête de l’empire Meta, avait fait polémique quand il avait publiquement revendiqué sa philosophie en la matière. Pour le fondateur de Facebook, la transparence absolue est un avenir souhaitable, et communiquer de façon anonyme relève d’une forme de bassesse. Cette question est au cœur de nombreux romans de science-fiction, à commencer par Transparence de Marc Dugain qui questionne les usages futurs du partage des données.

Le 16/03/2022 à 09:07 par Victor De Sepausy

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16/03/2022 à 09:07

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L’ouvrage dystopique 1984 que l’on cite ad nauseam pour caractériser notre modernité est en réalité loin d’être le seul à faire le pari du règne futur d’une totale transparence comme nouvelle forme d’un état totalitaire. Dans son essai L’œil absolu, paru en 2010, Gérard Wajcman s’interroge, lui aussi, sur cette idéologie de l’hypervisible, et ses conséquences sur notre vie de tous les jours. Ce psychanalyste et maître de conférence qui dirige le Centre d’Étude d’Histoire et de Théorie du Regard voit d’un œil critique cette société qui surveille constamment les innocents que nous sommes là où autrefois on se contentait de garder un œil sur les criminels. 

C’est certainement la peur qui s’empare de chaque internaute d’être constamment surveillé qui pousse au développement actuel exponentiel de l’usage de VPN. Cette technologie permet en effet de naviguer en ligne dans un certain anonymat. Vérifier quel VPN gratuit est bon reste une aventure dans la myriade de références qui surfent aujourd’hui sur ce marché. Mais, quand on a à l’esprit le niveau de censure et de surveillance qui règne sur la Toile pour l’individu lambda en Chine ou désormais en Russie, il peut effectivement apparaître urgent de protéger et d’anonymiser ses déplacements virtuels pour retrouver une certaine forme de liberté.  

Dans un épisode de son magazine BiTS, Arte rendait justice au travail de la science-fiction dans l’anticipation de la gestion potentiellement dangereuse des données que nous laissons, sans trop y penser, sur la Toile, mais aussi constamment désormais, à travers nos téléphones portables et les caméras de vidéosurveillance. Notre image est partout, nos déplacements sont observés, qu’ils soient virtuels ou réels. On peut même suivre la guerre en temps réel à travers les différentes caméras de surveillance qui se trouvent dans des pays en conflit, ce qui finit par représenter un danger, car l’assaillant peut user de ces sources d’informations assez aisément.  

Dans son roman Fondation, Isaac Asimov invente le concept d’une nouvelle science, la psychohistoire. Cette dernière instaure un dialogue systématique entre des sciences humaines, comme l’histoire, la psychologie et la sociologie, et des sciences dures, comme les mathématiques, et plus particulièrement la statistique. Il en résulte, grâce à des calculs très complexes, une capacité à prédire l’histoire future. Mais n’est-ce pas finalement ce que nous promettent les experts du Big data précisément ? Le parallèle est en effet troublant.

Prévoir le futur à l’aide de l’analyse de données appartenant au passé est déjà quelque chose qui, économiquement est en usage dans l’univers de l’assurance, à travers les actuaires qui brassent beaucoup de données. Ils ont en effet pour mission de déterminer quelle prime un assuré doit payer avant même que l’on sache précisément ce qu’il coûtera, tout en assurant la marge de l’entreprise…Marine Corlosquet-Habart, actuaire agrégée et Jacques Janssen, professeur en mathématiques à la Solvay Business School avait publié une première synthèse à ce propos intitulée Le big data pour les compagnies d’assurance, aux éditions ISTE (20.89 €, 172 pages) 

Ce mode de la prédiction est aussi mis à profit pour ce qui est du marché actions. Et ce sont des techniques qui sont constamment mises en œuvre par les sociétés de trading en bourse, et certaines se sont fait une spécialité des modélisations fondées sur de savants calculs mathématiques qui prennent en considération des masses colossales de données. On pourra, à ce propos, s’intéresser au livre fondateur du polytechnicien Benoît Mandelbrot, Fractales, hasard et finance (248 pages, 9.20 €).

Si l’on n’en est pas encore au niveau inventé par le russo-américain Isaac Asimov, il y a déjà des mises en œuvre de capacités de prédictions qui peuvent commencer à nous interroger. Ainsi Facebook avait pu se targuer de savoir, grâce à l’analyse de ses propres données, que deux personnes allaient très prochainement entrer dans une relation amoureuse. Il suffisait pour cela d’évaluer la montée de l’intensité de l’échange entre deux personnes, que ce soit via Messenger ou sur le mur de chacun des deux intéressés. Troublant, encore une fois, même si la prédiction peut paraître quelque peu légère, et pas encore véritablement dérangeante. 

Crédits illustration Pexels CC 0

 
 
 
 

 

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