L'auteur le mieux payé du monde horrifié : l'édition rejetterait ses vieux mâles blancs
James Patterson, auteur américain, se classe (très) régulièrement en tête de la liste des écrivains les mieux payés au monde. Aux États-Unis, il fut l'auteur le plus vendu de la décennie, avec 84 millions d'exemplaires écoulés. Dans un entretien, il s'est inquiété d'une « autre forme de racisme », que subissent les auteurs âgés et blancs, alors que le secteur de l'édition, aux États-Unis, tente de se diversifier.
Le 14/06/2022 à 10:43 par Antoine Oury
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Publié le :
14/06/2022 à 10:43
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Créateur des personnages Alex Cross et Michael Bennett, pour lesquels il a développé des séries aux nombreux ouvrages, mais aussi de dizaines d'autres livres, James Patterson vend des exemplaires par palettes, aux États-Unis et dans le monde entier. Forbes estimait sa fortune à plus de 800 millions $ en 2019, faisant de lui un des écrivains les plus riches du monde.
Régulièrement, Patterson partage d'ailleurs une (petite) partie de sa fortune avec les libraires et bibliothèques scolaires américaines et britanniques, en guise de remerciements, par le versement de bourses annuelles.
Sa dernière campagne de promotion — pour un livre coécrit avec Dolly Parton — a toutefois pris un tour particulier, à l'occasion d'un entretien accordé au Times, au Royaume-Uni. Au fil de la conversation, James Patterson a en effet lâché (à dessein ?) que les auteurs blancs âgés étaient les victimes « d'une autre forme de racisme » dans l'édition, mais aussi le cinéma et la télévision.
« Est-il possible de trouver un boulot ? Oui. Est-ce compliqué ? Oui. C'est encore plus dur pour les auteurs âgés. Vous ne croisez pas souvent d'auteurs blancs de 52 ans », indique-t-il.
Évidemment, les déclarations ont fait les affaires du Times, qui titre d'ailleurs « James Patterson : les auteurs blancs âgés sont victimes de “racisme” ». Les propos de l'auteur ont créé, dès leur publication, la polémique, au Royaume-Uni comme aux États-Unis, deux pays où le secteur de l'édition s'efforce de se diversifier depuis plusieurs années.
Le « racisme inversé » en étendard
Poussés par des ONG, le grand public, des auteurs, mais aussi par différentes législations sur le sujet, les éditeurs américains ont entrepris depuis plusieurs années une diversification, tant des profils des auteurs publiés que de leurs employés. Cette dernière s'accompagne d'une évaluation régulière — les statistiques ethniques sont largement autorisées outre-Atlantique.
Fin 2021, le groupe Penguin Random House, l'un des plus importants de l'édition mondiale, relevait que les auteurs caucasiens représentaient 76 % de ses livres publiés durant la période 2019-2021, alors que la population générale des États-Unis ne compte que 60 % de Blancs. Par ailleurs, 74 % des travailleurs du groupe se classent parmi les Caucasiens, ce qui tend à renforcer le déséquilibre, selon le groupe d'édition.
Au sein du groupe Hachette, qui publie les livres de James Patterson, les données ne sont pas plus engageantes : en 2020, parmi les auteurs signant un premier contrat d'édition avec une maison du groupe, 7 sur 10 étaient blancs. Et 80 % des cadres le sont aussi, selon un rapport du groupe.
Ce manque de diversité peut avoir un effet sur les rémunérations des auteurs, avec des déséquilibres observés sur les montants des à-valoir accordés ou des pourcentages de droit d'auteur. L'autrice Leah Johnson a rappelé cette réalité à James Patterson, indiquant que « les auteurs issus de la diversité galèrent encore à payer leurs loyers et sont payés sous les minimums réglementaires, mais, s'il vous plait, rappelez-moi encore à quel point le racisme heurte les auteurs âgés blancs ».
Sans forcément pencher du côté de la théorie raciste du « grand remplacement », en l'appliquant à l'édition — ce que certains lui reprochent —, Patterson semble tout de même s'être laissé aller à pointer des cas de « racisme inversé » — réels ou supposés. Et ce, alors qu'un racisme systémique subsiste de manière évidente dans le secteur de l'édition aux États-Unis.
