Don McCullough, CC BY 2.0
Le texte qui suit est le fruit d’une concertation avec de nombreux auteurs indépendants, ainsi que d’un travail de synthèse. Il est en quelque sorte la « version 1 » d’une charte pour les auteurs indépendants : chacun est libre de commenter, de proposer des amendements et des améliorations, et surtout de s’emparer du texte pour le faire vivre et le promouvoir. Tout reste ouvert.
UNE CHARTE POUR LES AUTEURS INDÉPENDANTS
L’autoédition est un mot-valise dans lequel toute une profession projette ses aspirations et ses craintes. Il désigne pourtant une réalité simple : grâce à internet, des auteurs écrivent et publient des livres par leurs propres moyens, sans passer par les maisons d’édition.
Ces auteurs indépendants défrichent des chemins souvent délaissés par l’industrie du livre. Ils expérimentent, fabriquent eux-mêmes leurs fichiers, assurent leur propre promotion, s’adressent directement à leurs lecteurs et, grâce à l’impression à la demande, peuvent désormais offrir à leur public des livres imprimés de grande qualité. Ils peuvent surtout envisager de vivre mieux de leur travail, et de le faire d’une manière plus libre. Rien de tout cela n’aurait été possible il y a encore dix ans. Et ils sont de plus en plus nombreux à se lancer à l’assaut de cette terra incognita.
Malheureusement, et bien qu’elle soit de plus en plus prise au sérieux, la publication indépendante est encore trop souvent raillée, notamment quand il s’agit de dénoncer son amateurisme supposé. Cette réputation tenace, en partie vraie parfois, ternit l’image de celles et ceux qui s’évertuent à crédibiliser leur démarche. Mais grâce à la mise en commun des savoirs et des savoir-faire permise par internet, le fossé qui s’était creusé se comble chaque jour un peu plus.
Cette charte pour les auteurs indépendants, née d’une volonté d’union et de concertation, va dans le sens d’une meilleure considération de ce travail. Elle propose une certaine vision de l’autoédition, à travers une série de bonnes pratiques à respecter. Elle condamne fermement toute pratique visant à décrédibiliser ou à affaiblir les auteurs en tant que corporation, unis par des intérêts et des aspirations communs. L’autoédition est une chance : en posant les bases d’un écosystème respectueux de tous, et viable pour les auteurs, elle deviendra une alternative pérenne à l’édition traditionnelle en ces temps de paupérisation, de lutte et de changement.
La charte engage les auteurs qui s’en réclament en la signant.
ORTHOGRAPHE/GRAMMAIRE
- Le respect de l’orthographe et de la grammaire, c’est avant tout le respect des lecteurs : la langue est la passerelle qui relie les imaginaires entre eux. Or s’il est un reproche que l’on a fait à l’autoédition, c’est bien celui d’une trop grande tolérance envers les fautes. Dès lors les signataires de la charte s’engagent à produire :
- une orthographe et une grammaire irréprochables ;
- une relecture attentive afin de veiller à traquer les incohérences (mélange des orthographes classique et révisée, par exemple) ;
- dans l’idéal, et si les finances de l’auteur le permettent, il est recommandé de faire appel à un professionnel de la correction avant publication.
TYPOGRAPHIE
- Respecter les usages typographiques permet aux lecteurs de ne pas se sentir perdus, décontenancés ou visuellement incommodés. Ainsi la charte suggère de :
- favoriser l’utilisation de polices lisibles et agréables (serif pour la fiction, par exemple) et d’éviter les fontes « fantaisie », sauf à les utiliser de manière ponctuelle ;
- supprimer les puces qui parfois remplacent automatiquement les tirets de dialogue (cadratins) dans certains logiciels de traitement de texte ;
- uniformiser le marquage des dialogues, et plus généralement uniformiser tout usage typographique ;
- utiliser les espaces insécables afin d’éviter les retours à la ligne des signes de ponctuation ;
- d’une manière générale, se conformer aux usages typographiques en vigueur (apostrophes informatiques à prohiber, points de suspension, graphie des siècles, des heures, etc.) : en cas de doute, se référer à l’ouvrage « Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie nationale »
MISE EN PAGE
- Une bonne mise en page est une mise en page transparente : elle facilite la lecture, ne gêne pas l’œil et conduit le lecteur d’une page à l’autre par le biais d’une « identité graphique ». La charte recommande de :
- favoriser les mises en page aérées : interlignes suffisamment hauts, marges suffisamment larges (notamment pour les textes imprimés, parfois mangés par la reliure), environ 70 caractères par ligne espaces comprises, etc. ;
- justifier le texte afin de favoriser la lisibilité ;
- apprendre à utiliser les césures, afin d’éviter les lézardes et autres blancs typographiques ;
- proposer une table des matières ;
- faire appel à un professionnel de la mise en page/PAO si l’on ne maîtrise pas le sujet ou que l’on ne souhaite pas soi-même y consacrer du temps et de l’énergie.
ACCESSIBILITÉ
- Favoriser l’accès à la lecture aux publics handicapés doit être une priorité. Ainsi, la charte suggère de :
- favoriser les mises en page accessibles à des publics dyslexiques ;
- respecter les usages concernant les balises et les styles dans les livres numériques afin de rendre les textes accessibles aux logiciels de synthèse vocale, et donc aux publics malvoyants.
COUVERTURE
- La couverture est souvent la première rencontre entre un livre et son public.
