Voilà un an, à quelques jours près, que j’ai commencé à partager mes lectures avec vous. J’avoue ne pas connaître mon degré de popularité, et je suis certaine que beaucoup me considèrent comme une chroniqueuse du dimanche sans aucun regard critique, posant avec légèreté ses humeurs littéraires sur le papier. Et ceci sans aucune légitimité.
Le 12/06/2018 à 07:07 par La Licorne qui lit
Publié le :
12/06/2018 à 07:07
Voilà un an que l’on m’a dit, au moment où j’ai envoyé mon premier papier à la gentille rédaction de ce vénérable journal, que la vie n’était pas toujours drôle et que j’arrivais à mettre quelques touches de couleurs et une petite dose d’humour dans la grisaille quotidienne. D’ailleurs, il pleut, encore… alors, j’ai continué, juste parce que j’ai l’impression que si je peux faire sourire deux ou trois d’entre vous, mon pari est amplement gagné. Et je continue, car écrire me fait du bien, me procure une sensation assez étrange de bien-être et d’apaisement. Pourquoi donc, me direz-vous, me limiter à ces billets hebdomadaires ?
Pourquoi donc ne pas me lancer dans l’écriture de mon roman ? Assurément j’ai peur : peur de ne pas être à la hauteur, peur de ne pas plaire, peur de me faire assassiner par St-Germain, peur simplement de ne pas y arriver. Mais il y a une autre raison : j’aime sincèrement parler des livres des autres, des vrais écrivains, de leur talent, de leur courage, de leurs mots.
J’ai fait la connaissance d’Agnès Martin-Lugand avec Les Gens heureux lisent et boivent du café. Et vu que je lis et que je bois beaucoup de café, et que j’adore les histoires d’amour qui ne finissent pas toujours mal, il m’a paru opportun d’entrer dans l’univers de cette jeune femme, qui a osé sauter le pas, et avec quel succès. Depuis, je la suis et j’ai même eu l’occasion de la rencontrer. Elle est à l’image de ses romans, douce, directe, sans chichi.
Une fille, comme vous, comme moi, qui nous dévoile son cœur souvent meurtri, ses illusions perdues et heureusement retrouvées, ses désirs inavoués qui ne demandent qu’à être satisfaits. Certes, ce n’est pas du Marguerite Yourcenar, et certes, je vous avais promis du Roth et encore du Roth [Philip, on the Roth, en somme, NdlR], mais j’avais un besoin impérieux de tendresse. J’avais besoin de bras qui m’entourent et m’assurent que tout ira bien, mieux, beaucoup mieux demain.
Dans A la lumière du petit matin, Agnès Martin-Lugand a choisi de nous raconter Hortense. Hortense est une danseuse, et Hortense danse à en perdre la raison, pour oublier. Oublier ses rêves d’enfant qu’elle n’a pas encore réalisés, oublier qu’elle s’est perdue sur des chemins qui semblent la mener dans une impasse, oublier qu’elle aussi a droit au bonheur. Hortense s’impose une existence réglée comme une horloge suisse. Elle meuble, elle occupe, elle peuple pour ne pas avoir à se poser les bonnes questions. Hortense ne s’octroie aucun moment de pause.
Réminiscence de sa formation de ballerine, qui contraint l’esprit et le corps, ou nécessité irrépressible de combler le manque : manque de ses parents adorés, décédés quelques années plus tôt ; manque de son Sud natal et sa Bastide qu’elle a quittés pour Paris et son agitation ; manque d’amour propre et de confiance, alors qu’elle entretient une relation avec un homme marié qui ne lui accorde que deux dîners et deux moitiés de nuit par semaine ; manque d’une famille, d’un enfant, alors qu’elle s’approche de la quarantaine.
Il lui faudra pénétrer la zone obscure pour entrevoir la lueur des premières heures du jour. Il lui faudra subir l’électrochoc salvateur pour prendre conscience qu’il n’est pas trop tard pour devenir une danseuse étoile, son étoile.
Il ne suffira que d’une chute dans un escalier, qui lui vaudra une belle déchirure des ligaments de la cheville, pour qu’Hortense accepte que non, tout ne va pas bien. Cette invalidité, et l’incapacité temporaire d’exécuter des entrechats et des pirouettes va engendrer chez elle une série de cataclysmes. Elle se fait peu à peu écarter de l’école de danse qu’elle dirige avec Bertille et Sandro. Aymeric, son amant, l’accable de reproches en la voyant si vulnérable, si désemparée, si dépendante.
Hortense comprend que le moment est venu de se retrouver. Et elle ne peut faire ce travail qu’en renouant avec ses racines. Alors, elle s’en va guérir sous le soleil réconfortant du Lubéron. Elle s’en va réapprendre à danser à l’ombre de son olivier. Tout se délite, tout se désagrège, mais en réalité, tout fera bientôt sens. Aidée par ses amis Cathie et Mathieu, Hortense redécouvre l’odeur des pins, du thym et de la lavande. Elle soigne son âme en même temps que ses ligaments. Peu à peu, elle se reprend et transforme la Bastide en une maison d’hôte.
C’est là qu’arrive le mystérieux Elias, visiteur de passage, avec qui elle prend l’habitude chaque matin de prendre un café, en silence. Elias est cette ombre qui donnera à Hortense la lumière qui lui manque tant.
Agnès Martin-Lugand nous offre un sixième roman qui fait du bien. Ce sera peut-être peu pour certains, mais ce fut beaucoup pour moi. Parce que nous nous sommes tous égarés en étant convaincus d’être sur la bonne voie ; parce que nous nous sommes tous accrochés à une branche que nous savions être sur le point de s'effondrer ; parce que nous avons tous éprouvé cette douleur qui nous a forcé(e)s à enlever notre maquillage et échanger des talons aiguille contre une paire de sandales ; parce que nous avons tous joué un rôle pour ne pas craquer...
Parce que celui que nous avions pris pour le vilain petit gnome est peut-être ce petit génie qui exaucera tous nos vœux.
À lumière du petit matin est un livre qui procure du plaisir, et ce plaisir est amplement suffisant. Je continuerai à lire, à boire du café — et du champagne aussi — et à être heureuse. Je continuerai à dévorer ces jolies légendes, qui nous rappellent qu’il nous revient de réaliser nos rêves, même les plus fous, les plus inaccessibles… Il est peut-être temps que je m’y mette à ce roman, non ? Sans devoir me tordre une patte pour autant !
Alors, mes mes licornettes et mes licorneaux, n’ayez pas peur du noir, ralentissez un peu et pensez à regarder les étoiles, vous y trouverez quelques réponses avant que le jour se lève… Sur ces sages paroles, je vous laisse, mes amis les elfes m’ont invitée à un after-work au bord d’une cascade et je suis de corvée de spritz… Je reviens vite, juré craché !
Agnès Martin-Lugand – A la lumière du petit matin – Michel Lafon – 9782749929026 – 18,95 € | Ebook 9782749936567 – 9,99 €
Paru le 29/03/2018
334 pages
Michel Lafon
18,95 €
Paru le 29/03/2018
334 pages
Michel Lafon
18,95 €
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