Pour assurer une présence efficace des livres dans les prisons, les coordinateurs culturels exercent un rôle crucial. Leur fonction, essentielle dans les échanges, permet de maintenir une cohésion entre les services. En Bretagne, la plupart sont membres de la ligue de l’enseignement.
Le 03/08/2017 à 08:54 par Auteur invité
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03/08/2017 à 08:54
Alexander C. Kafka, CC BY SA 2.0
Après 15 ans de fonction, Catherine Gloaguen vient de quitter son poste de coordinatrice culturelle dans les prisons d’Ille-et-Vilaine, au mois de mars dernier pour d’autres horizons. En 2002, elle avait commencé par un emploi-jeune au Centre pénitentiaire des femmes, sous l’égide du ministère de la Justice, puis en tant que contractuelle, au sein de la Disp.
Son rôle : la coordination culturelle, la gestion des bibliothèques et la médiation du livre dans les établissements pénitentiaires de Rennes. Et quand la Ville a décidé d’externaliser les postes de coordination en faisant appel à la Ligue de l’enseignement, elle est devenue coordinatrice sur l’ensemble du département d’Ille-et-Vilaine.
« Ces fonctions de bibliothécaires spécialisés sont indispensables. Et ils ne peuvent pas être seulement gérés par la Ministère de la Justice. » Grâce à la signature d’une convention entre la Ville de Rennes et la Bibliothèque d’Ille-et-Vilaine, ils ont pu se concrétiser.
« À la prison de Saint-Malo, par exemple, la bibliothèque était prise en charge par des bénévoles du Secours catholique, qui faisaient ce qu’ils pouvaient. Alors qu’à la prison des femmes de Rennes, la volonté d’une directrice très motivée a permis la construction d’une médiathèque dès 2000. Un super outil, qui a donné lieu à un chantier-école, encadré par les Compagnons du devoir. À Nantes, nous avions une chargée de mission livre et lecture pour tout le Grand-Ouest.
C’est elle qui m’a formée aux métiers du livre. À Rennes, j’ai eu la chance de travailler pendant quinze ans avec Marie-Annick Marion, qui m’a permis de me perfectionner. Et je n’oublie pas le travail de Muriel Piffeteau, dans le développement des collections pour la Maison d’arrêt Jacques Cartier.
Mais une seule personne pour la coordination, entre la prison de femmes et Jacques Cartier, c’était insuffisant. À la fin 2007, le Ministère de la Justice a lancé un appel d’offres qui a été remporté par la Ligue de l’enseignement qui avait déjà une grande expérience dans ce domaine, et deux postes ont été créés, englobant aussi Saint-Malo. »
Un véritable service de lecture publique a pu ainsi être mis en place en milieu carcéral, avec une diversité et un renouvellement de l’offre, ainsi que des animations récurrentes, autour de Lire en fête, du Printemps des poètes, d’Étonnants Voyageurs et de Quai des bulles pour Saint-Malo.
Pour Catherine Gloaguen, ce temps de médiation est indispensable, notamment avec cette complémentarité entre bibliothécaires et compagnies de théâtre qui mettent en scène le livre et la lecture et dynamisent ainsi les initiatives. Le Smae (Service Médiation et Action Éducative) des bibliothèques de Rennes, qui développe des partenariats et des actions autour de la lecture et du livre, a pour objectif de favoriser l’accès aux livres dans tous les lieux de vie et de toucher des publics éloignés de la lecture. Il est doté d’un fonds de 90 000 documents.
« Il a évolué dans ses missions, avec des actions ciblées sur les quartiers, par exemple celle axée sur le bien-être. Là, on voit se mettre en place, y compris en milieu fermé, ce concept de troisième lieu. Et clairement, cela part d’une volonté politique de la Ville. » À Saint-Malo, la mairie a mis à disposition une bibliothécaire, un jour par semaine.
« Bien sûr, tout n’est pas simple. Par exemple, quand on voit disparaître les DVD, et que chaque DVD coûte 80 euros, il devient impossible de proposer des DVD. Mais quand même, l’administration pénitentiaire avait cinquante ans de retard et elle est en train de les rattraper. Et pour les bibliothèques, le fait de prendre en compte les publics empêchés est devenu normal. Je trouve aussi que ces services sont de plus en plus reconnus par les personnels des établissements pénitentiaires. »
Les services publics ont leur place dans les prisons : l’hôpital pour les questions de santé, l’Éducation nationale pour l’enseignement et les bibliothèques publiques pour le livre.
« J’ajouterais que, chez nous, il n’y a aucune censure sur les livres, à part sur les sectes. En ce qui concerne les livres en arabe et les livres religieux, par exemple, nous avons un responsable de l’aumônerie musulmane pour le Grand-Ouest, Mohamed Loueslati. Il est par ailleurs l’auteur d’un livre intitulé L’Islam en prison. Le libre accès au culte est un droit, comme l’accès au livre et à la nourriture. »
Au moment de tourner la page, Catherine garde le souvenir « de beaucoup de rencontres et de moments forts. Et je trouve qu’il y a eu un sacré chemin de fait. Il faut faire vivre tout ça en ayant des ambitions, ne pas s’endormir, mais toujours tirer vers le haut. Ça reste fragile, parce que nous avons affaire à des gens fragiles. D’où l’importance des animations, pour dynamiser les outils mis en service. Avec le festival Rue des livres, on voit que les auteurs de polars intéressent beaucoup les détenus. Les auteurs de films documentaires aussi, quand ils racontent leur cheminement, les galères pour arriver au bout de leurs projets. Et c’est réciproque : les auteurs aiment bien intervenir en prison. »
par Gérard Alle
en partenariat avec Livre et lecture en Bretagne
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