C’est un univers gris et triste, et plus oppressant que terrifiant. Ashley, ado de 17 ans, a les yeux vairons : avec l’œil gauche, elle voit l’univers tel qu’il devrait être. Avec le droit, tel qu’il est. Et soudainement, certains apparaissent « débarrassé du masque de [leur] humanité factice ».
C’est l’histoire du philosophe et de la caverne, ou de Neo et de la Matrice : c’est l’histoire éternelle d’un monde d’apparences et d’un univers qui est masqué, dissimulé, et que seuls certains peuvent apercevoir – ou voire pleinement. Bienvenue dans les méandres de Clive Barker, de Lovecraft et de Stephen King... Mais ici, les monstres sont avant tout animés par l’esprit de la vengeance – celle qui détruit, par delà les siècles.
Ashley voit des êtres qui devraient être humains, mais sont en réalités comme consumés par un feu intérieur... et surtout rattachés à un filin. Comme Thésée, il suffirait alors de remonter le fil d’Ariane pour non pas sortir du labyrinthe, mais trouver la créature, qui dirige les fils. L’adolescente va quitter ses parents, fuyant ainsi des gens qui ne peuvent saisir ce qu’elle voit : une horreur contemporaine, dans un décor urbain écrasant.
Ashley va pourtant croiser la route de Bruce et Sunny : eux aussi ont les yeux vairons. Eux aussi voient ces êtres, qui, lorsqu’on les tue, ne laissent qu’un petit tas de cendres.
Pour les amateurs de jeu de rôle, Juste un peu de cendres ne manquera pas de rappeler l’univers de Kult, avec une dimension graphique ultra puissante. Son parti pris est magnifique, jouant avec les assemblages d’images, de couleurs, de photos, à travers des collages parfois spectaculaires. On repensera à l’Arkham de Dave McKean, en savourant cette maîtrise de l’image (lequel est d’ailleurs cité dans le cahier bonus de fin d’ouvrage).
Outre ces déclinaisons de gris récurrentes, le graphisme lui-même parvient à rendre une sensation de pulvérisation constante. Et pourtant, il ne s’agit pas d’un roman d’horreur traditionnel : les liens qui se tissent entre le passé et le présent parlent en réalité de la tristesse, de l’amertume, de la dépression, et plus encore.
Juste un peu de cendres est un roman graphique splendide, qui raconte combien la colère peut ruiner une existence, une nation, l’humanité. Fragiles êtres...
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Thomas Day, Aurélien Police – Juste un peu de cendres – Editions Glénat Comics – 9782344014493 – 17,95 €
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Pour approfondir
Editeur : Glenat Comics
Genre :
Total pages : 128
Traducteur :
ISBN : 9782344014493
Juste un peu de cendres
de Day, Thomas ; Police, Aurelien(Auteur)