Si les cadres du groupe Hachette n'ont pas commenté les propos de Patterson — et pour cause —, Lisa Lucas, éditrice au sein de la maison Pantheon Book (groupe Knopf Doubleday, Penguin Random House) n'a pas hésité à les qualifier de « bêtises », auxquelles le best-seller ne serait pas seul à croire.
Lutte antiraciste et antisexiste ont en effet fait naitre, aux États-Unis comme ailleurs, un mouvement réactionnaire qui passe aussi par la victimisation et que, dans l'édition américaine, des responsables républicains et des auteurs aux idées nauséabondes ont souvent fait valoir...
Mise à jour 16/06 :
Remarquant le tollé suscité par ses propos ainsi que son usage quelque peu abusif du terme « racisme », James Patterson a publié des excuses et corrections sur ses réseaux sociaux, déclarant notamment : « Je ne crois pas du tout que le racisme vise des écrivains blancs. Sachez que je soutiens fermement la diversité des voix, en littérature, à Hollywood ou ailleurs. »
I apologize for saying white male writers having trouble finding work is a form of racism. I absolutely do not believe that racism is practiced against white writers. Please know that I strongly support a diversity of voices being heard—in literature, in Hollywood, everywhere.
— James Patterson (@JP_Books) June 14, 2022
Photographie : James Patterson, aux côtés de Donald Trump et Melania Trump, en 2019 (The White House, domaine public)
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6 Commentaires
Alex Thiebaut
14/06/2022 à 19:35
Vous n avez pas compris ce que Patterson a dit, il parle des femmes. Allez chercher les chiffres des femmes publiées sur les dernieres années, on est dans du 75%. Allez chercher le chiffre de nouveau auteur blanc, male, agé, non lgbt qui ont debuté ces dernieres annees, on est sur du 2 a 5%.
On n est effectivement dans une periode de racisme et de misanthropie. Il n y a qu a regarder les laureats du dernier Nebula awards, pas un seul male blanc n a gagné.
Commentaire
21/06/2022 à 10:41
Effectivement, si on compare l'ensemble des femmes aux hommes, âgés, blancs, non lgbt, encore heureux qu'il y a une disparité. Il faudrait, si on joue à ce petit jeu, comparer femmes et hommes (et là on est quasi sur du 50-50, pas 75% de femmes), puis femmes blanches/noires/maghrébines/asiatiques etc. aux hommes blancs/noirs/on a compris, puis affiner avec une distinction par classe d'âges. Et si on est chauds, voir la couverture médiatique par "étiquettes". Et, oui, ce serait sympa aussi que ça ne marche pas au copinage avec les plus riches qui s'en sortent.
Mais je crois que ce qui me dérange le plus dans l'argumentaire de quelqu'un comme Patterson, c'est qu'en entendant ça de la bouche d'un noir on rétorque souvent "assez de victimisation, ton bouquin était juste mauvais". Une malchance endémique chez les minorités, mais quand un auteur mâle blanc en est touché, là il externalise complètement son locus de responsabilité.
Frank
14/06/2022 à 20:19
Ce qui est nauséabond comme vous dîtes est la sélection des auteurs sur leur race supposé et non pas l'expression de Patterson. Dont vous vous empressée de signaler la proximité avec Trump. Seul le talent doit être pris en compte
Aleph
15/06/2022 à 10:04
J'ai rarement lu autant d'amalgames et de sottises sur ce site pourtant riche en articles navrants et idéologiquement biaisés.
Alter
16/06/2022 à 14:48
J'ai lu cet article à sa parution, mais deux jours plus tard il me trotte toujours la tête. Ce n'est pourtant pas la première fois que vous écrivez sur ce sujet. Pas la dernière non plus, probablement.
