Les embouteillages sont un sujet de circonstance, alors que s’approche la bascule entre juilletistes et aoutiens. Mais c’est plus souvent l’agacement des enfants à l’arrière, la colère du conducteur et la chaleur étouffante que l’on rencontre. Encore que ce pourrait être le sens même de la vie qui se dessine.
Perdu en essayant d’esquiver un embouteillage sur l’autoroute, un homme se retrouve dans un café qui lui ouvre les yeux sur le sens de la vie. John n’en croirait pas ses yeux, lui qui frôle le point de non-retour : désespéré, il tombe sur le panneau d’un café. Plus d’essence dans la voiture, il s’arrête et commande à manger. On lui sert alors le menu du repas le plus étrange de sa vie.
Pourquoi es-tu ici ? Crains-tu la mort ? Es-tu épanoui ? Autant de questions qui remplacent un intitulé aussi simple que Burger avec frites, Steak de cheval ou Tarte aux poireaux, que l’on s’attendrait à retrouver. John, plus vraiment affamé, se laisse interpeller par cette présentation inédite : les questions le déroutent plus qu’elles ne l’agacent.
Intervient alors Casey, directrice de la communication avant de rencontrer la lumière. Puis vient Mike, cuisinier, et d’autres clients encore. Seul John reste perdu, comme égaré. Une sorte de Dante Alighieri, en effet, dont l’aventure guidée par Virgile débute au milieu de sa vie, dans une forêt sombre, sans savoir quel chemin serait le bon.
John P. Streckley est connu depuis des années pour son travail de conférencier : en anglais, The Why Café est publié, et régulièrement réédité, depuis 2003, avec pour titre originel Why Are You Here Café, certainement plus explicite encore. Tout un programme qui s’annonçait déjà avec son tout premier livre.
Pure allégorie, son établissement est celui de l’accomplissement personnel, de la découverte de soi — proche du Bildungsroman, le roman d’apprentissage en vogue au XVIIIe siècle.. Car les questions sur la carte sont celles, essentielles, de toute une existence ; et il ne fait jamais de mal de se recentrer, pour réaligner sa propre existence sur les lignes de conduite, et non plus de fuite.
Derrière l’écriture légère, cette forme faussement autobiographique révèle une profondeur parfois vertigineuse, tant la simplicité apparente accapare le lecteur. Analogies et interprétations se succèdent, avec cette troublante perspective : serions-nous, en le décidant, en mesure d’appliquer, à notre propre existence, les choix qui la rendraient conforme à nos attentes ?
Aux côtés de John, les prises de conscience viennent progressivement, sans heurt, ni sensation d'être brusqué. Dans un monde de personnalités toutes uniques, dont nous sommes, être implique d’appliquer quelques correctifs régulièrement. Mais avant tout, de se réveiller avec l’idée que l’on peut au moins se donner les moyens…
John Strelecky, trad. Mahaut Vidal – Le café du bout du monde – Leduc.s – 9791028510794 – 15 €
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Pour approfondir
Editeur : Leduc.S
Genre :
Total pages : 160
Traducteur : mahaut vidal
ISBN : 9791028510794
Le café du bout du monde
de John P. Strelecky