Capitaine Lucius Scrofa : 120 kg (ou plus), peut-être deux mètres. Une force de la nature, guidée par une mystique lucide et simple. Une force qui va, qui est allée. Le Capitaine a perdu quelque chose en Afghanistan, voilà bien des années. Probablement la vie. Et devant lui, Anastasie Ivanov, « ramasseuse d’ange », de vingt ou trente ans sa cadette.
Pour le premier roman dit « adulte » que propose Erik L’Homme, c’est le dialogue qui prévaut : des phrases sèches, au cordeau, lapidaire au besoin, pour témoigner de l’intensité. Ce roman est celui de la litote, de la mystique et du chamanisme. Et tout se déroule sur une Harley Davidson, lancée dans une épopée folle. Chapeau bas, c’est déconcertant dès les premières pages, et époustouflant jusqu’à la dernière ligne.
Dans la grande tradition des road movies, Scrofa et Anastasie prennent une route improbable. Lui, ancien militaire fraîchement évadé de la résidence surveillée où il moisissait. Elle, vivant dans une ferme, écartelée entre les Zadistes, le besoin d’exister, et des études de psycho. Le Ying et le Yang se rencontrent : c’est l’explosante-fixe de Breton, porté par L’Homme dans une histoire-passion aussi fulgurante qu’émouvante.
Dès la première ligne, on sait que rien ne finira bien. Et jusqu’à la dernière, on espère le Deus Ex Machina. Qui ne viendra jamais. Mieux : L’Homme nous épargne toutes les mièvreries qu’une production américaine aurait servies sans vergogne. Le récit est tranchant, d’un bout à l’autre : scalpel - émotion - brutalité - violence - passion - tension - route. Et route encore.
Scrofa embarque Anastasie dans une quête obscure, à la rencontre de forces anciennes, Les Mystères et les Lois — mais que l’on ne prenne pas peur : la mystique ne fait pas de mal, au contraire. Ça a le don de remettre en perspective les choses essentielles, les valeurs que l’on tend à oublier.
Alors, oui, dans la bouche d’un militaire, à moitié philosophe, à moitié chamane, et doté d’une terrifiante intelligence, ces choses dites semblent étranges. Et si justes.
– Je crois que je suis en train de vivre les moments les plus fous de ma vie… Et je ne suis même pas en colère.
– Plus fort ! J’entends rien !
– C’est pas grave. Roule, vieux biker obsédé… Ça me dérange pas que tu sois aussi barge, tant que tu me remplis d’étoile…
Leur histoire d’amour, commencée sur un canapé comme deux adolescents trop affairés pour se préoccuper du monde autour d’eux, se poursuit au fil de cette traversée, entre fantômes, entités mystiques et traque militaire. Comme si la route était l’écrin. Comme si la destination valait moins que le chemin.
Roman magnifique, sensible, rude, c’est l’ultime expédition d’un être détruit par la guerre, décidé à mener son ultime combat : entre Arès et Athéna (et l’on retrouve le goût d’Erik L’Homme pour le monde antique, avec plaisir…), le guerrier ne devra jamais verser dans l’hubris. Savoir tenir sa place, sans oublier « le cri du hibou ».
Érik L’Homme — Déchirer les ombres — Editions Calmann-Levy — 9782702163030 – 16,50 € / ebook 11,99 €
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Pour approfondir
Editeur : Calmann-Levy
Genre :
Total pages : 160
Traducteur :
ISBN : 9782702163030
Déchirer les ombres
de Érik L'Homme(Auteur)