Répondre à un article comme celui-ci est un excercice périlleux. Votre conclusion, M. Oury, prend la forme d'un bâillon : « Lutte antiraciste et antisexiste ont en effet fait naitre, aux États-Unis comme ailleurs, un mouvement réactionnaire qui passe aussi par la victimisation et que, dans l'édition américaine, des responsables républicains et des auteurs aux idées nauséabondes ont souvent fait valoir... » Voilà, toute réponse est inutile. Si je souhaite exprimer un désaccord ou une nuance, je serais catalogué comme appartenant à l'extrême-droite. Il s'agit là d'une rhétorique efficace contre quelqu'un comme moi : j'ai toujours voté à gauche et lutté contre les idées de Le Pen ou Zemmour.
Je suis farouchement opposé à toute forme de racisme ou de sexisme. Ce n'est pourtant pas le racisme ou le sexisme que je hais au plus profond de moi, mais toute forme d'injustice sociale.
J'en arrive à la raison de mon intervention aujourd'hui. L'injustice sociale, contrairement à ce que beaucoup semblent croire aujourd'hui, ne vise pas seulement les femmes ou les minorités. Les pays occidentaux sont certes dominés par des hommes blancs, mais tous les hommes blancs ne dominent pas le pays dans lequel ils vivent, loin s'en faut ! J'en suis un, d'homme blanc. Fils et petit-fils d'ouvriers, j'ai grandi dans une région entièrement tournée vers ses industries, désormais moribondes, et n'ai pas fréquenté de bons établissements scolaires. Tous mes copains d'enfance, des hommes blancs pour la plupart, sont au chômage, pointent à l'usine ou, pour les plus chanceux, travaillent comme boulangers. Au collège, certains d'entre eux avaient pourtant des résultats honorables, meilleurs que les miens.
C'est une réalité sociale sur laquelle nos élites (et par « élites », que cela vous plaise ou non, je vous inclus Mr. Oury, car en tant que journaliste vous faites partie d'une élite intellectuelle), consciemment ou non, ferment les yeux. En ignorant (ou en niant) le fait que les Blancs issus de milieux défavorisés doivent être ajoutés à la liste des victimes de l'injustice sociale, on les condamne à de nouvelles difficultés. Prenons un exemple très simple, en lien direct avec cet article : un homme blanc, qu'il soit âgé ou non, issu du monde ouvrier, écrit un roman qu'il soumet à plusieurs éditeurs. Ces éditeurs, qui veillent désormais à une représentation plus juste de la société française dans leur catalogue, essaient de mettre la main sur des oeuvres écrites par des femmes, des Noirs, des Maghrébins, etc. Puis vient le tour des manuscrits envoyés par des hommes blancs. Qui sacrifiera-t-on à ce moment-là ? Les moeurs des éditeurs sont bien connues : on aime bien publier les copains, on aime bien publier les amis d'amis, les filles et fils de, etc. Des gens le plus souvent blancs, issus de milieux favorisés. Et tant pis pour le Blanc dont les parents sont ouvriers.
C'est là une dérive qui nous attend, si elle n'est pas déjà à l'oeuvre. Ce qui est vrai au moment de choisir du publier un auteur l'est tout autant au moment de recruter un cadre.
Mon voeu pieux : que seul le talent et le travail compte, que plus personne ne soit discriminé en France en raison de la couleur de sa peau, de son sexe ou de son origine social.
Mon voeu (un peu) réaliste : que nos élites comprennent enfin que le problème de l'injustice sociale ne concerne pas exclusivement les gens issus des minorités ou les femmes, mais qu'il peut tout aussi bien frapper des hommes blancs.
Je ne sais pas si ce message peut avoir quelque influence dans la manière dont vous aborderez à l'avenir ces questions (et là je m'adresse à toute l'équipe d'Actualitté dont je suis un fidèle lecteur depuis ses débuts). J'espère en tout cas que vous ne l'accueillerez pas avec mépris, car cela voudrait que votre combat est hypocrite. Et si votre combat est hypocrite, cela ne fait pas de vous une partie de la solution, mais une partie du problème !
CAROLOMARC
22/08/2022 à 09:40
Bravo!!!! Remarquable! Assez de "discrimination positive" qui ne fait le jeu que de la médiocrité. Vous avez raison : seul le talent, seule la qualité, seule la compétence, devraient être prise en compte. Mais, hélas, c'est une utopie.