Dans une communication, le Syndicat national de l’édition demandait à ses membres de « porter une attention particulière » aux auteurs. Autrement dit, de respecter les dates de redditions de comptes et de paiements des droits, ainsi que des à-valoir. Mais le message n’est pas forcément applicable partout.
Le 08/04/2020 à 12:24 par Nicolas Gary
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08/04/2020 à 12:24
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« [S]i vous le pouvez, il serait souhaitable que ceux-ci puissent être réglés en fonction de la date de publication initiale sans tenir compte du report éventuel des ouvrages que vous auriez décidé », préconisait dernièrement le SNE. Mais en la matière, l’organisme n’a pas le pouvoir de contraindre ses membres. Pas plus que de régler les problèmes que les membres peuvent rencontrer.
« [N]ous serons malheureusement dans l’incapacité d’établir les relevés de droits dans les délais habituels. Il nous est à ce jour impossible de prévoir quel sera précisément leur montant ni à quelle date nous pourrons effectuer les virements », indique la maison Bragelonne dans un courrier consulté par ActuaLitté. « Recevez l’assurance que tout ce qui doit être payé le sera. On en a vu d’autres et on s’en sort toujours », poursuit le courriel.
Et de conclure : « Le livre numérique constitue la seule source de revenus des auteurs pendant ce black-out commercial. Forts de notre puissance dans ce domaine, et avec l’aide de notre diffuseur qui continue son travail, nous poursuivons par ce biais l’exploitation des œuvres et constituons ainsi un capital pour demain. »
Le directeur éditorial, Stéphane Marsan, joint par ActuaLitté apporte d'importantes précisions : « D’abord, nous avons un devoir d’information essentiel et c'est là toute la raison de cet email : nous sommes tous dans une situation effarante, mais il vaut mieux parler franchement que de se planquer. » Ainsi, tous les collaborateurs, auteurs, traducteurs, correcteurs, agents français — et prochainement étrangers — ont été tenus au courant par ledit mail.
L’autre point relève d’une vilaine réalité technique. « Le confinement a été immédiat, et notre personnel comptable a été mis en chômage partiel. Tout cela n’a rien à voir avec des problèmes économiques ni une manque de chiffre d'affaires : la réalité est que notre logiciel comptable n’est pas utilisable dans le cadre d’un travail à distance, malheureusement. »
Et de poursuivre : « Nous allons tous au-devant de plusieurs mois sans écoulement en librairie, nous sommes tous dans le même bateau. Mais dès la fin du confinement, on fera les 3 x 8 pour payer tout le monde. »
Or, un message similaire émane d’une autre structure. « Face à l’accélération de l’épidémie, le Groupe Madrigall a décidé que les collaborateurs relevant des métiers de la comptabilité auteurs seront en suspension totale d’activité à compter de ce jour jusqu’à la reprise d’une activité normale. »
Et d’ajouter : « Nous allons traverser, ensemble, cette période particulièrement difficile en faisant preuve d’esprit de solidarité. » Solidarité bien ordonnée, qui commence par couper les revenus des auteurs ?
Dans un récent entretien, Antoine Gallimard assurait : « Mais, contrairement à certains, je n’ai pas accepté la gratuité totale : il faut que les auteurs et la chaîne soient rémunérés. » Il redoutait des faillites dans le secteur de la librairie et de l’édition, réclamant « un dispositif de soutien fort ». Pour autant, les auteurs de Flammarion, Gallimard et Casterman, pour ne citer que les trois grandes maisons, accueilleront le message avec une grimace.
Manifestement préoccupé par la question, Antoine Gallimard a souhaité anticiper les questionnements et adresse à ActuaLitté ce communiqué :
Suite aux inquiétudes exprimées par certains auteurs, le groupe Madrigall tient à confirmer que l’intégralité des versements dus aux auteurs se sont poursuivis en mars sans aucune discontinuité, et ce depuis le début du confinement. Ils le seront également dans les semaines et mois qui viennent de façon inchangée, comme le groupe s’y est naturellement engagé au premier jour de cette crise pour chacune de ses maisons d’édition.
