
Cette rencontre crée un point d’ancrage. Ce n’est pas véritablement un coup de foudre. « Tu es probablement davantage rédactrice que conceptrice, mais c’est bien aussi… ». La forme l’emporte sur le fond, pense-t-elle déjà. Elle accueille ce compliment en jouant de sourires et courbettes.
Car il est supérieur à elle, et la minette est séduite, il le sait, par son style plutôt branché et sobre, classe et chic, mi-in, mi-off. Nous sommes dans le monde de la pub et des paillettes, des stagiaires « longue durée », du champagne sabré, des semaines allongées.
Elle trouve finalement un travail chez Ginger, une agence de renommée et est amenée à revoir Pierre-Antoine lors des cocktails-soirées. Il lui propose de se retrouver. Elle dit oui. Ils couchent ensemble. Il est marié. Il ne peut pas quitter sa femme, mais il ne veut pas stopper son histoire avec Alice. Elle l’aime.
À l’agence, elle ne s’entend pas avec son directeur artistique, pourtant son directeur de création est satisfait de ses campagnes. Elle s’investit dans cette nouvelle vie, et ne garde pas sa langue dans sa poche. Par vengeance, elle trompe Pierre-Antoine, lorsqu’il ne vient pas, et manifeste son mécontentement face à son directeur artistique, trop absent, trop occupé à dealer de la drogue à d’autres personnes de la boîte notamment.

Pour communiquer, ils s’envoient des mails sobres mais efficaces « on se voit ce soir ? » « J’ai trop de travail, désolé darling », « je peux passer après ton rendez-vous beauté fatale », « il faut que je rentre ». Décapés de tout sentiment, de toute passion, les mots suffisent à toucher leurs cibles. Les amants se vendent du rêve, mais ne le vivent pas. Les évènements s’enchaînent : son combat contre Jurassic Park, sa boss aux longues dents, l’attente de Pierre-Antoine, les débuts de soirées au lit, et les beuveries-coucheries quand il n’est pas là.
Même lorsqu’elle se retrouve avec sa grand-mère Granny, qu’Alice appelle pour entendre le bruit des pains suédois craquer sous ses dents, notre cœur ne gonfle pas. Il reste sec face à une rhétorique de répartie. Delphine Comby écrit du tac au tac, sans se retourner sur une tournure. C’est finalement conforme à l’histoire, Alice fonce, et ne se demande jamais si elle aime réellement Pierre-Antoine. Elle ne prend pas de recul, de la hauteur, elle court pour faire sa place dans la publicité et dans le cœur du publicitaire.
On ne peut s’empêcher de se référer au célébrissime 99francs de Beigbeder, et de penser, quand on nous brosse ces tableaux, à la belle allitération en p (monde de) pub = (monde de) pourri. C’est au niveau du jeu stylistique de l’auteure, qui déballe ses calembours à vitesse presque jubilatoire.

Mais au-delà d’une histoire presque trop convenue, une petite voix s’échappe en sourdine du rock des années Bowie, bande-son du livre. Une voix dont on aimerait à chaque page, un peu plus de douceur. Il y a une sincérité, des sentiments masqués, et une émotion peut-être trop étouffée pour nous toucher. C’est dommage. On conclut d’ailleurs par une fin à couper définitivement le cœur.
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