Le mouvement de l'open access a été lancé avec une belle idée : mettre les résultats de la recherche à la disposition de tous dans des archives ouvertes et des revues ouvertes. Il conquiert maintenant le monde pour le plus grand bénéfice des auteurs, des chercheurs, des étudiants, des bibliothèques, des éditeurs, des universités et des centres de recherche. Et, tout aussi important, pour le bénéfice du grand public, quelle que soit sa formation et son parcours professionnel.
Qu'est-ce exactement que l'open access ?
L'open access (accès ouvert en français) est un vaste mouvement mondial visant à mettre les résultats de la recherche à la disposition de tous. Maintenant que nous avons un réseau mondial dénommé internet, il n'y a plus de raison de faire transiter les articles des chercheurs par le biais de revues scientifiques hors de prix alors que les chercheurs ne sont pas payés pour écrire ces articles puisqu'ils les écrivent dans le cadre de leur travail (et parfois le soir tard ou le week-end à la maison). De plus, en tant que citoyens, nous payons ces chercheurs par le biais de nos impôts et devrions donc pouvoir lire leurs articles gratuitement. L'open access est bénéfique pour tout le monde, y compris pour les chercheurs, assurés que leur travail est très lu et très utilisé. N'est-ce pas ce que souhaite tout chercheur digne de ce nom ?
Quelle est l'origine de l'open access ?
Le mouvement de l'open access a été lancé par la Budapest Open Access Initiative
(BOAI – Initiative de Budapest pour l'accès ouvert), un texte public signé en février 2002 par quelques pionniers de l'open access. Ce texte est suivi en septembre 2012 par les BOAI10 Recommendations, sous-entendu de nouvelles recommandations dix ans après la signature de la BOAI pour que tous les résultats de la recherche – dans tous les domaines — soient systématiquement en accès ouvert dans dix ans au plus tard (en 2022 ou avant).
Quel est le champ d'action de l'open access ?
Le mouvement de l'open access est un mouvement mondial qui concerne d'abord les revues scientifiques et les chercheurs, dans tous les domaines, aussi bien scientifiques que littéraires. Ces chercheurs écrivent des articles dans le cadre de leur travail pour faire part de leurs recherches à leurs collègues — et au monde — et pour contribuer à l'avancement de leur carrière avec une liste de publications à leur actif. La mise à disposition gratuite de leurs articles ne constitue donc pas de manque à gagner financier pour eux. Elle leur assure au contraire une audience mondiale.
Maintenant que tout le monde (ou presque) a l'internet, y compris via son smartphone et sa tablette, il n'y a plus de raison pour que les éditeurs de revues scientifiques touchent de gros profits sur des articles dont ils ne paient pas les auteurs, d'autant plus qu'ils ne paient pas non plus les directeurs de publication et les membres du comité de lecture (à de très rares exceptions près).
L'open access concerne-t-il uniquement les revues scientifiques ?
Le mouvement de l'open access n'est pas limité aux revues scientifiques, même si ce domaine est prioritaire pour le moment. Ce mouvement concerne aussi les livres (scientifiques ou non), la musique et les films, à la différence près que les auteurs gagnent des royalties sur ces derniers. Les auteurs de livres scientifiques sont de plus en plus nombreux à choisir un accès ouvert pour leurs livres, suite à un accord avec leur éditeur. Si l'auteur ne gagne pas plus de royalties, il gagne le plus important, à savoir être lu. Il peut par exemple proposer une version imprimée payante et une version numérique gratuite. Tout dépend des priorités que se donne l'auteur (royalties ou diffusion) et des possibilités que lui offre son éditeur. Chose très importante, on conseille souvent aux auteurs de conserver le copyright de leur article ou de leur livre, et de ne pas le céder à un éditeur comme par le passé, et on leur conseille aussi d'utiliser une licence Creative Commons.
Qu'est-ce qu'une archive ouverte ?
Une archive ouverte est une archive en ligne permettant aux chercheurs de déposer leurs publications pour les mettre à la disposition de tous. Ces archives ouvertes contiennent d'une part des articles non encore évalués par des comités de lecture de revues (souvent appelés prépublications ou preprints) et d'autre part des articles relus et acceptés pour publication dans une revue (souvent appelés postpublications ou postprints), que cette revue soit en accès ouvert ou payant. De plus en plus de revues payantes donnent leur accord pour le dépôt des articles dans une archive ouverte, avec accès ouvert immédiat ou différé (par exemple au bout de six mois).
Y a-t-il beaucoup d'archives ouvertes ?
L'archive ouverte la plus connue en France est HAL (Hyper Articles en Ligne).
