Roman : Filles, de Frederyck Busch
Le 18/03/2013 à 08:04 par k-libre Julien Vedrenne
Publié le :
18/03/2013 à 08:04
Chaque semaine k-libre et ActuaLitté vous proposent par le biais d'une sombre collaboration une revue de presse croisée, qui filtre l'actualité des littératures policières et du monde qui les entoure. Vous aurez d'un côté des chroniques littéraires d'ouvrages très récents, et de l'autre des informations concernant cet étrange monde. Comment il vit, de quoi il est fait, et comment parfois il meurt. Le tout formant une ActuaLitté policière bien k-librée !
Jack est un ancien flic devenu vigile pour une université d'une petite bourgade américaine. Depuis la mort de sa petite fille, son couple bat de l'aile, sa femme étant persuadée que la petite est morte dans ses bras par sa faute. Aussi, la vie commune est-elle étouffante. Heureusement qu'il y a le chien et les grands espaces neigeux. Mais Jack vit introspectivement un enfer, alors il accepte de jouer les détectives privés pour retrouver une adolescente parfaite qui a disparu. Seul lui semble conscient qu'elle est morte surtout parce qu'une adolescente parfaite n'existe pas... Les premières pages de Filles nous apprennent que sa quête achevée, le vide laissé par la mort de sa petite fille s'avèrera trop lourd, et l'on se dit que Frederick Busch tient-là un thriller psychologique où l'asphyxie menace le lecteur à chaque page.
Roman : Un long moment de silence, de Paul Colize
Connaître l'auteur d'un roman qu'on va chroniquer est-il un handicap ? Réponse : non. Au mieux, se poser la question relève d'une tartufferie de bon aloi, qui ne trompe personne. Dans le microcosme polardeux-critique, tout le monde se connaît/fréquente/jalouse/apprécie. Oui, je connais et j'aime Paul Colize, tant l'homme que l'auteur. Mais je n'écris pas ceci en guise de préambule hypocrite, non. Parce que ce prédicat fut partie prenante de ma lecture, parce qu'il conditionne l'écriture de cette chronique, parce qu'il est indissociable de mon ressenti. Flashback. La presse et le public ont loué Back up, le précédent roman de Paul Colize. Le danger est donc d'écrire le suivant en creusant le sillon. Écueil évité. De fait, la comparaison entre les deux romans n'est pas envisageable. Back up possédait une dimension sociétale, presque épique, moins présente dans Un long moment de silence.
Roman : Les Bâtisseurs de l'empire, de Thomas Kelly
"Celui-là, disent-ils, défiera le temps." Celui-là, c'est l'Empire State Building, le plus haut gratte-ciel du monde, dont la construction – "le Chantier avec un grand C" – commence en 1930. Un chantier où travaille Michael Briody "le roi du rivet", immigré irlandais, qui oscille entre l'idée de faire son trou en Amérique et celle de soutenir la cause républicaine, ce qu'il fait toujours la nuit, en convoyant des armes ou par d'autres missions. Un chantier prestige pour Jimmy Walker, le maire de New York, qui travaille a sa réélection et qui – même si ce n'est pas le genre à en croquer beaucoup – ne voudrait pas voir diverses casseroles faire l'actualité. Et pour ça, il compte sur Jimmy Farrell, Farrell qui contrôle tout à New York, que personne ne veut se mettre à dos, Farrell qui s'est fait sa propre loi : "Personne ne peut nous faire du mal dans cette ville". Farrell qui entretient la grande machine corruptrice, qui entretient aussi Grace Masterson, artiste peintre qui, voulant peindre l'Empire State Building, va croiser Michael Briody...
Roman : Le Cercle du chaos, de Fabio M. Mitchelli
es massacres en Syrie, ceux du Rwanda qui sont déjà derrière nous, nous semblent déjà fort lointains, le fruit de sociétés sauvages, barbares... C'est oublier un peu vite que les premiers industriels de la mort ont été les Anglais pendant la guerre des Boers, la palme revenant aux Allemands avec deux guerres mondiales à leur actif pendant lesquelles de nombreux civils furent des victimes planifiées. Mais c'est également ne pas se souvenir que la Yougoslavie n'est finalement pas si loin que cela de nos frontières. Un peu plus à l'est - il importe de lire Underground, le roman-essai, de Haruki Murakami -, la secte japonaise Aum a défrayé la chronique avec sa volonté de provoquer des désordres en répandant des gaz toxiques dans le métro. Fabio M. Mitchelli part sur un principe identique avec une secte millénariste qui veut créer un chaos d'où sortira forcément une purification dont la secte prendra la tête.
