Si l’on parle souvent du décrochage scolaire comme d’un problème de société, on n’a pas toujours à l’esprit les multiples facettes des conséquences de ce fléau pour les individus qui en sont victimes. Une étude québécoise conduite par les PRECA (Partenaires pour la réussite éducative en Chaudière-Appalaches) fait le point sur la situation. Le Canada est d’ailleurs depuis quelques années en pointe concernant la lutte contre le décrochage scolaire après avoir connu une période où ce phénomène atteignait des niveaux dangereusement élevés.
Un individu ayant décroché est susceptible de rencontrer des difficultés socio-économiques. Par le fait même, il est plus enclin à développer certains problèmes de santé mentale : on observe un risque d’isolement social et de dépression chez ces personnes, ainsi qu’un risque de développer différents problèmes de comportements (intériorisés et extériorisés) comme des actes de délinquance.
Compétences personnelles :
Sur le plan des compétences personnelles, le jeune décrocheur risque de devoir composer avec des conséquences, telles que des lacunes dans le savoir et le savoir-faire, un manque ou une baisse de confiance ou d'estime de soi, la méconnaissance de soi et des autres, un déficit de motivation et d'implication, un manque de confiance en l'avenir, un sentiment d'amertume à l'égard d'autrui, un sentiment d'exclusion et la possibilité́ de la transmission intergénérationnelle de l'échec scolaire.
Consommation :
Lorsqu'on analyse la relation entre le décrochage scolaire et certaines habitudes de vie (tabagisme, consommation de drogues et d'alcool), les constats sont préoccupants. En général l'usage de la cigarette ou de substances psychoactives est associé à un plus grand risque de décrochage scolaire. Ce constat corrobore les résultats de plusieurs études.
Au sujet des substances psychoactives, les études font clairement état du fait que, chez les jeunes qui consomment ou non de l'alcool, l'usage de drogues augmente le risque d'abandonner l'école. Ces résultats suggèrent clairement que ces comportements à risque peuvent jouer un rôle néfaste en augmentant la probabilité de décrocher.
Santé physique :
Selon une étude norvégienne réalisée auprès de 9 000 élèves âgés de 13 à 21 ans, le risque de décrochage scolaire est significativement plus élevé chez les jeunes obèses comparativement à ceux de poids normal .
Le lien entre le décrochage scolaire et les problèmes de poids s'expliquerait par la probabilité plus élevée chez ces jeunes de présenter des troubles psychotiques comme des problèmes d'estime de soi, d'anxiété ou de dépression. Il semble que le lien entre le surpoids et le risque de décrochage scolaire pourrait se faire principalement par l’intermédiaire de ces troubles psychologiques.
Implication citoyenne :
En général, les jeunes qui ont décroché participent moins activement à la vie en société. À titre d'exemple, seulement 52% des décrocheurs exercent leur droit de vote. Ce pourcentage augmente à 67% chez ceux ayant obtenu un diplôme secondaire, à 74% chez ceux ayant un diplôme collégial et à 84% chez ceux ayant un diplôme universitaire.
Système carcéral :
Les non-diplômés composent la majorité des assistés sociaux et constituent une grande part de la population carcérale. En effet, cette dernière est constituée d’environ 63% de gens ayant décroché contre 37% d’individus possédant un diplôme. Les jeunes qui décrochent avant l'âge de 16 ans présenteraient jusqu'à 3,4 fois plus de risque d'être incarcérés au cours de leur vie.
Legs intergénération :
Les individus qui ont abandonné l'école courent plus de risques de voir leurs enfants décrocher à leur tour lorsqu'ils seront parents. Les enfants de mères peu scolarisées (sans diplôme d'études secondaires) sont plus susceptibles de présenter un retard sur les plans cognitifs et langagiers à la maternelle ou d'éprouver des difficultés liées à l'apprentissage de la lecture au début du primaire. Les jeunes qui ne grandissent pas auprès de leurs deux parents, ceux dont les parents sont moins scolarisés ou ceux dont les parents n'ont pas d'emploi sont plus à risque de décrochage scolaire.