- un titre de couverture doit être lisible, y compris si réduit à la taille d’un timbre poste (les lecteurs numériques croiseront probablement une « miniature » avant de voir une couverture à sa taille réelle) ;
- afin d’optimiser sa lisibilité, une couverture doit être suffisamment contrastée ;
- l’auteur doit s’assurer qu’il possède les droits d’exploitation des images qu’il utilise pour illustration, par exemple en passant par des sites certifiés (Shutterstock, Fotolia, etc), en utilisant des images sous Creative Commons, ou en commandant directement une image à un artiste ou un graphiste ;
- si vous faites appel à un artiste, n’oubliez pas de mentionner son nom dans les crédits de l’ouvrage.
MENTIONS LÉGALES
- La loi française oblige à certaines mentions légales sur les ouvrages publiés, qu’il appartient à l’auteur indépendant de respecter au même titre que tous les autres auteurs.
- les livres autoédités sont soumis au dépôt légal à la Bibliothèque Nationale de France. La mention du dépôt légal doit également figurer à l’intérieur de l’ouvrage. Par exemple : « Dépôt légal : janvier 2018 » ;
- l’ISBN doit figurer au dos du livre imprimé ainsi qu’à l’intérieur (mention facultative pour les livres numériques) ;
- le pays d’impression doit également figurer à l’intérieur du livre.
DROIT D’AUTEUR
- Ne pas passer par un éditeur ne donne pas tous les droits, notamment en matière de propriété intellectuelle. Ainsi la charte préconise de :
- mentionner tous les intervenants, depuis la création du texte jusqu’à la fabrication des fichiers imprimables et numériques, dans les crédits de l’ouvrage ;
- s’abstenir de tout plagiat ;
- s’assurer que l’on possède bien les droits d’utilisation de tous les éléments compilés dans l’ouvrage : textes, polices, photographies, illustrations, sons, vidéos, scripts et feuilles de style, etc.
PROMOTION DES OUVRAGES
- Les signataires s’engagent à promouvoir leurs ouvrages de manière respectueuse, à savoir :
- les prises de contact avec les blogueurs et booktubers doivent se faire dans le respect et le consentement mutuel ;
- pas de faux commentaires sur les librairies en ligne ;
- pas de système de remontée artificielle dans les classements des meilleures ventes ;
- pas de campagne d’envois massifs de messages privés, ou de mails non sollicités ;
- bien sûr, aucun harcèlement de lecteurs, de blogueurs ou de booktubers.
MISE EN VENTE
- La charte ne préconise ni n’interdit l’usage d’aucune plateforme de mise en vente. Elle met toutefois en garde contre la tentation, parfois grande, de privilégier un revendeur plutôt qu’un autre, et de contribuer ainsi à renforcer des positions dominantes, voire des monopoles. Dans l’idéal, un livre autoédité devrait être disponible dans toutes les librairies en ligne afin de laisser le choix au lecteur.
TUTORIELS
- Afin de pérenniser l’usage de cette charte, des ressources en ligne, idéales pour se former et respecter les conditions de la charte, seront progressivement mises à disposition :
- la liste demeure à compléter
3 Commentaires
wattoo
15/10/2018 à 12:02
Faire une telle charte c'est déjà rejeter ceux qui ne la connaissent pas ou qui ne veulent pas y adhérer et donc les stigmatiser et renforcer encore plus ce pour quoi vous lutter à savoir la méfiance des "autres" sur l'auto-édition (d'ailleurs si vous choisissez l'auto-édition c'est que vous ne voulez pas du système classique de l'édition donc je me fous de savoir si les éditeurs et autres bien pensants de la filière ne considère pas mon travail). Mettre des règles ou une charte c'est déjà aller à l'encontre de la liberté de chacun de choisir l'auto-édition et faire ce qu'il veut (je ne dis pas de faire n'importe quoi) avec son livre. Si je choisis de ne publier que chez Amazon, c'est bien parce que le système de distribution des livres en librairies est totalement fermé aux auteurs auto-édité surtout quand ils sont des particuliers et non pas des auto-entrepreneurs.
Bref, je rage de devoir encore une fois être stigmatisé par d'autres auteurs qui voulant bien faire (?) m'écartent d'une charte qui ne représente pas tous les auteurs puisse que le principe même de l'auto-édition c'est la liberté...
koinsky
16/10/2018 à 06:46
Le propre de la médiocrité c'est de vouloir créer un cadre pour y piéger le talent qu'elle n'a pas. Le propre de la cupidité c'est de vouloir le contraindre (le dresser) à servir son intérêt. Les 2 font la paire. Donc on peut être à la fois intelligent et con comme la lune.
Jean-Patrick Beaufreton
16/10/2018 à 08:05
Le contenu de la charte me rappelle ce que de nouveaux auteurs me demandent sous prétexte que je suis passé par là. Ce document semble plein de bon sens.
Je ne le ressens pas comme une contrainte mais un engagement, des repères, presque une liste de contrôles.
Ceci dit, sa formulation est parfois vague, voire négative (ex : "une couverture doit être suffisamment contrastée" ou "Ne pas passer par un éditeur ne donne pas tous les droits"). Un engagement est clair pour que l'interlocuteur (client ou libraire) sache à quoi on s'engage (ex : s’abstenir de tout plagiat => garantir être le créateur).
Parmi les outils mis en avant, j'aimerais qu'on m'explique ce qu'est un framework rétrocompatible ? Je suis allé voir, mais moi pas speaker english !
Libre Office et son additif Grammalecte sont des outils bien pratiques pour assurer une mise en page sans se prendre la tête.
Bien sûr, il existera toujours des "indépendants à l'indépendance", la charte ne saurait être une obligation, et ces irrésolus assumeront leur choix et ses conséquences : je ne parle pas anglais, je me prive des informations et textes en cette langue, mais je n'interdis pas aux autres de parler cette langue... et on vit tous en harmonie.