Audrey Azoulay se rendra au 44e festival de la BD d’Angoulême ce 26 janvier, et, à l’approche des rencontres, livre quelques-unes de ses lectures BD favorites. À deux jours du lancement de la grande manifestation, et un an après la polémique dénonçant le sexisme de l’organisation, que lit donc la ministre ?
Le 24/01/2017 à 15:56 par Florent D.
Publié le :
24/01/2017 à 15:56
ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Audrey Azoulay l’avait assuré à ActuaLitté, lors du salon jeunesse de Montreuil : pas question de tenir un carnet de chroniques des livres qu’on lui offre. « Mais il peut m’arriver de donner un coup de chapeau, ou de saluer une belle œuvre – je l’ai déjà fait, parce que j’ai un coup de cœur. Je ne le ferai pas forcément pour les livres dont on parle beaucoup, mais parfois, pour ceux qui sont un peu oubliés, ça peut être utile. »
L’an passé, les femmes étaient les grandes oubliées dans la sélection d’Angoulême. Alors, fort justement, la ministre les met à l’honneur. Elle vient en effet de donner la liste de ses BD du moment, et le choix ne manque pas de piquant. Parce qu’on retrouve du lourd dans la sélection.
La Légéreté, de Catherine Meurisse
Joséphine Baker et Olympe de Gouge, de Catel et Bocquet
Les Cahiers d’Esther, de Riad Sattouf
On sentirait volontiers un doux écho de la crise qu’a connue Angoulême l’an passé, et qui fut la première que la ministre a traversée dans l’industrie du livre. Comprenons-nous, tout cela, c’est de l’excellente facture, un choix solide. On parlerait même d’une sélection Telerama, avec un certain niveau culturel. Les œuvres sont en effet loin de la dimension enfantine d’Astérix ou de la profusion d’album d’héroic fantasy ou de western actuel. Tout cela dit sans jugement de valeur : les goûts et les couleurs ne se discutent pas.
Quatre BD, pas une de moins. Nous avons alors demandé à notre partenaire BDfugue.com de fouiller derrière les dessins et les bulles, pour sortir un portrait en contre-jour de ces lectures.
Avec Sattouf, Madame La Ministre rappelle subtilement la fameuse polémique puisque l’auteur lui avait conféré une forte résonance médiatique en refusant d’être associé à une liste dans laquelle ne figurait aucune femme.
En nommant deux auteures — Meurisse et Catel — elle affirme fermement que les femmes font de la BD et de la bonne !
Enfin, Bocquet est le compagnon de Catel à la vie comme sur les couvertures des remarquables bio-graphiques de ces femmes qui ont fait l’histoire. La légèreté, comme d’autres des choix d’Audrey Azoulay, est une BD transversale à d’autres arts : dans cet album, Catherine Meurisse raconte en effet comment, après avoir survécu aux attentats de Charlie Hebdo, l'art va lui permettre de réapprendre à vivre.
Enfin, le choix des sujets est résolument féministe : Joséphine Baker — femme exceptionnelle, artiste exceptionnelle, engagée dans la résistance puis pour le droit des noirs, Olympe de Gouge, femme de lettres, femme politique et pionnière du féminisme, et la petite Esther, jeune fille de 10 ans en pleine construction et qui représente les générations à venir.
Une sélection fortement raisonnée donc en forme de bilan d’un des premiers dossiers de Audrey Azoulay en tant que ministre de la Culture, fraîchement nommée début février 2016 et saisie dès le mois de mars par les éditeurs de BD qui menaçaient de boycotter le festival.
Depuis, une médiation a eu lieu, une association a été créée et une femme, Posy Simmonds, préside le jury de cette 44e édition. La lecture de Gemma Bovery, par l’auteure-présidente (sorti en août 2014 chez Denoël Graphic), aurait tout à fait trouvé sa place.
Mais en qualité de libraires spécialisés BD, BDfugue.com aimerait également apporter ses recommandations. Voici trois titres, peut-être un peu moins attendu :
Culottées de Pénélope Bagieu : fait preuve d’un féminisme très fin, proche de Catel avec plus d’humour – le tome 2 sort d’ailleurs cette semaine (le premier volume était part en septembre 2016 chez Gallimard BD).
Commando Culotte, de Mirion Malle (janvier 2016 chez Ankama), raconte les clichés sexistes, partant d’œuvres (films ou séries) contemporaines.
Le problème avec les femmes, Jacky Fleming (octobre 2016 chez Dargaud, trad. Nora Bouazzouni), remonte l’histoire de la femme, avec ironie, et son absence des livres d’histoires. L’album a reçu le prix Artémisia humour 2017, dont Catel Muller compte parmi les membres du jury. La boucle est bouclée.
Enfin, Le féminisme (octobre 2016 chez Le Lombard) présente l'histoire du mouvement de façon très didactique. Dans la même collection de la "Petite Bédéthèque des Savoirs", et vu de la sélection présentée par la ministre, inutile en revanche de lire La Communication politique de Terreur graphique et Christian Delporte dont elle ne semble rien ignorer.
Paru le 29/04/2016
133 pages
Dargaud
19,99 €
Paru le 21/01/2016
54 pages
Allary Editions
16,90 €
Paru le 07/09/2016
564 pages
Casterman
26,95 €
Paru le 07/09/2016
486 pages
Casterman
26,00 €
Paru le 15/01/2016
191 pages
Ankama éditions
15,90 €
Paru le 26/01/2017
163 pages
Editions Gallimard
20,50 €
Paru le 21/10/2016
128 pages
Dargaud
13,00 €
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