ROMAN ETRANGER - Bob Dylan, et bien d’autres avant lui nous l’ont dit : l’art a pour mission première de faire bouger l’humanité. Jennifer Egan, lauréate d’un prix Pulitzer partage cette vision du monde. et, mieux encore, sait nous la transmettre. Manhattan Beach est une éprouvante course à l’identité.
Nous sommes à Brooklyn, États-Unis, durant et après la dépression. Une famille irlandaise survit, alors qu’au-dehors, un système entier s’effondre. Le krach boursier du jeudi noir, puis la Seconde Guerre mondiale : sombres périodes.
Nous sommes en 1934. Anna Kerrigan n’a que 11 ans. Sa sœur Lydia est gravement handicapée – et leur père Eddie n’a qu’un emploi médiocre qui ne lui permet pas d’acheter le fauteuil roulant dont elle a besoin. Il est transporteur : il prend des sacs, et les déplace, sans se préoccuper de savoir ce qu’il y a dedans – impérativement. Il devient le lien entre des hommes qui ne devraient pas être en relation.
Durant une soirée, Anna accompagne son père à une soirée donnée par Dexter Styles, gangster délicieux, qui vit à Manhattan Beach.
Ellipse. Avec une séquence des plus incroyables, au bord de l’océan, qui laissera le lecteur profondément perturbé. Anna va enlever ses chaussures, et mettre les pieds dans l’eau glacée. Une révélation. Plus : une forme d’extase.
Des années plus tard, Anna retrouvera le criminel. Elle travaille à la Brooklyn Navy Yard, inspectant les pièces des navires. Elle doit aider sa mère, seule. Le chantier naval, à ce moment, est en mesure d’embaucher. Et face à Dexter, une question demeure : qu’est donc arrivé à son père ?
Parti cinq ans plus tôt, sans jamais avoir donné de nouvelles ni d’explication, il a laissé en héritage un sentiment d’abandon. Il a fallu continuer à vivre...
Roman historique, certes, ce livre parcourt une histoire familiale, avec son lot de secrets, de mensonges, toute la précarité économique autant que sentimentale. Son univers marin – sur l’eau, sous l’eau – sait aussi bien inspirer une violence brutale qu’une sensualité profonde.
Mais par-dessus tout, on se laisse emporter par une puissante dimension tactile, sensorielle. On ressent ce livre autant qu’on le parcourt. Et la résonnance qui en découle transporte ce qui aurait été un bon ouvrage en œuvre.
Jennifer Egan, trad. Aline Weill – Manhattan Beach – Robert Laffont – 9782221203422 – 22 €
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Pour approfondir
Editeur : Robert Laffont
Genre :
Total pages : 532
Traducteur : aline weill
ISBN : 9782221203422
Manhattan beach
de Jennifer Egan