Accroupi sur le bord de l’asphalte, à quelques mètres de Lola (la Thunderbird de 1959 appartenant à Henry Standing Bear) sur la carrosserie de laquelle la « Nation Cheyenne » est délicatement appuyé, le shérif Walt Longmire observe les quelques traces encore présentes qui pourraient lui apporter quelque indication sur l’accident survenu une semaine plus tôt.
Sur cette route alors encore peu fréquentée qui mène à Hulett, une moto aurait pu être, selon les premières conclusions de l’adjoint local, volontairement heurté par un autre véhicule envoyant l’engin et son conducteur dans les décors avant qu’une ambulance n’emmène le second à l’hôpital pour y soigner des traumatismes multiples et qu’une dépanneuse n’emmène la première à la fourrière…
Compte tenu de l’énorme fête Ham’N Jam qui mobilise totalement l’effectif policier plus que réduit de Hulett dont la population est considérablement augmentée par l’arrivée de bikers et de leurs accompagnants de tous horizons venant participer à cette fête, l’adjoint de la petite bourgade a fait appel au shérif d’Absaroka pour lui donner un coup de main amical. Profitant du voyage de Henry qui venait à Hulett pour participer au Sturgis Jackpine Gypsies Hill Climb comme il le faisait depuis l’année lointaine où il avait gagné l’épreuve, Walt Longmire avait accepté ce coup de main en s’octroyant quelques jours de pseudo vacances aux pieds de la Devil Tower.
En l’absence de propos cohérents quant à l’accident, recueillis auprès de la victime, pour cause de séquelles sur lesquelles les médecins ne s’aventuraient à aucune prédiction quant à leur issue, le casier assez chargé du dénommé B. way, son taux d’alcoolémie très bas lors de l’accident et son comportement au volant de sa machine irréprochable selon les archives de la police ne prêchaient pas pour une banale erreur de conduite.
Ce que semblaient confirmer les pressions exercées par Brady Post et son gang, les Tre Tre Nomads. Un gang de bikers auquel appartient B. way. Bodaway Torres plus exactement. Dont il s’avère rapidement qu’il est le fils d’une sculpturale cinquantenaire prénommée Lola qui s’inquiète de qui a bien pu vouloir assassiner son fils et qui pourrait bien réussir à la deuxième occasion, ce qu’il a raté à la première !
Laquelle Lola, elle-même très, très proche des Tre Tre Nomads souhaite demander de l’aide à Henry pour tenter de démasquer le coupable. Alors que Walt Longmire découvre assez rapidement un important passif entre Lola et Henry et leur liaison, jusqu’alors inconnue de lui, à l’origine du nom donné par Henry à sa Thunderbird... Et, par ricochet, à sa propre petite fille !... Mais également que de la peinture rose est restée accrochée sur la moto de B. way alors que rose est aussi la couleur de la vieille Cadillac De Ville de 1966, propriété de sa mère, Lola….
Entre Henry, qui considère que Lola ne pourrait en aucun cas être responsable d’un accident qui aurait pu causer la mort de son fils (tout en considérant que Lola ne peut qu’être source d’ennuis), et Walt, qui ne peut que constater les faits et se dire qu’il n’y a jamais de hasard, ni d’impossible, ni de coïncidence inutile, s’installe une divergence de vues que seuls des éléments concrets et indiscutables pourront effacer.
Aux pieds de Devil Tower s’engage alors une enquête qui va ébranler un peu la sérénité d’une amitié aussi phénoménale que les deux individus qui la partagent et faire pénétrer le lecteur dans un autre monde bien éloigné des dinosaures de Dry Bones !
Dès les premières pages de ce roman, on retrouve cette amitié si particulière entre le (devenant) vieux shérif et son alter ego de la Nation Cheyenne : avec des dialogues ciselés qui plantent immanquablement le décor et l’ambiance sans coup férir. Le jeu des acteurs est, pour moi, magnifique et je n’ai aucune difficulté à me faire un film avec un « sauvage impassible quoique noble » ne réagissant pas au salut de touristes pour rester « cohérent avec [leur] vision stéréotypée » dudit sauvage ! Lequel ne manque pas d’oublier son impassibilité et de « rendre leur sourire à deux beautés graciles en dos-nus », justifiant son changement d’attitude d’un laconique : « Il faut prendre garde à ne jamais donner dans l’excès. »C’est idiot, mais j’adore.
Et cet ouvrage regorge de ces situations où on découvre un Henry touchant d’une sensibilité dont on ne l’avait jusqu’à présent vu faire preuve qu’à égard de Cady et de sa fille Lola ! Bien sûr !
Comportement qui ne peut laisser notre shérif insensible même si ses soupçons ont plutôt tendance à lui faire voir, dans la belle propriétaire de la Cadillac, une coupable parfaitement plausible.
N’ayez aucune crainte, Craig JOHNSON n’a pas viré sa cuti et n’est pas tombé dans les bras de la romance à l’eau de rose : les méchants sont toujours méchants et ils sont là et bien là ! Et ils sont nombreux et de toutes sortes, à commencer par les gros bras des gangs de bikers dont seuls les gabarits du shérif, de l’Ours et du Chien sont capables de freiner les ardeurs belliqueuses.
Encore une fois, Craig JOHNSON entraîne ses héros dans une enquête d’une impressionnante actualité et aux ressorts multiples où la drogue paraît ne pas être le pire des dangers que des individus, outrepassant toutes les limites, sont prêts à faire subir à leurs semblables dans une quête toujours plus folle du pouvoir avec l’argent. Et réciproquement.
Sans oublier de maintenir le déroulement de son histoire dans un contexte parfaitement réel, celui d’un rassemblement annuel de bikers dont les motivations et les comportements sont diversement perçus par la société qui prétend qu’ils n’ont d’autre ambition que de les em.. der alors que cela pourrait bien être la société « qui les emmerde ». Sans pour autant qu’il soit bien aisé de distinguer les « salopards » de ceux qui pourraient l’être moins. Mais il est illusoire de penser que l’habit fait le moine. Et s’ils sont loin d’être des anges, les bikers ne sont pas les seuls détenteurs de la graine de la violence, du banditisme et de l’illégalité.
Au milieu de tous ces nuages d’orage, l’Ours enfourche sa moto pour une nouvelle tentative de reproduire son exploit vieux de nombreuses années. Avec l’expérience, la ruse et un petit grain de duplicité.
Alors que pour Walt, « le challenge sera de ne pas se laisser manipuler par “une évidence trompeuse”.
Rien à redire : c’est toujours aussi bon !
Paru le 01/10/2020
416 pages
Editions Gallmeister
24,20 €
Paru le 03/10/2019
343 pages
Editions Gallmeister
23,20 €
Paru le 15/03/2018
352 pages
Editions Gallmeister
21,50 €
Paru le 07/05/2009
408 pages
Editions Gallmeister
24,30 €
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