Au bord de l’Infinistère, les âmes perdues viennent se jeter. 80 mètres plus bas, c’est le choc immédiat. Sans espoir de retour. Frédéric Mars, avec Tout le bonheur du monde, parle de suicide. Et d’une communauté de rescapés, malgré eux, qui apprend à cohabiter.
Elles s’appellent Louise et Malthilde, des grands-mères sans petits-enfants. Plutôt que de passer leur temps à faire des confitures, elles ont entrepris une veille, inlassablement, de l’Infinistère. Ce morceau de terre d’où l’on vient se balancer pour en finir avec l’existence, elles en sont les vigies.
Et les candidats deviennent leurs protégés. Elles ne pipent pas un mot, tout se fait en silence : elles attrapent l’apprenti-suicidaire avant qu’il ou elle ne fasse le grand saut, et le rapatrient dans leur maison. Avec des sourires, ou des regards étonnés, mais sans jamais une parole. Parce que les vrais héros sont muets.
Après la mort de Leila, pour Luc, la vie a progressivement perdu son sens, son intérêt, et en fin de compte, une vie sans rien, autant la résumer à rien, plus rien. Il fera le trajet jusqu’à cet Inifinistère, disposé à se jeter : la mort a parfois les attraits d’une consolation définitive. Mais Louise et Mathilde veillent au grain, et vont récupérer l’impétrant.
D’apprenti suicidaire, Luc passe à apprenti rescapé, et se retrouve dans cette maison, improbable foyer où les autres rescapés ont trouvé un refuge inattendu. Inespéré, peut-être, pour ceux qui n’avaient plus d’espoir de toute manière.
Fort bien : cette communauté structurée autour de tâches simples fait front. N’ayant pu mourir, il faut réapprendre à vivre. Avoir perdu le goût de vivre est une chose terrible : peut-on s’en remettre ?
Le roman navigue dans une atmosphère presque surréelle, où la mort bien qu’omniprésente — une communauté de suicidaires ayant échappé à leur destin — devient une force de vie. Patiemment, on redécouvre les autres, on s’ouvre à l’altérité, pour revenir progressivement dans le monde des vivants. Qui vaut ce qu’il vaut, notez bien, mais au moins est-il là, bras ouverts, la plupart du temps.
Grâce à cette note légère qui traverse le livre, on suit ces compagnons dans leur existence en reconstruction sans compassion : on devient l’un des leurs, presque amusé. Alors, oui, tout le bonheur du monde, comme nous le souhaitait Sinsemilia, on l’apprivoise avec eux. Cahin-caha, on ne gambade pas immédiatement vers des lendemains qui chantent : on y va d’abord en boitillant…
Frédéric Mars – Tout le bonheur du monde (tient dans ta poche) – French Pulp Editions – 9791025102534 – 18 € | Ebook 9791025103166 – 9,99 €
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Pour approfondir
Editeur : French Pulp
Genre :
Total pages : 352
Traducteur :
ISBN : 9791025102534
Tout le bonheur du monde (tient dans ta poche)
de Frédéric Mars