Sortie d'une année 2016 difficile, la Bibliothèque nationale de France a signé un nouveau contrat de performance avec le ministère de la Culture en avril dernier, le troisième depuis 2009. Ce document annonce les grands chantiers de l'établissement patrimonial pour les 5 prochaines années : petit tour des principaux défis que va devoir relever la BnF.
Le contrat de performance signé par le ministère de la Culture et la BnF développe des orientations qui reprennent et précisent celles de la lettre de mission de la présidente de l’établissement, dans le respect de la stratégie partagée entre l’établissement et le ministère de la Culture. À la fin de la période 2017-2019, la BnF présentera un bilan stratégique, avec évaluations et synthèse, qui permettra d'ajuster les objectifs pour les deux années restantes. Inutile de souligner que l'établissement, ses personnels et sa directrice Laurence Engel sont sous pression...
Voici une liste des défis qu'ils auront à relever, alors que l'établissement affiche en 2016 un léger recul de la fréquentation des étudiants et des actifs, une baisse du nombre de visites sur Gallica, une fréquentation globale en hausse et des effectifs et des budgets restreints depuis plusieurs années.
La rénovation du site Richelieu de la BnF est à moitié terminée : il reste 28.000 m2 à rénover. Si ce chantier à 232 millions € est financé à 80 % par le ministère de la Culture et à 20 % par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, la BnF devra « trouver sur ses fonds propres et par mécénat les moyens de procéder à la rénovation d’espaces, comme la salle Ovale ou le salon Louis XV, non prévus dans le chantier global de rénovation de Richelieu ».
À terme, la salle Ovale sera une salle librement accessible, et, en 2020, le site Richelieu proposera pour la première fois un parcours muséographique présentant des trésors conservés dans les collections de la BnF et ses espaces les plus spectaculaires.
Entre 2007 et 2014, la BnF a enregistré une diminution du nombre d'entrées en salles de lecture de 15 % sur l'ensemble de ses sites, une baisse en partie enrayée en 2015 et 2016, mais toujours préoccupante, car elle concerne notamment les étudiants et les actifs, qui font partie des premiers publics de la BnF. Si celui des expositions et des activités culturelles s'est restreint ces dernières années, c'est aussi à cause de la fermeture des espaces d’exposition du site Richelieu.
À l'inverse, « le succès rencontré par l'occupation des stations de travail hors des salles de lecture du Haut-de-jardin ou les nouveaux services proposés (comme les salles de groupe) illustrent une relation nouvelle des lecteurs aux bibliothèques », souligne la BnF.
Pour améliorer sa fréquentation physique, la BnF compte simplifier les démarches des lecteurs, en généralisant progressivement les modalités d’inscription en ligne, limitées jusqu’en 2016 au renouvellement et à un formulaire de pré-accréditation pour les salles de recherche, mais aussi la possibilité de réserver en ligne des documents pour qu'ils soient disponibles plus rapidement – même si la BnF se félicite d'une disponibilité moyenne en 30 minutes des documents !
Enfin, les chercheurs seront comblés : la BnF mettra en place des outils de fouille et d’exploration de textes et de données sur des corpus numériques de la BnF, mais uniquement entre les murs de l'établissement...
Gallica est l'un des outils-phares de la BnF en matière de valorisation patrimoniale, mais sa fréquentation a accusé un important recul en 2016. Pour redresser le tir, la BnF ajoutera prochainement un nouveau volet « Vidéos » à sa plateforme patrimoniale.
Par ailleurs, un service d’enrichissement participatif fera son apparition dans Gallica en 2020, pour donner aux publics la possibilité d’ajouter des annotations ou des commentaires écrits ou sonores sur les documents de Gallica. La même année, Gallica bénéficiera d’un outil de fouille des images, avec reconnaissance des formes. Par ailleurs, le hackathon organisé au sein de la BnF sur Gallica sera reconduit chaque année, et la réexploitation des données sous licence ouverte encouragée.
Pour renforcer le lien avec les visiteurs et les intéressés, la BnF mettra bientôt en place un outil de gestion de la relation utilisateurs (CRM), au cours de l'année 2017. Le site bnf.fr connaîtra une nouvelle version en 2018, et accueillera des modes d’emploi interactifs, vidéos et infographies, et des formations en ligne ouverte à tous, les fameux MOOC, sont même envisagées. Enfin, la BnF souhaite « produire et développer des programmes avec et pour des sites médias à forte audience et des plateformes commerciales de diffusion, notamment par l’intermédiaire de BnF-Partenariats ».