Dans ces circonstances exceptionnelles, Madrigall a mis en place une organisation de crise permettant un contact direct des auteurs à la direction de la comptabilité auteurs ainsi qu’à l’équipe restreinte qui l’accompagne pour le bon traitement des redditions et règlements. La continuité est ainsi garantie.
Un message qui s'inscrit dans la continuité de ce que Charlotte Gallimard, à la tête de Casterman, précisait récemment : « Très concrètement également, notre équipe comptable est à même d'assurer le versement des avances et la clôture des relevés semestriels. Je tiens particulièrement à vous rassurer sur cette question des paiements que nous devons effectuer, que je sais de première importance pour vous. » Elle invitait également à prendre contact avec la maison si le relevé droits n'est pas encore pas arrivé.
Du côté du groupe Editis, la directrice Michèle Benbunan nous assure qu'il n'y aura aucun différé : « Non, certainement pas ! On paiera les auteurs comme prévu. » Même son de cloche pour le groupe Hachette Livre, où les consignes ont été passées.
« Les retours que nous avons sur les grandes maisons annoncent que les redditions de comptes et les versements assortis vont avoir lieu comme d'habitude. Après, chez les moyens et petits éditeurs, la situation doit être toute différente, c'est sûr », nous précisait une organisation d'auteurs. Et pourtant, l'intuition est infirmée : « Curieusement, sur ce qui nous a été remonté, il semblerait que les moyennes boîtes soient plus attentionnées que les grosses. Sauf en jeunesse où les éditeurs seraient plutôt aux abonnés absents. »
Chose intéressante, outre-Atlantique, l’Association nationale des éditeurs de livres invite les libraires à payer en priorité les auteurs québécois. Arnaud Foulon, président de l’ANEL, en témoigne : « Quand on a des libraires qui nous disent : “Nous on ferme le robinet et on ne paie pas”, on met une pression très importante sur les éditeurs pour payer leurs auteurs. »
Et d’encourager les libraires à ce qu’ils « honorent au moins une partie de ces factures pour pouvoir réalimenter tranquillement la chaîne du livre ». En privilégiant les éditeurs et les auteurs du Québec, parce que les maisons françaises disposeraient de ressources externes, là où les Québécoises n’auront « aucun autre revenu ».
Comme le note Radio Canada, le gouvernement n’aurait pas fait de la filière livre l’une de ses priorités dans les opérations de soutien financier. Katherine Fafard, directrice générale de l’Association des libraires du Québec le souligne : « Rappelons que les librairies, avec une marge de profit très mince, doivent comme tous les détaillants préserver leur fonds de roulement afin de s’assurer de rester ouvertes après la crise, sans quoi la chaîne du livre n’existera plus. »
Dans un billet paru sur Médiapart, Benoît Virot, patron du Nouvel Attila, pose d’ailleurs quelques réflexions à méditer : « Il ne faudrait pas croire que la crise, c’est maintenant. La crise est un état permanent du monde du livre depuis le XIXe siècle, qui menace chaque année avec plus d’acuité. Ce que révèle le confinement, c’est l’absurdité généralisée du fonctionnement de la chaîne. »
Reste qu’ici ou là-bas, une des problématiques dont font part nombre d’éditeurs se résume simplement : « Aura-t-on encore une maison d’édition dans un mois et demi ? »
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Efforts Partagés...
08/04/2020 à 19:26
"Le directeur éditorial, Stéphane Marsan, joint par ActuaLitté apporte quelques précisions : « D’abord, nous avons un devoir d’information essentiel : nous sommes tous dans une situation effarante, mais il vaut mieux parler franchement que de se planquer. » Ainsi, tous les collaborateurs, auteurs, traducteurs, correcteurs, agents français — et prochainement étrangers — ont été tenus au courant."
Ha, en tant qu'auteur publiée chez ces personnes de si bonne volonté, j'ai dû manquer le pigeon voyageur qui était venu m'informer de tout ça... Ou alors les clebs du voisin l'ont bouffé. On ne sait jamais, en plein confinement...
En même temps, que sont donc ces "délais habituels" de remise des relevés et de paiement ? On se le demande... 8-/ 8-/ 8-/
Stephane Marsan
09/04/2020 à 17:16
Bonjour, si vous avez été omis.e par erreur dans la liste des destinataires de mon courriel, toutes mes excuses. Mais comme vous choisissez de ne pas révéler votre identité ici, pour une raison étrange, vous m'accorderez que ça ne va pas me permettre de réparer. Merci donc de me contacter à s.marsan@bragelonne.fr, et je pourrai vous l'envoyer.