Impact sur le revenu annuel moyen :
Le revenu annuel moyen des personnes qui n’ont pas de diplôme en poche est inférieur à celui des personnes ayant obtenu un diplôme. Une personne avec un diplôme d’études secondaires (DÉS) a un salaire 15% supérieur et un taux d’emploi 10% supérieur à une personne n’ayant pas obtenu de DÉS. Le revenu annuel moyen d’une personne sans diplôme étant de 26 000$, l’obtention d’un diplôme ferait passer ce revenu annuel moyen à 33 000$, ce qui représenterait un gain de 7 000$ par année. En 45 ans de vie active, le diplôme engendrerait une hausse de « 450 000$ du revenu cumulatif d’une personne. »
En plus d’avoir plus d’argent dans leurs poches, les diplômés paient davantage de taxes et d’impôts que les non diplômés. Le fait que les décrocheurs subissent un manque à gagner durant leur vie active se répercute aussi sur la société, qui supporte une perte de revenus fiscaux potentiels (taxes et impôts) qui auraient été perçus auprès de ces mêmes personnes si elles avaient été diplômées. »
Certaines études ont évalué aussi le coût que représente un décrocheur pour le Québec. « Si l’on considère le gain qu’une personne diplômée représente pour le Québec, pour chaque décrocheur, la société se priverait d’un gain de 120 000$ (en valeur actualisée), incluant les coûts sociaux associés aux impacts du décrochage. Au cours d’une vie, on estime à 500 000 $ les coûts sociaux engendrés par chacun des décrocheurs. En terme de pertes (taxes, impôts, coûts sociaux), une cohorte de décrocheurs coûterait environ 1,9 milliard de dollars à l’État québécois. »
Chômage et aide sociale :
« D'après l'OCDE, les décrocheurs ont deux fois plus de risque de se retrouver au chômage. Le taux de chômage chez cette population est d'ailleurs particulièrement élevé. Selon Statistique Canada, ce taux s'élevait à 23,3% pour l'année 2009-2010 chez les décrocheurs âgés de 20 à 24 ans, ce qui équivaut à plus du double du taux de chômage des diplômés de la même tranche d’âge. Au Québec, 82% des adultes prestataires de l'aide sociale et aptes au travail n'ont pas terminé leurs études secondaires .
« Le décrochage met en péril la vigueur économique du Québec en privant la société québécoise de travailleurs qualifiés. ». Les personnes qui ne fréquentent plus l'école et qui n'ont pas terminé leurs études secondaires génèrent plus de coûts en ce qui concerne l'utilisation des services d'aide sociale et de la sécurité du revenu. Ces personnes contribuent non seulement à l'accroissement de la demande de tels services sociaux, mais aussi à l'augmentation des dépenses liées aux soins de santé, de même qu'à la hausse de la criminalité et de la délinquance. »
Les auteurs de cette étude québécoise concluent de manière plutôt positive sur la situation et sur les piste de remédiation :
« Bien que le décrochage ne soit pas l’unique cause des problèmes sociaux et économiques, les études démontrent que ce phénomène a un impact réel sur de nombreux problèmes d’adaptation (échec scolaire, problèmes de comportements, isolement social, etc.), de même que les problèmes structuraux d’inégalités sociales et économiques (insertion professionnelle, chômage, etc.).
Malgré un portrait plutôt sombre, les initiatives et les investissements en persévérance scolaire se sont avérés fructueux depuis quelques années. On estime que le coût pour sauver un décrocheur oscille entre 10 000$ à 20 000$.
Cet investissement pour la persévérance scolaire contribuera à l’enrichissement de la société québécoise, d’un point de vue social, culturel et économique. En d’autres mots, l’augmentation du taux d’obtention d’un diplôme d’études secondaires signifie notamment : accéder à des emplois intéressants, lesquels :
· demandent de plus en plus de qualification ; bénéficier de meilleures conditions de vie et
· envisager une espérance de vie plus longue ; vivre un sentiment de fierté ;
· devenir un citoyen mieux informé, plus actif et
· impliqué dans sa communauté.
(Crédits photos : CC BY SA 2.0 - Laurent)
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