Pour la première fois, la Fondation Robert Walser Biel/Bienne décerne en 2018 deux prix pour des premières œuvres, l’une en français, l’autre en allemand. Ce prix européen couronne un premier roman de facture originale écrit en français ou en allemand, avec une dotation de 20 000 CHF.
Le 25/08/2018 à 15:21 par Nicolas Gary
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25/08/2018 à 15:21
Les prix vont à Gabriel Allaire pour Pas de géants (Montréal : Leméac Editeur, 2017) et Gianna Molinari pour Hier ist noch alles möglich (Berlin : Aufbau Verlag, 2018).
Comment prendre en charge la névrose de ses parents quand on est un petit garçon qui ressent le monde de façon si singulière ? La vigueur stupéfiante du texte de Gabriel Allaire a fait grande impression sur le jury du Prix Robert Walser.
L’histoire d’Oli, gamin d’une petite ville sans perspective qui assiste au délitement de sa famille, frappe autant par la langue extraordinairement imagée et novatrice qu’elle déploie, que par la justesse du diagnostic qu’elle plaque sur une société qui n’hésite pas à bourrer ses écoliers de médicaments pour les faire marcher droit. Alors que tout s’effondre autour de lui, Oli fait front, armé de sa seule vision du monde, étincelle de fraîcheur et d’humour qui chasse la pesanteur et défie la grisaille.
Hors-norme, non conforme mais tellement percutant dans sa façon de comprendre la mécanique des êtres, des choses et des événements, Oli porte en lui une innocence et une clairvoyance folles. Mais « folles » uniquement parce que ce petit garçon échappe héroïquement, du haut de ses 12 ans, au formatage qu’on voudrait appliquer aux enfants, futurs adultes. Un récit de « non-formation », dans le sens où Oli refuse d’entrer dans le moule.
Pas de géants constitue une heureuse découverte, le premier roman enchanteur et déchirant d’un jeune auteur québécois qui n’a même pas trente ans. La richesse du vernaculaire ne gêne en rien la compréhension mais vient au contraire étoffer l’expérience de lecture. Gabriel Allaire, né en 1990, vit à Montréal/Canada.
Le jury de langue française, présidé par Daniel Vuataz (Lausanne), était composé d’Yla von Dach (Paris), Karelle Ménine (Genève), Paule Valiquer (Granges) et Malika Wagner (Montmorency)
Au départ, c’est une veilleuse de nuit qui travaille dans une usine de carton. Au départ, oui. Mais le roman Hier ist noch alles möglich traite surtout d’autre chose. Un loup rôde dans les environs et un homme est tombé du ciel. Gianna Molinari se sert de phrases courtes et d’une langue limpide pour faire surgir l’insolite dans un monde d’apparence banale.
Un monde dans lequel un territoire jusqu’ici stable se déploie, se fissure et demande à être délimité à nouveau. Un monde petit et silencieux qui tend à s’ouvrir vers la terre entière, un monde présenté par une prose pleine de suggestions et de mystères. Dans son premier livre Gianna Molinari nous donne un texte étonnant qui nous saisit par ses images et nous met en éveil continu. Gianna Molinari, née en 1983, vit à Zurich.
Le jury de langue allemande, présidé par Stefan Humbel (Berne), était composé de Jürg Altwegg (Perly), Zsuzsanna Gahse (Müllheim/CH), Andreas Langenbacher (Berne) et Camille Luscher (Lausanne).
Gabriel Allaire sera à Paris le 7 septembre 2018 où une rencontre avec le public est organisée à la librairie du Québec, 33 rue Gay-Lussac à Paris, entre 19 heures et 21heures.
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