De plus en plus d'universités et de centres de recherche ont leur propre archive ouverte, à commencer par des universités de réputation mondiale comme Harvard ou le MIT (Massachusetts Institute of Technology). En général, les archives ouvertes sont soit institutionnelles soit thématiques, par exemple arXiv pour la physique et les maths. Certaines archives ouvertes ne sont pas limitées aux articles et peuvent inclure aussi des thèses, des mémoires, des livres, du matériel pédagogique et des fichiers audio et vidéo, entre autres. Le nombre d'archives ouvertes est en augmentation constante, avec deux grands répertoires mondiaux, ROAR (Registry of Open Access Repositories) et OpenDoar (Directory of Open Access Repositories) pour s'y retrouver.
Qu'est-ce qu'une revue ouverte ?
Une revue scientifique ouverte fonctionne comme une revue scientifique payante, avec comité de lecture et relecture des articles. La différence avec cette dernière est que les articles acceptés sont mis à la disposition de tous gratuitement, pour pouvoir être lus par un large public. La gestion d'une revue ouverte n'est pas gratuite, bien entendu, mais les coûts sont payés en amont pour que le lecteur puisse la lire gratuitement, selon le principe d'une émission de radio ou de télévision. Payer une émission à l'unité nous semblerait totalement incongru.
Mais nous nous ruinons pour lire des articles publiés dans des revues scientifiques payantes. Ou alors ce sont nos bibliothèques qui se ruinent, alors que leurs budgets sont eux aussi affectés par la crise. Les revues ouvertes apportent une solution à ces problèmes. Le coût de fonctionnement d'une revue ouverte peut être couvert par des subventions, des sponsors, des bannières publicitaires ou des frais de publication demandés aux auteurs — frais qui sont le plus souvent pris en charge par leur institution et ne concernent qu'une minorité de revues.
Que vont devenir les revues payantes ?
Les revues ouvertes cohabitent paisiblement avec les revues payantes. Mais certains éditeurs de revues payantes voient maintenant diminuer les profits énormes dégagés sur les articles publiés — alors que leurs auteurs ne sont pas payés pour écrire ces articles, rappelons-le. Ces revues payantes avaient une utilité certaine avant l'apparition de l'internet puisque c'était le seul moyen qu'avaient les chercheurs de communiquer les résultats de leurs recherches entre deux livres. Le prix de ces revues était également tout à fait abordable jusqu'à une époque récente, avec un abonnement payant permettant aux éditeurs de ces revues de couvrir leurs coûts.
Mais le prix de ces revues a explosé depuis les années 1970 pour atteindre maintenant une somme astronomique dans le cas de revues de réputation mondiale. Certains grands éditeurs comme Elsevier dégagent des profits supérieurs à ceux des plus grandes multinationales — avec l'aide du gouvernement français qui vient de signer un nouvel accord de cinq ans avec Elsevier pour la modeste somme de 172 millions d'euros. Lire des revues scientifiques ne devrait pas être réservé à une élite. Les revues ouvertes sont accessibles à tous, riches ou pauvres, avec ou sans diplôme, que nous soyons étudiants, dans la vie active ou retraités.
Y a-t-il un problème de qualité avec les revues ouvertes ?
La qualité ou l'absence de qualité concerne toutes les revues scientifiques, qu'elles soient ouvertes ou payantes. L'avantage des revues ouvertes est que tout le monde peut les lire, quel que soit son budget, un des nombreux bienfaits de l'internet. Les auteurs sont assurés d'une audience mondiale. De plus, nombre d'études récentes montrent que la qualité des revues ouvertes est au moins égale sinon supérieure à celles des revues payantes, et que les articles en accès ouvert sont davantage téléchargés et cités.
Il est vrai aussi que ces revues ouvertes sont plus récentes et donc souvent moins connues des chercheurs en quête d'une revue prestigieuse dans laquelle publier leur article. Mais certaines revues ouvertes ont rapidement acquis une réputation comparable à celles des meilleures revues payantes, par exemple les sept revues scientifiques gratuites de haut niveau lancées par la Public Library of Science (PLOS) entre 2003 et 2007, dont PLOS ONE, la plus connue.
Faut-il se méfier des arnaques ?
Avec le succès du mouvement de l'open access, on assiste à l'apparition de fausses revues « scientifiques » ouvertes, surtout anglophones, destinées à arnaquer le chercheur, avec un comité de lecture bidon, et ne s'intéressant bien sûr qu'aux frais de publication qu'il va devoir débourser pour se voir publié. Mais ce n'est pas la première fois qu'une belle idée est détournée de son but premier à des fins mercantiles assez écœurantes, et ce n'est pas la première fois non plus qu'on voit débarquer des sites véreux sur le web. S'il veut publier ses articles dans une revue ouverte, le chercheur ou l'auteur peut explorer le DOAJ (Directory of Open Access Journals), répertoire de 10.200 revues scientifiques en accès libre en 50 langues dans 136 pays.
Pour en savoir plus :
Une présentation de l'accès ouvert par Peter Suber, directeur du Harvard Open Access Project
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