50 ans après la remise des prix, la fondation Nobel dévoile ses archives. Fin 2015, ce sont donc les dossiers concernant les délibérations de l’année 1965 qui ont pu être consultés... On y apprend que le lauréat, Mikhaïl Cholokhov, était en concurrence avec Neruda, Borges, Louis Aragon ou René Char.
René Char, Pablo Neruda et Jorge Luis Borges étaient nominés au Nobel en 1965. Sur ces trois-là, seul Neruda recevra la récompense suprême, en 1971. Borges souvent pressenti pour le Nobel ne l’aura finalement jamais reçu. D’après le critique littéraire Piotr Vail, son écartement reposerait sur des motifs idéologiques :
« Le Comité Nobel, comme toute communauté d’intellectuels, regroupe des représentants de la gauche. La gauche, dans un sens européen, bien sûr. C’est pourquoi un des plus grands écrivains du XXe siècle, Jorge Luis Borges, n’a pas reçu le Prix Nobel. Il a rendu visite à Pinochet, lui a serré la main et l’a loué pour l’écrasement des communistes. Tous comprenaient la grandeur de Borges en tant qu’écrivain, mais Pinochet, ça ne lui a pas été pardonné. »
Pamis les auteurs français nominés, on comptait Marguerite Yourcenar, Henri Troyat, Gustave Thibon, Georges Simenon, Henri de Montherlant, André Malraux, Gabriel Marcel, Marcel Jouhandeau, René Char, Henri Bosco, René Behaine, et Louis Aragon. Aucun d’eux n’aura finalement été nobélisé...
Parmis les autres nominés, on comptait Vladimir Nabokov, Anna Akhmatova, Theodor Adorno, Friedrich Dürrenmatt, Erich Kästner, Ezra Pound, Guiseppe Ungaretti et Samuel Beckett. Seul ce dernier a été récompensé, en 1969.
Le choix de Mikhail Cholokov, qui avait divisé l’opinion, était pourtant unanime d’après le journal Svenska Dagbladet qui a pu consulter les archives plus en profondeur. Le poète suédois Anders Österling l’avait particulièrement défendu, qualifiant sa série de romans Le Flot paisible (trad. Antoine Vitez) de « chef d’œuvre classique, qui garde son éclat à chaque relecture, et mérite une récompense, même si elle vient trop tard ». Les romans avaient été publiés entre 1928 et 1940.
On y apprend également que le prix aurait pu être partagé entre la poète russe Anna Akhmatova, excommuniée en 1946, et Cholokov. C’est Anders Österling qui s’y était opposé, en mettant en avant que les deux auteurs n’avaient rien d’autre que leur langue en commun...
La possibilité de partager le prix entre Miguel Angel Asturias et Borges avait également été évoquée, ou entre Joseph Agnon et Nelly Sachs, qui le partageraient finalement l’année suivante. Quant au Guatémaltèque Asturias, il a pu être nobélisé en 1967... Borges semble bien le nominé de cette sélection le plus laissé de côté.
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