Quel est le lectorat des auteurs primés ? Grâce à l'outil d'analyse Babelio Data, une série d'articles est lancée sur ActuaLitté pour dresser un portrait détaillé des différents publics de lecteurs qui lisent les œuvres des autrices et auteurs distingués par les prestigieux prix d'automne. Cette semaine, nous poursuivons les recherches avec Que notre joie demeure, de Kevin Lambert, prix Médicis et Décembre 2023.
Le 07/12/2023 à 16:36 par Nicolas Gary
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Publié le :
07/12/2023 à 16:36
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Pour son troisième roman paru en France, Kevin Lambert n’a pas manqué de presse — peut-être autour de l’ouvrage et de son accompagnement éditorial, plus que le fond de ce roman. Au cœur de l’ouvrage, Céline Wachowski : père absent, mère notaire, une authentique self-made-woman dont le succès découle de son investissement et de son travail. Autant que de sacrifices amplement consentis.
Incarnant le capitalisme dans ses plus terribles dérives, elle finit par devenir l’objet des convoitises : on la sollicite, en tant qu’architecte, pour que son nom soit associé à un bâtiment, dédicacé, dirait-on.
« Le cas Céline Wachowski, à partir duquel je mets en scène l’accession à un privilège, est une femme, ce qui n’empêche pas de devenir aussi bourreau que les autres. C’est lié à tout ce discours qui dit que si on avait plus de femmes, ou d’homosexuels dans les conseils d’administration, le monde irait mieux soudainement.
Je n’y crois pas du tout.
Je constate qu’être minorisé à la base ne change rien à un comportement de pouvoir. Une fois qu’on acquiert ses positions, on défend nos intérêts de classe avant tout. »
Fidèle à son éditeur, Le Nouvel Attila, Kevin Lambert a publié en 2019 Querelle. Pour les utilisateurs de Babelio, l’écrivain est clairement un auteur qu’ils découvrent : 60 % d’entre eux ont placé son ouvrage, Que notre joie demeure, dans leur sélection — sans l’avoir encore lu. Un chiffre particulièrement élevé démontrant curiosité et intérêt.
Son lectorat, à travers le réseau social, est principalement masculin et finalement assez représentatif des amateurs de littérature, avec une moyenne d’âge de plus de 46 ans – contre moins de 37 ans d’ordinaire pour les fans tant de littérature québécoise que de littérature française plus globalement.
Sorti le 18 août, le roman du Québécois, et ancien libraire aura successivement remporté le Prix de la Page 111, le 21 octobre, Prix Décembre, remis le 31 octobre, puis le Prix Médicis, décerné le 9 novembre en cette année 2023.
Sa carrière en France avait débuté par un véritable succès : Querelle, en grand format, s’était écoulé à 9120 exemplaires (donnée : Edistat), présenté audacieusement lors de la rentrée littéraire 2019. Cependant, sa reprise en poche chez Points ne rencontrera pas vraiment le même enthousiasme : tout juste 2000 ventes pour une sortie en janvier 2021, alors que paraissait, quelques mois plus tard Tu aimeras ce que tu as tué, en septembre. Mais cette fois, c’est un four : 706 ventes selon les estimations d’Edistat.
Les usagers de Babelio n’ont pas non plus repéré l’écrivain : un très léger frémissement se fait sentir dès 2017 (les utilisateurs québécois), mais rien ne bouge réellement avant la semaine 34 de 2023 – soit une semaine après la parution de Que ta joie demeure.
En détaillant les cinq derniers mois de l’année, deux mouvements apparaissent distinctement : en semaine 36 (4/10 septembre), la polémique est déclenchée lorsque Nicolas Mathieu s’agace des propos de l’éditeur de Kevin Lambert. Benoît Virot revendique que le roman a été relu avec « une sensitive reader, pour encore une fois, coller au plus près de la réalité ».
