Le 1er décembre, cela fera 80 ans que le Prix Goncourt a été décerné pour la première fois à un écrivain non français : l'écrivain belge Charles Plisnier. C'était aussi la première fois que le Goncourt récompensait un recueil de nouvelles, Faux passeports.
Le 29/11/2017 à 14:54 par Laure Besnier
Publié le :
29/11/2017 à 14:54
Charles Plisnier et Marie-Thérèse Bodart, Florence.richter CC BY-SA 4.0
Un an auparavant, l'Académie Goncourt avait refusé de couronner le roman Mariages, de Charles Plisnier, parce qu'elle voulait réserver son prix exclusivement à des auteurs français. Ce « protectionnisme littéraire » créa un vif émoi et il y eut même une manifestation d'écrivains où il fut répété que les écrivains belges, suisses, français et canadiens devaient être reconnus comme participant au rayonnement de la même littérature. La remise du Goncourt à Charles Plisnier marque ainsi une reconnaissance symbolique pour la littérature belge et pour l'ensemble de la Francophonie.
Un Prix Goncourt triplement exceptionnel
Le Prix Goncourt attribué à Charles Plisnier n’est pas uniquement exceptionnel par la nationalité du lauréat, mais également par le fait qu’il couronne deux œuvres dont, pour la première fois, un recueil de nouvelles, 37 ans avant qu’un Prix Goncourt soit créé pour mettre en valeur ce genre littéraire.
Mariages, une analyse de la bourgeoisie
Mariages et Faux passeports sont des livres opposés sur le plan esthétique. Pour disséquer les mœurs de la bourgeoisie, Plisnier opte dans Mariages pour le roman-fleuve qui lui permet de s’inscrire dans le temps long de la vie d’une famille et de suivre, en parallèle, l’évolution de ses membres. Plisnier raconte cette histoire en privilégiant le point de vue des femmes prises dans un lourd carcan social.
Faux passeports, la fièvre de l’engagement
Dans Faux passeports, le coup de poing de la nouvelle exprime la fièvre de l’engagement. Sa brièveté est au diapason du temps que vivent les protagonistes, ces êtres en rupture, frayant leur voie de crise en crise dans une urgence et un danger permanents. Au-delà du contexte politique dans lequel elles sont ancrées, ces nouvelles parlent de l’idéalisme et du désenchantement, d’une soif d’engagement qui touche à la mystique et vient se fracasser sur le mur du réel. Plisnier trace les portraits de ceux qu’on dit héros, traîtres, lâches ou martyrs sans jamais les juger. Ces cinq nouvelles sont les fragments d’une histoire perdue, la sienne, celle qui s’est achevée par sa rupture avec le communisme lors de son exclusion du parti en 1928. Elles forment la partition d’un deuil, celui de la jeunesse.
Charles Plisnier, communiste, chrétien, militant wallon et européen
Se souvenir de Charles Plisnier (Ghlin, 1896 – Bruxelles, 1952), c’est se souvenir d’un écrivain aux multiples engagements. D’abord communiste, il devient en 1925 directeur du Secours Rouge international. Après son exclusion du Parti communiste, il s’engage au Parti Ouvrier Belge et évolue vers le christianisme. Toute sa vie, il défendra la liberté et, en particulier, la liberté d’expression. Après la Deuxième Guerre mondiale, il réfléchira à l’avenir de la Belgique. Son engagement wallon s’accompagne alors d’un engagement pour un fédéralisme européen. Il présidera notamment la Commission de la Charte des Minorités et Régions Européennes.
Il a écrit de nombreux recueils de poésie (L’enfant aux stigmates, Fertilités du désert, Ave Genitrix), romans (Mariages, Meurtres, La Matriochka), recueils de nouvelles (Faux passeports, Folies douces) et essais qui sont habités par un profond idéalisme et par la réflexion sur la mission de l’écrivain (Mesure de notre temps, Lettres à mes concitoyens).
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