De nouvelles preuves démontreraient que William Shakespeare aurait volé l’intrigue de sa tragicomédie Cymbeline à un autre écrivain. Une série d’annotations d'un certain Sir Thomas North rappellerait à s’y méprendre l’intrigue de la pièce. Découvert par Michael Blanding à la bibliothèque de Houghton de l’Université de Harvard, les marginalia en question sont tirés d’une édition de 1533 de la Chronique de Fabyan.
L’ouvrage de Fabyan pourrait s’apparenter à un livre d’histoire britannique et française de l’époque romaine à Henry VII. Ce dernier aurait appartenu à l’écrivain, traducteur et intellectuel élisabéthain Sir Thomas North, décédé en 1604.
En marge du texte, il avait inscrit une série de notes esquissant une intrigue étrangement similaire à la pièce de Shakespeare. Cymbeline serait ainsi inspiré d’une pièce sans nom rédigée par North au XVIe siècle, soit bien avant la version du dramaturge britannique dont la première représentation est datée autour de 1610, précise le Guardian.
Pour rappel, l’intrigue de Cymbeline s'articule autour d’un ancien roi de Grande-Bretagne du même nom. Un pari sur la fidélité de sa fille Imogène à l’homme qu’elle a épousé en secret, Posthumus Leonatus, se transforme en une confrontation entre les Bretons et l’armée romaine. Le personnage du roi est basé sur la figure d’un monarque celtique mentionné par les historiens.
Au total, ce sont 53 notes de marge qui ont été repérées par Blanding, avec des fautes d’orthographe dans les noms des personnages historiques qui apparaissaient également dans les folios de Shakespeare... On peut par exemple citer Cassibellan, repris en tant que Cassibulan.
« Dans le premier feuillet de 1623 de la Cymbeline de Shakespeare , la première publication connue de la pièce, la reine fait référence à un ancien roi britannique qui a combattu les Romains sous le nom de “Cassibulan”. Le Cassibulan du dramaturge est une faute d'orthographe de Cassibellan… Il n'y a pas de texte historique connu avant le Premier Folio qui utilise également cette orthographe… Il ressort clairement de l'annotation de North qu'il est responsable… de la faute d'orthographe du nom. »
Blanding affirme également que les marginalia reprennent souvent « une correspondance point par point avec l’intrigue historique de Cymbeline ». Et d’ajouter : « C’est une découverte révolutionnaire qui ne laisse pas de place aux doutes sur le fait que North a utilisé le livre pour écrire des notes pour sa propre pièce, que Shakespeare a ensuite adaptée. »
Ces notes de marge ont été analysées par Dennis McCarthy, un chercheur indépendant. Depuis 2005, il utilise un logiciel antiplagiat pour révéler les liens entre Hamlet, entre autres pièces, et les écrits de North. Il explique : « Je pense que [North] écrivait ce qui ressemble à un plan pour une pièce… Il rassemblait pour cela des exemples historiques qu’il utiliserait. Ils sont d'ailleurs tous basés sur le même thème, la Grande-Bretagne contre Rome. »
Bien que McCarthy ne remettent pas en cause la capacité d'écriture de Shakespeare et qu’il reconnaisse que les chercheurs ont d’ores et déjà crédité la Chronique de Fabyan comme source, il a déclaré que les marginalia de North « suggèrent fortement que le génie créatif derrière Cymbeline était, en fait, Thomas North. »
Pour autant, pour Michael Dobson, directeur du Shakespeare Institute de Stratford-upon-Avon, même si la découverte des annotations est « significative », elle ne prouve pas « l’affirmation selon laquelle North utilisait la Chronique de Fabyan comme base pour une pièce sur Cymbeline ».
Et de poursuivre : « Il ne semble pas non plus y avoir de raison de penser que Shakespeare aurait eu besoin de connaître ces annotations, ou la pièce, par ailleurs complètement inconnue, que North est censé avoir composée à partir d’elles. » Pour lui, il est largement reconnu que Cymbeline est basé sur la neuvième histoire du deuxième jour du Decameron, recueil de 100 nouvelles écrites par l’Italien Boccace.
Alors plagiat ou pas plagiat, telle est la question...
Crédits photo : Matthew Curran and Jessica Miller Rauch dans Cymbeline /The American Opera Project (CC BY-NC-ND 2.0)
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