Stéphane Marsan
Aïe aïe aïe...
09/04/2020 à 08:48
Ne serait-ce pas le moment de jouer un peu cartes sur table et que chaque auteur puisse avoir les moyens de suivre en direct ses ventes ? (c'est possible : des maisons comme Calmann-Lévy le proposent... Ça doit donc être à la portée de tous. Et honnêtement, d'un point de vue technique, c'est trivial. Si un éditeur ne sait pas comment faire, je peux lui mettre en place... moyennant finance bien entendu)
D'autre part, en ce qui concerne la maison Gallimard, est-il vrai que cet éditeur ne verse pas d'à-valoir « parce que c'est prestigieux d'être édité là-bas et que le nom de Gallimard suffit ». Y aurait-il quelqu'un pour confirmer (ou infirmer) ? Si c'est vrai, ça donne du piquant aux paroles de cet éditeur...
Stephane Marsan
09/04/2020 à 17:19
Bonjour, les auteur.e.s publiés par Bragelonne peuvent connaître leurs ventes hebdomadaires sur simple demande auprès de moi ou de la direction commerciale. Ils.elles pourront témoigner que je n'en fais jamais mystère. Toutefois, ces chiffres doivent être accompagnés d'explications car certains paramètres, flux aller, flux net, écoulement, mise en place etc. ne sont pas évidents pour qui n'en est pas familier.
Aïe Aie Aïe
10/04/2020 à 08:13
C'est une bonne initiative... moyenne.
Pourquoi ne pas aller jusqu'au bout ? Prenez-vous les auteurs pour des gens incompétents ? S'ils vont sur une page web dédiée avec toutes les informations ad hoc, ne croyez-vous qu'ils seront capables de se tourner vers vous pour demander ce qu'ils ne comprennent pas ?
Tous les auteurs devraient avoir un accès sur un serveur de l'éditeur avec l'état des ventes « en direct » et ce qu'ils gagnent...
Je ne parle même pas de les payer aussi au mois au regard de ces ventes...
Efforts partagés...
10/04/2020 à 18:42
Aïe Aïe Aïe, je vous trouve même bien indulgent de parler de bonne initiative. Dire que les auteurs ont besoin d'être guidés dans la lecture de leur relevé, c'est déjà témoigner d'une telle infantilisation de la profession ! Ah non, mes excuses, c'est sans doute seulement un loisir, d'où notre supposée incompétence en la matière. On fait ça pour l'amour de l'art et non pour en tirer subsistance. C'est bien connu :red:
Quant aux mailing list de l'un, elles me semblent aussi défaillantes que les relevés annuels de l'autre. C'est tout de même assez cocasse de nous proposer des compte-rendus hebdo quand obtenir les relevés annuels se révèle une lutte de... toutes les années !
Et qu'on ne vienne pas me dire que c'est à l'auteur de réclamer. Parce que si j'ai bonne mémoire, il y est inscrit noir sur blanc dans le contrat le DEVOIR de l'éditeur de porter à la connaissance de son auteur le relevé des ventes dans les six mois suivant la clôture des comptes. Ou seraient-ce encore de ces belles paroles dans le vent ? Il me semblait pourtant qu'en tant que reflet de la volonté des parties, un contrat commercial avait force de loi...
Ne relèverait-il donc pas du professionnalisme du directeur de service de s'assurer que tout est en ordre dans ses rangs ? Plutôt que de faire passer les auteurs pour d'éternels enfants trop turbulents?
D'ailleurs, j'aimerais beaucoup voir la tête de n'importe quel salarié lambda si on lui disait du jour au lendemain "oh non, en fait, on est en retard sur ta feuille de paye. Et pour te payer, on verra. Le contrat ? Quel contrat ? Ah ce truc ? Eh bien en temps de pénurie de papier toilette, on sait au moins à quoi il pourra servir..."
C'est pourtant la réponse qui m'est le plus souvent apportée. En plus poli, mais elle m'amuse toutefois assez peu.