Pour Nicolas Mathieu, l’argument était désastreux : « [F]aire de professionnels des sensibilités, d’experts des stéréotypes, de spécialistes de ce qui s’accepte et s’ose à un moment donné la boussole de notre travail, voilà qui nous laisse pour le moins circonspect. Qu’on s’en vante, voilà qui au mieux est amusant, à la vérité pitoyable. »
Reste que durant la dizaine de jours qui occupa les médias avec ce sujet, les utilisateurs de Babelio ont manifesté un regain d’intérêt. Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose…
En suivant le déroulé des prix, la semaine 43 (Prix Page 111) n'a pas fait vibrer les membres du réseau de lecteurs. Pas plus que, la semaine suivante (Prix Décembre), ils n'auront réagi à l'actualité. En revanche, le Médicis, en semaine 45 montre bien un engouement, qui se prolongera la semaine suivante – avant de décroître, progressivement.
On observe chez Edistat le même phénomène : avant le Médicis, les ventes hebdomadaires tournaient autour de 248 exemplaires. Le Médicis fit tripler immédiatement les ventes, avec 725 tomes écoulés, puis 1111 la semaine suivante. En cette semaine 47, ce sont 1886 exemplaires qui ont trouvé lecteur. Mais Que notre joie demeure affiche un score de 6704 ventes cumulées.
L’année dernière La treizième heure, d’Emmanuelle Bayamack-Tam (P.O.L.), fut lauréat Médicis, mais également Prix Landerneau des lecteurs. Le second, contrairement à ce que l’on imaginerait, n’a pas vraiment exercé d’influence immédiate sur les ventes : remis le 12 octobre (semaine 41).
Les ventes du roman ont notablement regrimpé après le Médicis (semaine 45) : au 1er janvier 2023 13.346 exemplaires avaient été vendus. Entre un jeune romancier québécois et une écrivaine française qui compte plus d’une dizaine de romans — et un prix du Livre Inter en 2019 pour Arcadie, ce sont deux carrières bien distinctes.
Pour en savoir plus sur Babelio Data, contactez-les à data@babelio.com.
Crédits photo : Kevin Lambert © Bénédicte Roscot
Paru le 18/08/2023
360 pages
Le Nouvel Attila
19,50 €
Paru le 07/01/2021
240 pages
Points
7,50 €
Paru le 23/08/2019
236 pages
Le Nouvel Attila
19,00 €
Paru le 10/09/2021
191 pages
Le Nouvel Attila
18,00 €
11 Commentaires
christine schoch
07/12/2023 à 23:45
la photo me donne envie de connaître cet auteur car elle brille d'intelligence fulgurante interrogative et sceptique par l'intermédiaire d'un sourcil pensif comme tintin et des yeux verts de scientifique chercheur en astrophysique....
Michel BLAISE
08/12/2023 à 06:15
"Dites du mal de moi le dos tourné, mon cul vous contemple" (Flaubert)
Toinou
10/12/2023 à 09:20
Il n'y a pas que les lecteurs qui ont semblé le découvrir : une partie non-négligeable de la presse présentait cet auteur comme une découverte, parfois à deux doigts de parler d'un premier roman...
Jasper the disaster
10/12/2023 à 17:19
Doit-on attendre quelque chose d'un écrivain qui s'appelle Kevin ?
Alexandre
12/12/2023 à 16:30
Quel intérêt de nous faire partager votre « vision » sélective de la littérature ?
Jasper the disaster
12/12/2023 à 17:42
Aucun.
Alexandre
13/12/2023 à 12:26
On lit déjà assez d'idioties dans la partie réservée aux commentaires sur le web.
Nul besoin d'ajouter votre pierre à l'édifice.
Jasper the disaster
13/12/2023 à 14:35
C'est sûr, frère Alex, merci de vos bons conseils
Celeos
14/12/2023 à 16:00
Je m'interroge sur le titre de son ouvrage, emprunté à Jean Giono (Que ma joie demeure) qui était une référence à JS Bach, Jean Genet (Querelle de Brest) pour le précédent...
Ce genre d'écrivain peut-il inscrire une empreinte de poids dans l'histoire de la littérature ?
Jasper the disaster
14/12/2023 à 16:59
En plus, il est québécois. J'espère que c'est traduit en français.
Jasper the disaster
21/12/2023 à 11:28
En plus, il a emprunté son nom à Christophe et son prénom à mon voisin. Mais j'ai très envie de le lire car il est beau.