Le nouveau roman de Monica Sabolo possède une force étrange et magnétique, intrigante. Il est un comme un flottement, une ondulation qui s’élève puis s’abaisse, porté à la fois par le récit introspectif du narrateur et l’absence de la disparue.
Le lecteur est plongé en eaux troubles. Perturbé à son tour par la disparition, lors d’un pique-nique près du lac Léman, de Summer, jeune fille d’une beauté solaire, et assez mal à l’aise devant la fragilité psychologique et émotionnelle du jeune frère qui raconte, vingt-cinq ans plus tard, le drame et l’impossible reconstruction.
Ce n’est pas spécifiquement le mystère autour de la disparition de Summer qui constitue l’essence propre du roman et son intérêt, même s’il trouve sa résolution en fin de volume et lui offre des accents de thriller ; non, c’est bien autre chose, plutôt une ambiance particulière, un malaise pénétrant, des sensations tenaces qui envahissent le lecteur et le font progressivement intégrer puis éprouver les souffrances mentales du narrateur. Lui donnent le vertige.
Depuis que Summer a disparu, Benjamin est obsédé par son absence. La cherche sans cesse. Névrosé. Elle occupe ses rêves, ses souvenirs, inatteignable et en même temps omniprésente. L’esprit embrumé par les psychotropes, l’alcool et les drogues, il se fuit lui-même, oppressé par une forme de culpabilité, enfermé dans un abîme, des secrets de famille et de non-dits écrasants.
De cette douleur qui le submerge, entretenue sans accalmie par les souvenirs et les songes et dont les psychologues s’emparent mais sans succès, Benjamin raconte, par alternance, une époque, celle des années 80, un milieu aisé de la société, celui de sa famille, à la fois rayonnant et séduisant, luxueux et par petites touches, revisite son adolescence tourmentée, un bonheur et un équilibre aux apparences de plus en plus troubles.
Emmené par une écriture très poétique et onirique, empreinte d’images, de sensations et de sonorités aquatiques, l’histoire est par moments, enveloppante, presque douce, délicate mais à d’autres moments, le lecteur, oppressé, peine à respirer, aspiré par les profondeurs sombres du lac, retenu par des algues noires, une vase trouble et dense, complètement imprégné par l’angoisse et le traumatisme du narrateur.
Avec subtilité et une tonalité toute en tensions, Monica Sabolo, pénètre l’enfer familial, dévoile les relations toxiques, les déchirements, les mensonges, décrit avec précision un milieu bourgeois, ses dérèglements, ses artifices, sa violence, l’adolescence fragile, le vide de l’absence, l’enquête et la quête de la sœur aimée et disparue.
Jamais très loin de l’univers de Laura Kasischke, Summer, après lecture, perturbe encore. Mais laisse un peu inassouvi. De manière fugace mais perceptible, le lecteur, saturé de métaphores aquatiques quasi fantastiques, semble avoir avalé un peu trop d’eau.
Monica Sabolo – Summer – Editions Jean-Claude Lattès – 9782709659826 – 19 euros
Pas de commentaires
Pour approfondir
Editeur : Lattes
Genre :
Total pages : 316
Traducteur :
ISBN : 9782709659826
Summer
de Monica Sabolo