#Présidentielle2022 — À moins d'une semaine du premier tour de l'élection présidentielle, les programmes des candidats et candidates varieront peu, et le 8 avril à minuit, la campagne électorale officielle prendra fin. Candidat de La France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon a avancé un programme riche en matière de culture, qui aborde plusieurs aspects du secteur du livre.
Constatant que « le pouvoir a abandonné le service public de la culture en France », Jean-Luc Mélenchon avance un programme très développé en matière de culture, avec un livret thématique d'une vingtaine de pages pour l'expliciter.
Le candidat de La France Insoumise déplore des plans d'austérité dans les services publics de la culture et un champ laissé « libre aux mastodontes de la finance et des industries culturelles » : il cite en particulier, comme un exemple, le milliardaire Vincent Bolloré et son groupe Vivendi, « soutien de l’extrême-droite, [qui] s’accapare des filières entières », écho à l'OPA lancée sur le groupe Lagardère et ses actifs dans le livre, notamment.
« La possibilité pour toutes et tous d’accéder à des expériences sensibles d’altérité et de pouvoir soi-même exprimer un rapport critique et poétique au monde est un élément constitutif de la citoyenneté », annonce le programme.
Pour redynamiser l'élément en question, JLM envisage d'augmenter le budget « consacré aux arts et à la culture à 1 % du PIB par an ». Voilà qui « entraînera notamment une augmentation de plus d’un tiers du budget du ministère de la Culture, et augmentera également les budgets consacrés à la culture des autres ministères et des collectivités territoriales ainsi que celui de l’audiovisuel public », souligne le candidat.
Reliant la culture à l'écologie politique, ce dernier propose de meilleures conditions de création pour les « travailleur·ses de l’art ». Pour ce faire, un Centre national des artistes-auteurs et autrices sera créé. Il « organisera des élections professionnelles pour négocier et mettre en place une protection sociale adaptée à ces professions, encourageant la création comme l’intermittence du spectacle et mettre en place une continuité de revenus d’urgence pour les artistes-auteur·ices le temps de la mise en place de ce nouveau régime ».
Il garantira par ailleurs « l’accès à tous les droits sociaux, comme la retraite, les congés maladie et parentaux, la médecine du travail » à ces travailleurs et travailleuses.
Parallèlement, il souhaite « [d]évelopper une nouvelle politique de la création artistique, en sortant des logiques d’appels à projets » et « [i]nitier le ralentissement du cycle de production-diffusion pour favoriser des temps de création plus longs ». Des plans viendraient aussi soutenir l'implantation à long terme, de même que la mobilité des travailleurs et travailleuses de l'art sur tout le territoire.
De nombreuses mesures relatives aux artistes concernent la formation de ces derniers, notamment de nouveaux moyens pour les écoles supérieures d’art, ou encore une politique d'insertion professionnelle s'appuyant sur la commande publique.
Pour les publics, Jean-Luc Mélenchon imagine de « [p]rofessionnaliser et revaloriser la place de l’éducation artistique et culturelle tout au long de la scolarité », en développant notamment la formation des enseignants du primaire et du secondaire à ces questions. Tous les établissements scolaires seraient par ailleurs jumelés avec des établissements culturels, pour faciliter la rencontre avec des artistes.
Le candidat entend par ailleurs étendre cette éducation artistique et culturelle à toute la vie des individus, « notamment à l’université, dans les comités d’entreprise, les lieux de santé, les lieux de privation de liberté ».
Les associations artistiques et culturelles et les maisons des jeunes et de la culture (MJC) verraient leurs moyens adaptés « afin de leur permettre d’accomplir pleinement leurs missions », et les librairies indépendantes valorisées et soutenues, pour faciliter leur « déploiement accru sur tout le territoire ».
Concernant les librairies, toujours, il promet « [l]a mise en place d’un tarif postal préférentiel pour les livres vendus par les librairies indépendantes », une hausse de la commande publique pour l'édition et la librairie indépendantes, mais aussi une « refonte des circuits de distribution et de diffusion garantissant la lutte contre la concentration ».
