Le Salon du Livre de Paris, aka Livre Paris, tentait pour la première fois de s'exporter en extérieur, sur les Berges de Seine, pour une série d'animations destinées à la jeunesse. Si les différents ateliers proposés aux bambins ont fait salle comble, Livre sur Seine manque encore de matière, et devra ajuster son offre pour offrir plus d'opportunités aux promeneurs du week-end.
Le 14/03/2016 à 12:53 par Antoine Oury
Publié le :
14/03/2016 à 12:53
Vincent Montagne, président du Syndicat National de l'Édition, Bruno Julliard, Premier Adjoint à la Maire de Paris chargé de la culture et Vincent Monadé, président du Centre National du Livre
(ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
Ce dimanche, le soleil s'est levé sur des Berges de Seine rapidement noires de monde : le deuxième week-end de mars a déjà des airs de printemps, au grand bonheur des organisateurs de Livre sur Seine, le premier hors les murs du salon Livre Paris. Cet événement avait débuté la veille, avec pour objectif premier de « faire venir les gens au Salon », nous explique Éléonore d'Ornano, responsable de l'organisation de Livre sur Seine. Pour y parvenir, Livre sur Seine bénéficie d'une subvention de 10.000 € de la Mairie de Paris et d'une autre du Centre National du Livre (qui participe au Salon du Livre, en tout, à hauteur de 550.000 €).
Située entre l'Assemblée nationale et le Musée d'Orsay, la portion des Berges de Seine consacrée à Livre sur Seine proposait une déambulation agrémentée de différents containers fournis par la Mairie de Paris, permettant d'accueillir les différents ateliers de création destinés aux plus jeunes, animés par des auteurs. D'autres animations se basaient sur des spectacles, avec un guitariste ou des marionnettes. La totalité des propositions était gratuite, « un critère important » pour bénéficier du soutien de la Mairie de Paris, nous précise Bruno Julliard, Premier Adjoint à la Maire de Paris chargé de la culture.
Les containers, d'une capacité d'accueil de 10 à 15 enfants pour les ateliers, et de quelques dizaines de personnes pour les spectacles, étaient bien entendu bondés. L'organisation a relevé entre 7 et 8000 personnes présentes au cours du week-end. Une fréquentation à prendre avec des pincettes puisqu'elle se base évidemment sur le flux des passants qui arpentent les berges.
(ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
« Ce qui importe c'est que les lieux destinés aux activités des enfants sont pleins », souligne Vincent Montagne, président du SNE. « Nous réfléchirons avec la Mairie de Paris pour faire mieux ou autre chose l'an prochain : le concept du hors les murs est de mettre le livre au centre de la ville pour amener vers le Salon du Livre, mais aussi de faire venir des jeunes qui ne connaissent pas le livre et la lecture. »
Trotro, présent lui aussi (ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
L'absence de librairies ou même de la possibilité d'acheter des livres a été une des principales remarques des visiteurs, mais relevait d'une volonté propre de l'organisation : « Il n'y a pas de dédicaces, pas d'achats, parce que Livre sur Seine, c'est avant le Salon du Livre, pour faire venir au Salon. C'est un teasing, et du coup si l'on peut acheter ici, cela fera venir moins de monde au Salon », nous explique Éléonore d'Ornano. Comprendre : mieux vaut inviter le public à se rendre au Salon, dont l'entrée est payante, pour acheter les livres.
Les expositions étaient, elles, plutôt décevantes : quand le dossier de presse promettait « une expo consacrée à l’univers du justicier du Far West et de son créateur Morris, légende de la bande dessinée belge » pour Lucky Luke, le public se retrouve finalement avec 7 panneaux grand format, et autant de dessins... Idem pour la plupart des autres expositions, qui se résument finalement à des affichages de panneaux publicitaires, comme celui ci-dessous, pour la série Ichiko et Niko. Le panneau Où est Charlie ? a eu plus de succès, mais surtout auprès des adultes, puisque les illustrations, en hauteur, étaient assez difficiles à décrypter du regard.
(ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
La grande réussite — la seule ? — de Livre sur Seine semble bien être du côté des ateliers, à guichets fermés. Nancy Guilbert, qui a animé un atelier destiné aux 8-12 ans ce dimanche de 14h à 17h, est rompue aux activités avec les enfants : « Je vais souvent dans les écoles, les bibliothèques ou dans des événements comme celui-ci », explique-t-elle. Si son livre Tim et le Sans-Nom (Léon Art & Stories), signé avec l'illustrateur Grégoire Vallancien (qui a lui aussi animé un atelier la veille) sert de base aux ateliers, l'absence d'albums en vente n'a pas spécialement gêné l'auteure, qui a pu d'autant plus s'investir dans les ateliers avec les enfants.
À l'inverse, ce type d'interventions se révèle particulièrement appréciable par les revenus annexes qu'il apporte : « Nous sommes rémunérés selon un tarif fixe, celui de la Charte des Auteurs et des Illustrateurs. Un après-midi, cela va chercher dans les 200 € : c'est important dans les revenus d'un auteur, et puis cela permet de rencontrer le public, de voir comment le livre fonctionne, et de quitter un peu son ordinateur ! »
(ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
Le problème rencontré avec les ateliers vient de l'importante plage horaire nécessaire pour les terminer : celui de Nancy Guilbert nécessitait ainsi 3 heures. Si certains parents ont su profiter de ce temps pour une ballade en toute tranquillité, d'autres revenaient parfois avant la fin de l'atelier, et donc avant que les enfants aient pu finir les activités. Par ailleurs, la fin de l'événement à 17 heures a frustré pas mal de visiteurs.
« Nous avons eu quelques retours négatifs, parce que les auteurs ont l'habitude de travailler avec un nombre précis d'enfants, pendant un certain laps de temps. Là, nous avions beaucoup de va-et-vient, puisque les ateliers se faisaient sans inscription préalable. Certains auteurs ont eu plus de mal à s'y adapter », indique Éléonore d'Ornano.
Difficile de dire si Livre sur Seine aura un effet sur la fréquentation du Salon du Livre, qui a montré des signes de ralentissement sans pour autant être catastrophique. « Près de 40.000 jeunes sont présents, dont 20.000 scolaires. Le salon, avec tous les stands, permet à chacun de trouver ce qu'il a envie de lire. Avec le CNL, nous donnons des chèques LIRE, qui permettent aux enfants d'exercer leur liberté, leur responsabilité de faire le choix du livre qu'ils vont acheter avec un chèque de 8 ou 12 €, selon l'âge. La culture est ce qui permet la transmission et réunit parents et enfants », souligne Vincent Montagne.
(ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
Si Livre sur Seine était gratuit, les parents devront débourser 12 € par personne à l'entrée de Livre Paris, gratuit, toutefois, pour les moins de 18 ans. Les seniors pourront bénéficier d'une entrée moitié prix, mais uniquement le vendredi matin, et emmener les petits-enfants au Salon risque d'être plus délicat.
Livre sur Seine a visiblement pâti d'un manque de communication sur les animations et leurs horaires, et l'association avec Livre Paris n'était d'ailleurs pas si évidente sur les affichages, même si nombre de tracts ont été distribués. Bertrand Morisset, qui compte toujours parmi les recrues de Livre Paris, a fraîchement accueilli ActuaLitté. Reprochant un article jugé malveillant, il accusait la rédaction de n'avoir pas relayé dans ses colonnes la programmation de Livre sur Seine (ce qui est faux, au passage). Preuve d'un manque d'attention des organisateurs quant aux retombées médiatiques.
Les conseilleurs ne sont pas les payeurs. Toutefois, il reviendra aux organisateurs de concevoir un peu plus en amont leur prochain hors les murs, revoir l'offre et offrir de véritables alternatives aux ateliers, plutôt que de se préoccuper de notre ligne éditoriale.
(ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
On pourra toujours se reporter au communiqué de presse, fraîchement diffusé par Livre Paris.
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