Alors que Le Livre de Khalid a connu, sur cent ans, un succès limité, des intellectuels pensent, qu'avec les questions actuelles qui secouent les relations Moyen-Orient et Occident, le roman d'Ameen Rihani peut reprendre toute sa place.
Le 08/08/2012 à 14:10 par Clément Solym
Publié le :
08/08/2012 à 14:10
Une gloire à rebours ?
N'allons pas jusque-là, pour le moment. Ameen Rihani fut l'un de ces hommes qui ont réussi à se faire respecter, émigré à l'âge de onze ans à Manhattan avec sa famille, au sein d'un groupe talentueux d'écrivains arabes travaillant à New York. Lecteur précoce de Shakespeare, Thoreau, Emerson, Carlyle et Washington Irving, il s'immisce rapidement dans les milieux intellectuels arabes et américains. Après plusieurs voyages entre le Liban et les Etats-Unis, Ameen Rihani va s'imposer, dès sa jeunesse, comme un penseur provocateur. Il est de ceux qui n'hésitent pas à commenter les questions politiques, religieuses et sociales. Lors de la publication du Livre de Khalid en 1911, Ameen Rihani devient le premier romancier arabe ayant écrit en anglais. Il influencera sans peine Mikhaïl Nouaymé avec Le Livre de Mirdad et Khalil Gibran avec Le Prophète. Homme de Lettres, l'écrivain a également introduit le vers livre dans la poésie arabe en 1905, influencé par le travail de Walt Witman.
L'année dernière a été l'occasion de revenir sur son œuvre au cours d'un hommage centenaire du Livre de Khalid. Une façon de présenter au public un livre hybride qui convoque divers thèmes politiques et philosophiques. On retrouve des sujets qui mêlent Moyen-Orient et Occident, comme l'immigration arabe à New-York, les relations arabo-américaines, la combinaison expérimentale de l'arabe littéraire et des formes occidentales. Le livre de Khalid traite aussi la politique de l'Empire ottoman, du sectarisme et de la spiritualité universelle.
Des débuts difficiles, mais aujourd'hui une notoriété dans les recherches universitaires
Les débuts du Livre de Khalid ne furent évidemment pas faciles :
« Nous sommes très intéressés par votre livre, mais nous ne pensons pas qu'il est du genre à avoir un succès commercial. Nous prenons des risques en le publiant. Nous faisons cela parce que nous croyons en l'arrivée de nouveaux qui possèdent un tel travail sur la littérature et la philosophie », écrivait Rihani en rapportant les paroles franches de ses éditeurs.
L'éditeur a ensuite promu le roman comme une analyse des institutions américaines par un immigrant, un travail « de l'Amérique » par un point de vue « extérieur », centrant ainsi le sujet autour du mariage Orient / Occident, autant que des aspects spirituels et exotiques d'Ameen Rihani, comme un écrivain arabe aux États-Unis.
L'œuvre est rapidement perçue comme posant les grandes questions du nationalisme arabe, dévoilant une critique naissante et subtile de l'orientalisme. Néanmoins, le roman est qualifié de « stéréotype » sur certains sujets (syrie, juifs), et le professeur Wail Hassan de l'Université de l'Illinois remarque, dans Immigrant Narratives: Orientalism and Cultural Translation in Arab American and Arab British Literature, que « seuls les bi-culturels tels que Rihani seraient à même de déchiffrer les jeux de mots sans fin inter-linguistique, les blagues, le vocabulaire arabe non traduit […] et de suivre le grand nombre d'allusions à travers quatorze siècle de littérature arabe et quatre cent ans de textes européens ».
Néanmoins, les études se poursuivent autour de l'écrivain avec un nombre croissant de bourses pour celles qui portent sur Le Livre de Khalid, note Melville House. Des thèmes de travail qui s'orientent sur l'engagement de Khalid avec l'orientalisme ; sa conception d'une spiritualité universelle ; son cosmopolitisme, son métissage culturel, sa construction philosophique, le concept de « La Grande ville » ; la diversité des genres de Khalid, ce qui a pu empêcher une catégorisation rapide ; le souhait de Rihani de rester à l'écart des autres écrivains d'origines arabes et des intellectuels de son époque etc.
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