« L’interdiction de la création de nouveaux grands entrepôts dédiés au stockage et à la vente à distance de livres neufs » viserait la Fnac et Amazon, notamment, au bénéfice d'« un réseau dense de librairies ». Par ailleurs, Amazon deviendrait assujetti « à l’impôt sur les sociétés françaises, au même titre que les entreprises physiquement implantées en France ». Toute une fiscalité européenne à reviser, donc.
Avec l'écologie, le service public est au cœur du programme du candidat, y compris en matière de culture. Les bibliothèques et médiathèques y figurent donc en bonne place : budget de fonctionnement garanti, titularisation et embauche de professionnels, gratuité du prêt, participation des usagers et assurance d'accès sont cités au sein du livret thématique.
Au-delà des bibliothèques, le candidat de La France Insoumise vise à renforcer les moyens budgétaires et humains du ministère de la Culture, « [a]ller vers l’égalité territoriale en matière de structures de création, de pratique, de mémoire, de présentation, notamment dans les zones rurales, les quartiers populaires et les Outre-mer », mais aussi « [a]ugmenter de manière substantielle les moyens alloués aux arts et à la culture pour les régions ultramarines [et] accompagner les politiques culturelles des collectivités ».
Par ailleurs, il prévoit d'« [i]nterdire le sponsoring privé dans les services publics et événements culturels et [de] cesser le recours systématique aux cabinets de conseil privés dans l’action publique dans la culture ».
Jean-Luc Mélenchon souhaite par ailleurs « [g]arantir l’indépendance, la transparence et la gouvernance démocratique des Centres nationaux du livre, de la musique et du cinéma, notamment par l’élection de leurs représentant·es par les professionnel·les et l’intégration du public dans les commissions ».
Le pouvoir public imposera des règles plus strictes dans le milieu de la culture, notamment pour les acteurs privés. Ainsi, les conseils d’administration des établissements culturels représenteront-ils mieux les usagers et le personnel, au détriment « de la finance et des mécènes ». Des lois de déconcentration permettraient quant à elles d'éviter la création de conglomérats. Plus largement, JLM fait état de sa volonté de « [d]ésobéir aux règles de concurrence “libre et non faussée” dans l’Union européenne concernant le secteur culturel dans le cadre de l’option de retrait ».
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Enfin, signalons un renforcement prévu de l'inspection du travail dans les milieux culturels, ainsi qu'une lutte « contre les discriminations de genre et d’origine qui persistent dans les arts et la culture, par la formation, la prévention et l’accompagnement ».
Au niveau européen, les pouvoirs publics défendront « de façon intransigeante la langue française dans toutes les instances européennes et internationales », ainsi que « l’expression artistique et culturelle francophone, tant en France qu’à l’étranger ». Le réseau des Instituts et Alliances françaises à l’étranger serait « renforcé », mais le mode de nomination de leurs dirigeants revu, pour favoriser « la diversité et l’indépendance ».
En matière de domaine public, Jean-Luc Mélenchon est partisan « d’une redevance sur les droits patrimoniaux des créateur·ices à partir de leur décès et d’une taxe sur les usages exclusivement commerciaux des œuvres qui ne sont plus soumises à droits d’auteur », dont le produit irait au financement de la création nouvelle.
Il annonce également, en cas d'élection, la création d'« une médiathèque publique en ligne gratuite regroupant les œuvres (livres, cinéma, audiovisuel, théâtre, arts visuels…) tombées dans le domaine public et une proposition d’œuvres récentes programmées temporairement, sur la base de Gallica », la plateforme numérique de la Bibliothèque nationale de France.
Pour le patrimoine, il souhaite « [f]aire appliquer l’obligation de consacrer 1 % des budgets de construction à la création d’une œuvre artistique et l’étendre à tous les chantiers, en lien avec la société et l’environnement social ». Enfin, l'investissement est aussi au programme pour les Archives nationales, « notamment dans les locaux nécessaires à leurs missions ». Enfin, il entend « démocratiser l’accès aux archives en refusant les lois d’exception dans ce domaine ».
Le livret thématique de Jean-Luc Mélenchon consacré aux arts et à la culture est accessible à cette adresse.
Dossier : Présidentielle 2022 : les propositions des candidats pour le livre
Photographie : Jean-Luc Mélenchon en 2018 (Esquerda.net, CC BY-SA 2.0)
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