Alors mes licornettes et mes licorneaux, vous aussi vous êtes les victimes de cette douce langueur, résultat logique de la hausse brutale des températures. Je suis certaine que vous avez fait preuve d’une imagination débordante pour tenter de vous rafraîchir un tant soit peu.
Wakeboard sur la Seine, piscine de champagne dans le lounge climatisé d’un hôtel de luxe, batifolage dans les fontaines et autres points d’eau ou consommation excessive de sorbets à la framboise… Eh bien moi, j’ai fermé les volets, mis en marche mon ventilateur dernier cri super-puissant, et après avoir préparé mon shot de thé glacé citron vert-gingembre-poivre de timut, je me suis confortablement installée sur ma bouée ananas.
Là, énooorrrmmme dilemme – bien plus complexe à résoudre que celui de Rodrigue en son temps. Quand les vacances d’été se préparent gentiment chez certains, j’ai revécu Noël au mois de juillet. Une généreuse ondine, qui se reconnaîtra, et mon célèbre griffon m’ont fait parvenir un gigantesque paquet rempli d’une tonne de livres.
Varesi, Musso, Devore, Rault Delmas, Di Fulvio, Fivet, et bien d’autres, tous les hits de l’été, rien que pour moi ! Comment choisir, par où commencer, qui aura le privilège d’être mon compagnon durant ces longues nuits étouffantes ? Je m’en remets en général à ma corne et à son instinct infaillible, mais il y a des moments où le cœur impose son évidence.
Et Virginie Grimaldi fut mon évidence, comme pour beaucoup d’entre vous d’ailleurs. Et en plus, on l’aime bien Virginie chez ActuaLitté, on l’adore même, alors pourquoi me priver d’une parenthèse de tendresse ?
Pour moi, qui passe le plus clair de mon temps à tournoyer dans le ciel, moi qui jouis d’une liberté quasi-infinie, moi qui ai le privilège de ne pas me soucier de mes factures, de mon loyer ou de la manière dont je vais me nourrir (accès illimité à un fraisier tagada), je tends à oublier qu’il est parfois difficile de regarder au-delà, plus haut, plus loin. J’essaie pourtant, j’observe, je hume, j’éprouve, mais il est bon d’avoir une petite piqûre de rappel. Virginie Grimaldi m’a forcée à baisser les yeux, et j’ai pris conscience de la félicité et de la légèreté qui m’entourent.
Il est grand temps de rallumer les étoiles, raconte Anna, Chloé, Lily. Une mère et ses deux filles : une mère qui se bat pour que tout ne s’écroule pas, une mère qui cherche des solutions pour donner du sens, une mère qui donnerait tout pour offrir à ses deux trésors la vie qu’elles méritent et l’amour qu’elle n’a pas reçu. Elle a perdu sa mère, un peu trop tôt. Une mère qui a l’impression que tout fout le camp et décide de foutre le camp pour aller admirer les aurores boréales du Grand Nord.
Pour remettre de la lumière dans ce quotidien trop lourd, trop gris, trop normal, il fallait provoquer l’onde de choc génératrice de ces belles trainées colorées. Il fallait accepter le désordre, pour être capable de relever la tête, ensemble.
Anna vit seule avec ses deux filles – leur père est installé à Marseille, inscrit aux abonnés absents depuis leur séparation. Anna accumule les crédits, perd subitement son emploi de serveuse et voit ses filles grandir, se disputer, s’éloigner. Heureusement, Anna ne peut se résigner à les abandonner à leur mal-être.
Il y’a Chloé, l’ainée, qui ne comprend pas pourquoi elle ressent les choses de la vie avec tant de violence et de vérité. Elle tient un blog sur lequel elle partage ses inquiétudes, ses envies et ses chagrins d’adolescente. Chloé est jolie, mais ne le sait pas. Elle rêve d’être aimée, juste aimée pour ce qu’elle est. Alors, pour grappiller quelques secondes d’attention, elle joue à la fille facile en prétendant ne rien attendre en retour.
Il y’a la petite, Lily, et son journal intime, qu’elle surnomme Marcel, parce qu’il est rouge comme « Marcel Husson, le voisin chauve du premier étage ». Son meilleur ami est un rat, Ralala. Elle est extrêmement drôle Lily, mais elle est différente. C’est grâce à un petit garçon autiste qu’elle finira par réaliser que c’est « bête d’être les autres alors que l’on est soi ». Et c’est déjà beaucoup.
Pour colmater les fissures et recoller les morceaux, Anna appuie sur la touche pause. Direction la Scandinavie pour un road-trip initiatique qui leur permettra d’admirer ce que l’humanité recèle de plus merveilleux. Une famille. Non sans peine, sans cri, sans douleur, Anna, Chloé et Lily parcourront ainsi des centaines de kilomètres dans un camping-car, dont l’exiguïté ne leur laisse pas d’autre choix que de respirer ensemble, à nouveau.
Sur la route, elles verront des baleines, des phoques, des rennes ; elles escaladeront des montagnes ; elles mangeront du hareng séché et du fromage brunâtre ; elles feront la connaissance de Julien, Noé, Diego, Edgar Marine, François, Françoise, qui les accompagneront dans le voyage de toute une vie. Une mention toute spéciale pour la grand-mère d’Anna, qui, grâce à un petit mensonge, les mettra sur la voie des astres…
Pour une multitude de raisons, dont la dimension hautement personnelle m’empêche d’en vous dévoiler l’exacte teneur, Il est grand temps de rallumer les étoiles m’a profondément touchée.
Parce que je suis un peu Chloé – moi aussi j’ai pensé que « les hommes étaient comme Cendrillon et qu’après l’amour ils se transformaient en porcs » ; parce que je suis un peu Lily – moi aussi je préfère sourire que pleurer « surtout quand on sait que la planète manque d’eau, c’est du gaspillage » ; parce que suis un peu Anna, et bien que Mamlicorne saute toujours vaillamment dans les flaques avec moi, je redoute le jour où je devrais faire sans elle.
Et parce que je suis une femme, moi aussi j’ai peur de n’être pas à la hauteur, d’être une mauvaise mère, de ne pas savoir trouver le juste équilibre. « Les parents sont des funambules. On marche sur un fil tendu entre le trop et le pas assez, un colis fragile entre les mains. »
En acceptant de nous dévoiler une partie de ses failles, de ses absences, de ses blessures, Virginie Grimaldi nous offre, avec générosité et bienveillance, une part d’elle, une part de nous. En abordant avec simplicité et humour des sujets universels et essentiels, Virginie Grimaldi impose son évidence : celle de son cœur. Et nous en avons toutes et tous grand besoin… Parce que Virginie Grimaldi c’est Anna, c’est Chloé, c’est Lily et c’est moi.
Alors non, une escapade au milieu des geysers, des cascades et des fjords ne peut pas remettre tous les comptes à zéro, ne peut pas effacer tous les coups, ni chasser tous les démons. Par contre, prendre le risque de nous faire secouer par un orage magnétique et tenter d’apercevoir une aurore boréale peut nous donner l’envie d’ouvrir les yeux et de relever la tête. Comme l’a si bien dit Charlie Chaplin, du chaos naissent les étoiles. Osez, bouleversez, changez les ampoules, montez le son et envolez-vous. La lumière n’est pas si loin.
Ce n’est pas tout ça, mais j’ai à lire moi ! Je vous embrasse, je reviens vite… promis.
Virginie Grimaldi – Il est grand temps de rallumer les étoiles – Fayard – 9782213709703 – 18,50 €
Paru le 02/05/2018
393 pages
Fayard
20,90 €
Commenter cet article