La magie du roman policier, c’est la prestidigitation : comment l’auteur escamote à la vue de tous les indices, pourtant évidents? Le Meurtre de Roger Ackroyd, d’Agatha Christie (trad. Françoise Jamoul), serait à ce titre, l’un des meilleurs de la Britannique. Mais également le plus grand échec d’Hercule Poirot...
Oscar F. Hevia, CC BY NC ND 2.0
Roger Ackroyd, assassiné par [NO SPOILER] verra son meurtrier effectuer le récit même de sa mort. Et le crime n’est avoué que dans le dernier chapitre, alors même que tout a conduit à la révélation finale. Et ce, parce que les indices sont légèrement dissimulés, le lecteur suit l’intrigue, dans savoir vraiment où il arrivera.
C’est cette capacité à aiguiller sur de mauvaises pistes, en masquant une partie des éléments qui fait la force de Christie, reprend un article du Guardian. Et qui a tant séduit des générations, et des auteurs, comme TS Eliot.
Le meurtre de Roger Ackroyd n’en est pas à son coup d’essai : depuis 1926, et sa réception laudative dans la presse, l’ouvrage a toujours attiré de belles critiques. Pour le New York Times, à l’époque, c’était un ouvrage avec une intrigue supérieure.
Et plus récemment, la Crime Writers' Association lui a décerné le titre de meilleur roman policier jamais écrit. S’entretient même une légende qui voudrait, tout au contraire, que la critique n’apprécie pas le livre et que les lecteurs soient doucement agacés par la complexité du dénouement.
Or, il semble bien que TS Eliot ait adoré Christie, même si aucun document ne permet d’en attester formellement. Tous deux furent contemporains – Eliot est né en 1888, Christie en 1880 – et dans l’un de ses textes théoriques sur la perfection d’un roman policier, il semble établir les bases des livres de Christie.
Il évoque, en cinq points les lois essentielles du genre, en évoquant surtout le livre The Moonstone de Wilkie Collins :
Ne pas reposer sur des intrigues élaborées ou incroyables
Le personnage et les motivations du criminel doivent rester cohérents
L’histoire ne doit s’appuyer sur aucun phénomène occulte, ni, ce qui revient au même, des découvertes mystérieuses et absurdes faites par des scientifiques solitaires
Une machinerie élaborée et étrange n’est pas nécessaire
Le détective doit être très intelligent, mais pas surhumain
Un véritable portrait-robot des romans de Christie, où les choses se passent en finesse, avec des mensonges qui ne sont que des réalités omises. Toute l’élégance et la subtilité des sillons que trace l’auteure nous permettent en effet de ne pas nous sentir idiots quand vient le temps de la révélation...
Tout est dans le suspens...
via Guardian
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