#SALONLIVREMTL18 – Voilà quelques jours, Amazon a mis le feu aux poudres d’une récompense prisée de toute la profession au Québec. Le prix littéraire des collégiens, institution dans le paysage du livre, avait, pour son édition 2019, obtenu un financement d’Amazon Canada. Un argent qui ne plait pas à tout le monde – et nombreux se sont exprimés pour le déplorer.
Depuis le 10 novembre, et la diffusion d’un communiqué plus ou moins bien assumé, les organisateurs du Prix littéraire des collégiens dansent d’un pied sur l’autre. La présence du marchand américain comme partenaire financier a rendu le terrain brûlant.
Le Prix des collégiens, dont le rayonnement n’est plus à prouver, est un acteur essentiel à la promotion de la littérature québécoise, car chaque année de nombreux étudiants s’impliquent dans la lecture d’auteurs qu’ils découvrent, bien souvent, pour la première fois. Il s’agit également d’un outil fabuleux pour faire aimer la lecture et encourager les jeunes à y consacrer davantage de temps.
Sauf qu’Amazon, non. Et la pression, par médias interposés, s’est accentuée : les auteurs retenus ont fait savoir leur mécontentement, les professionnels se sont exprimés… Définitivement, Amazon ne passe pas. Dans un long message sur Facebook, Bruno Lemieux, cofondateur du prix, a tenté de défendre le choix de ce partenaire, mais rien n’y a fait.
Le message s’entend pourtant très bien : « Aucun gouvernement — de quelque parti que ce soit — ne nous a versé un montant substantiel et récurrent qui nous aurait permis de faire une planification sur plusieurs années. Il s’agissait dans tous les cas de montants tirés de budgets discrétionnaires, montants qui fluctuaient selon les années. »
Et les quelques milliers de dollars qui devaient être versés par le Gouvernement du Québec pour cette année, furent supprimés : « Le mandat du Prix des collégiens ne correspondait en somme à aucun “programme gouvernemental existant” et qu’il n’était donc plus possible de nous aider. »
Ainsi, Claude Bourgie Bovet annonce dans un communiqué la décision de suspendre le prix. « La décision est la résultante directe de la réaction désolante de plusieurs acteurs du milieu du livre au Québec suivant l’annonce récente d’un appui majeur », indique la présidente de la Fondation Marc Bourgie.
« Nos partenariats nous permettent d’accroître le rayonnement du prix, de le faire grandir et de mettre en place une structure solide pour assurer sa pérennité. Le malaise exprimé publiquement nous attriste et nous contraint, faute d’avoir tous les outils nécessaires pour réaliser nos ambitions, de suspendre le prix », poursuit-elle.
En somme, la suspension signifie que les livres des auteurs retenus ne seront pas expédiés à destination des collèges et des cegeps. Pas d’annulation, toutefois. La suite viendra dans un prochain épisode, donc : les organisateurs affirment qu'il faudra attendre que les discussions se fassent, et que les conditions propices à la reprises soient trouvées.
Dans un communiqué, l’Union des écrivaines et écrivains québécois prend acte de cette décision. Mais son directeur général, Laurent Dubois, souligne que « jamais l’UNEQ n’a souhaité que cette édition soit suspendue, car cela n’est bénéfique pour personne. Nous demandons au gouvernement québécois de trouver des solutions rapides de financement pour ce prix essentiel à la diffusion de notre littérature afin que l’édition 2019 puisse avoir lieu et que l’organisation puisse bénéficier d’un soutien qui assure sa pérennité ».
L’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL) déplore auprès de ActuaLitté « la suspension de ce prix. Nous espérons évidemment qu’une solution intervienne dans les meilleurs délais pour revenir à une situation plus propice à la promotion des livres, comme sait le faire ce prix ». En revanche, pas question de reculer sur la question du financement.
« Comme d’autres, nous regrettons que le financement du Prix n’ait pas été opéré par des acteurs plus locaux. » Le nom d’Amazon n’est pas prononcé, et à peine voilé, on critique aussi le désengagement des pouvoirs publics.
La directrice de l’Association des Libraires du Québec, première à avoir tiré la sonnette d’alarme sur le sujet, le souligne à ActuaLitté : « Le problème du financement est réel : nous sollicitons tous des aides fédérales, provinciales, municipales, et leurs enveloppes ne sont pas extensibles. La question qui se pose touche autant au désengagement du gouvernement des événements culturels, et du soutien à l’action culturelle, que de cette manie contemporaine que de nous envoyer chercher des mécénats et commandites privés. »
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1 Commentaire
agnes azuélos
15/11/2018 à 10:29
>:-(
A Paris, un écrivain auteur qui n'est présent que sur AMAZON, Marco Koskas, a été pré sélectionné pour le prix RENAUDOT, puis retiré devant la levée de bouclier...vous avez sûrement suivi l'affaire. Le pouvoir financier de géants comme AMAZON ne peut se comparer à personne mais cela s'apparente à une censure car il parait (j'ai pas encore lu) que le livre est bon ! Je reste une grande "défenseuse" des libraires de quartier et je sais que AMAZON les fera disparaître peu à peu, alors... s'adapter de suite ou quoi ?