Roman : Travaux forcés, de Mark SaFranko
Dans le genre loser, Max Zajack se la pose là. Tandis que la guerre du Vietnam n'en finit pas de finir, que les hippies s'adonnent à l'amour libre comme d'autres au vélo d'appartement, Max n'a qu'une seule ambition : devenir un grand écrivain comme Dostoïevski ! Seulement, avant d'en arriver là, avant même de pondre un manuscrit en bonne et due forme, Max doit travailler pour vivre. Il enchaîne donc les petits boulots dans le New Jersey, nettoyeur dans un brasserie, employé de banque, jardinier, journaliste sportif, cuisinier dans un MacDo, etc. Parallèlement à ça, il essaye de développer une grande activité sexuelle auprès des filles, mais ça marche rarement : ou la fille ne veut pas de lui, ou alors au moment de conclure, il se passe toujours un truc pénible ; quelqu'un entre dans la pièce, ou Max, trop bourré, en oublie d'envoyer sa lettre à la poste.
Roman jeunesse : Les Mystères du Far West – 1 : Les Trois desperados, de Caroline Lawrence
Pinky a douze ans, est un petit garçon qui va à l'école, ce qui n'est pas rien dans le désert, et nous annonce d'emblée qu'il va mourir d'ici la fin de la journée. C'est ainsi que Caroline Lawrence nous présente son jeune héros. Dans ce premier opus des aventures de P.K. Pinkerton, jeune métis livré à lui-même après la mort de ses parents adoptifs, poursuivi par des vrais méchants – de véritables desperados - pour un héritage mystérieux. Le voilà donc propulsé dans Virginia City, la grande ville contre laquelle ses parents adoptifs l'avaient mis en garde. Et la suite des aventures de Pinky leur donnera incontestablement raison. Lorsque le jour de son douzième anniversaire Pinky découvre ses parents adoptifs scalpés, il recueille les derniers mots de sa mère, qui lui remet un drôle d'héritage : une lettre lui permettant de revendiquer, au nom de son vrai père, la propriété d'un terrain qui lui assure la richesse. Mais plutôt que de lui faciliter la vie, il se rend compte que cet écrit est responsable de leurs assassinats, et le met lui-même en danger. Sautant dans – non, sur – une diligence, il part pour Virginia City pour y trouver des réponses. Et n'y trouve que des questions.
BD : Commandant Achab. 1, Né pour mourir, de Stéphane Douay & Stéphane Piatzszek
Quand on est flic et fils de brigand, travailler au 36 peut s'apparenter à un rêve de gosse. C'est du moins ce que sous-entend Karim, nouvellement muté dans un étrange quai des Orfèvres. Pourquoi étrange ? Parce que ce haut-lieu est dirigé par un homme dont le frère végète au sous-sol, désœuvré au milieu des archives. Cet homme, c'est le commandant Edgar Cohen, l'un des plus fins limiers de la police judiciaire, affublé d'un chat moribond, d'un pétard qu'il a toujours au bec et d'une jambe articulée. Surnommé le commandant Achab - hommage évident à Moby Dick -, l'unijambiste Cohen symbolise à lui tout seul la déchéance. Moribond tout autant que son chat, il est victime d'un destin mythologique : il a abattu son meilleur ami qui n'était autre que l'ennemi public numéro un, qui n'était autre que le père de la nouvelle recrue du 36, Karim. La boucle est bouclée, Karim vient chercher des réponses à ses questions. Les mêmes questions que se pose justement le commandant Achab.
Essai : 30 ans d'écrits sur le polar : 1982-2012 Volume 1, Chroniques, fictions, entretiens, essais, de Claude Mesplède
Claude Mesplède est un rouage élémentaire des littératures policières à tel point que l'on ne sait plus vraiment à l'heure actuelle, à l'instar de l'œuf et de la poule, qui a créé qui. Ce que l'on sait en revanche c'est qu'année après année, inlassablement et avec le même engouement, l'homme arpente les salons de France et des Asturies, participe à des débats, rédige aussi bien dans des revues que dans des fanzines, a publié de nombreux essais dont nombre sur la "Série noire" des éditions Gallimard, a dirigé la publication d'un dictionnaire en deux volumes qui a été une fois réactualisé, qu'il a été directeur de collection, qu'il a monté un festival à Toulouse, qu'il est de toutes les associations, et qu'il a même commis un "Poulpe". Aujourd'hui, il publie au sein des Nouvelles éditions Krakoen le premier volet de ses écrits sur le polar. Disons-le tout net : l'ensemble est hétéroclite. Claude Mesplède est un merveilleux diseur d'histoires prises sur le vif.
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