La BnF veut tout d'abord « rendre l’offre culturelle exportable hors les murs », notamment à travers des expositions qu'elle souhaiterait plus itinérantes. L'établissement associera aussi les bibliothèques françaises à la numérisation de corpus d’intérêt patrimonial national et international, en ajoutant de son côté la numérisation de corpus d'intérêt territorial dans ses programmes. Le programme « Gallica marque blanche », récemment utilisé pour la Bibliothèque numérique francophone, sera développé en France et à l'international, en s'adaptant aux besoins des partenaires. De manière générale, la BnF veut se positionner comme un acteur majeur de la protection du patrimoine écrit, y compris à l'international.
Vis-à-vis des publics professionnels, la BnF souhaite élargir et diversifier son offre de formation continue pour les enseignants, bibliothécaires, documentalistes ou autre, ce qui passera aussi par l'adaptation de l'offre pédagogique d'éducation artistique et culturelle, notamment celle du site Richelieu.
Une offre de services aux professionnels sera déployée en 2018, et, en 2019, sous réserve d'un financement partenarial, un nouveau projet à destination des apprentis sera mis en ligne.
Évoqué depuis un moment et expérimenté ces derniers mois, le dépôt légal permettra d'assurer la continuité des collections nationales dont la production numérique s’accroît fortement. Une adaptation du cadre réglementaire du dépôt légal devrait ainsi permettre, d’ici 2021, d’améliorer la collecte des œuvres numériques dans tous les domaines relevant de la compétence de la BnF.
Si la BnF se concentrera sur les supports fragiles et les objets exceptionnels, elle devra également se confronter à la numérisation de la presse et au financement de cette dernière : des moyens de financement exceptionnels devront être définis, comme les investissements d’avenir, le mécénat ou des partenariats. La BnF établira un programme pluriannuel de numérisation et veillera à la complétude des corpus déjà numérisés. Toutefois, soulignons que si le programme ReLIRE, consacré aux oeuvres indisponibles s'arrête, la fonction de la BnF pourrait se poursuivre dans la constitution de listes d'ouvrages.
Le taux d’occupation des espaces de stockage de la BnF atteint les 98 %, largement plus que le seuil d’occupation maximal fixé à 90 %, alors que le volume des collections augmente sans cesse. Depuis 2014, la BnF met en réserve des crédits importants dans son fonds de roulement afin de constituer une réserve de 10 millions € à l'horizon 2023.
Densification des magasins existants, remembrement des espaces et réorientation de la partie la moins consultée du dépôt légal vers les magasins de Bussy-Saint-Georges seront des mesures provisoires en attendant 2023 et une solution définitive. En 2018, des études de programmation seront lancées, en attendant le début des travaux en 2021 et la livraison des nouveaux espaces de stockage en 2023. En attendant, la BnF devra aussi définir de nouveaux espaces tampons pour le déplacement des collections en cas de catastrophe.
Dans le contrat de performance, la BnF rappelle qu'elle a perdu 255 emplois équivalents temps plein travaillé entre 2008 et 2016, et qu'elle est confrontée « à l'exigence de maîtrise de ses dépenses de personnel » : pour faire plus avec moins, l'établissement souligne que « l'implication des agents – de tous niveaux hiérarchiques – dans des démarches participatives d'innovation doit favoriser une mobilisation collective pour rechercher et mettre en œuvre des manières nouvelles de s’organiser ou de conduire des projets », une manière de dire que le dialogue social sera nécessaire, et sans doute agité. Notons d'ailleurs, à ce titre, que le syndicat CGT de la BnF, a récemment dénoncé une direction qui « ne communique pas ou peu envers les agents ».
Fin 2016, sur ses 7 sites, la BnF emploie 2340 agents et annonce qu'elle renforcera son offre de formation pour suivre l'évolution des métiers et intégrera la dimension du bien-être au travail dans son bilan social.
Les recettes propres de la BnF intègrent les recettes de billetterie, le mécénat, la vente de reproduction et des éditions, la location d’espaces, mais cela ne sera vraisemblablement pas suffisant, étant donné tous les défis listés ci-dessus, auxquels s'ajoutent encore le programme décennal de renouvellement des équipements pour le site François-Mitterrand et l’adaptation et la modernisation du système d’information.
Pour subvenir à toutes ces dépenses, la BnF diversifiera les produits et services commercialisés par la BnF ou sa filiale, et proposera une nouvelle banque d’images intégrant des documents sous droits dont les licences seront vendues. Autrement dit, ceux qui critiquent la « marchandisation du service public » à l'oeuvre à la BnF n'ont pas fini...
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