Les stéréotypes visant les femmes et les hommes, auxquels l'on attribue souvent les mêmes qualités ou défauts, s'identifient facilement dans les films, plus rarement dans les livres. Pourtant, comme l'a décelé une intelligence artificielle qui a « lu » 3,5 millions de livres, des schémas très répétitifs se retrouvent aussi dans la littérature mondiale : les femmes y sont « belles » et « exquises », quand les hommes sont plus facilement « courageux » ou « violents »...
Le 30/08/2019 à 12:50 par Antoine Oury
Publié le :
30/08/2019 à 12:50
Une équipe de chercheurs venus du Royaume-Uni, des États-Unis et du Danemark a entrepris une recherche dont les conclusions se sont révélées plus spectaculaires que prévu. Pour étudier la manière dont sont qualifiés les hommes et les femmes dans les livres, ainsi que les différences de traitement selon les sexes, les cinq chercheurs ont fait « lire » à une intelligence artificielle un corpus de 3,5 millions de livres numérisés.
Quelque 11 milliards de mots à lire, donc, à analyser et à classifier, pour n'en retenir qu'une poignée, 92 millions environ, des verbes, des noms et des adjectifs permettant de qualifier les traitements réservés aux personnages féminins et masculins.
Ainsi, l'intelligence artificielle programmée par ces chercheurs a pu compiler les adjectifs et leur fréquence d'utilisation, tout en relevant à quel genre, féminin ou masculin, ils étaient associés. Malheureusement, les résultats ont dépassé les attentes, puisque les chercheurs avaient émis l'hypothèse que les personnages féminins seraient bien plus souvent qualifiés par leurs corps.
Du côté des adjectifs positifs, les personnages féminins sont servis en matière de compliments sur leur physique : les femmes, dans les livres étudiés, sont « mignonnes », « belles », « charmantes », « attirantes », « élégantes », « magnifiques »... Toutes les variations sont présentes. Chez les hommes, la force n'est pas citée, mais les attributs chevaleresques sont au rendez-vous : ils sont « dignes de confiance », « aventureux », « valeureux », « téméraires » et « rationnels ».
Pour les défauts, les hommes sont « mauvais », « stupides », « faibles » « violents » ou encore « démoniaques ». Les personnages féminins sont qualifiés d'« horribles », de « malheureuses » ou encore de « maudites » : les différences sont plus faibles, mais toujours visibles : deux adjectifs relatifs au corps et à l'attitude corporelle (« moche » et « frigide ») sont présents dans la liste. On retrouve aussi des qualificatifs discutables, comme « hystérique », « sans mari » ou encore « veuve », qui se voient marqués d'une connotation négative.
Les adjectifs relatifs au corps, qu'ils soient positifs ou négatifs, sont le plus souvent reliés à des personnages féminins, indique l'étude, tandis que chez les personnages masculins, on a souvent plus de mal à communiquer, avec des adjectifs négatifs plus fréquents sur ce thème.
Plusieurs limites à l'étude empêchent toutefois une interprétation radicale des résultats, précisent les chercheurs : le corpus utilisé est ainsi un peu daté, et ne reflète pas l'état de la littérature contemporaine, quand certaines subtilités de style peuvent aussi rester hors de portée de la machine. Le propre de la littérature et des auteurs les plus inventifs étant aussi de se jouer de ses stéréotypes au sein d'un même texte...
L'étude, signée par Alexander Hoyle, Lawrence Wolf-Sonkin, Hanna Wallach, Isabelle Augenstein et Ryan Cotterell, est accessible à cette adresse.
via Futurity
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