Besoin de comprendre, besoin de trouver un sens, besoin de se rapprocher. Cette année plus que toute autre, pour la rentrée littéraire, les éditions Belfond ont eu à cœur de présenter des livres ancrés dans la réalité du monde. Revenir sur l’histoire et ses zones d’ombres, interroger la condition des femmes et des genres, avoir le courage d’être soi, envers et malgré tout. Les trois titres français de la rentrée littéraire Pointillés présentée par les éditions Belfond placent le lecteur sous le signe du dialogue et de la parole libérée.
Charlie a quinze ans. Les deux dernières années qui viennent de s’écouler ont bouleversé sa vie, plus surement qu’un tremblement de terre. Deux ans durant lesquels sa famille a volé en éclats, depuis ce jour, il y a deux ans, durant lequel son père a avoué, dit, confié. Charlie a quinze ans. Aujourd’hui, il est dans une salle d’attente avec sa mère. Quatre heures vont s’écouler, le temps d’une opération. Il ne pourra plus jamais appeler son père Papa. Quand il sortira du bloc, il s’appellera Alice.
Dans quatre heures, Papa aura disparu. Une mort, pas vraiment. Une absence pour toujours. Quatre heures, comme le temps d’un pique-nique. C’est court. Parfois long, comme un film hongkongais primé à Venise ou un repas chez les grands-parents une fin de dimanche, quand la carcasse du poulet gît dans l’huile. Mais parfois, paf ça va vite. Ce sont deux cours vivifiants de biologie lorsqu’on observe à la loupe des kératinocytes. Disparaître en quatre heures, est-ce un record ? Ce serait ça de pris. Une place dans le Guinness. Un trophée ou une médaille à ruban pour un troc de vie. Sauf que Papa déteste porter des colliers. Papa. Est-ce que je pourrai encore l’appeler comme ça ?
Julien Dufresne-Lamy signe à 32 ans un cinquième roman doux et audacieux, profondément juste, sur la transidentité et la famille. La bouleversante histoire d’amour d’un clan uni qui, ensemble, apprend le courage d’être soi.
Son précédent roman, Jolis jolis monstres (Belfond, 2019), a reçu le Grand Prix des blogueurs et le prix Millepages. Il est également auteur pour la jeunesse.
Elle est au seuil de sa vie. A 76 ans, sachant à peine lire, écrire, elle convoque une main pour écouter et dire. Dire son destin ravagé, sa vie irracontable.
Lebensborn : pouponnières idéales imaginées pour fournir le contingent nécessaire au IIIe Reich millénaire en exemplaires dument estampillés aryens. C'est ici qu'elle est née, et a été promise à la gloire des tout-puissants, Hildegard Müller est devenue la lie, fille aryenne sans racines, puisqu’Himmler prendra soin avant la fin de brûler toute trace de ces milliers d’orphelins.
Je m’appelle Hildegard Müller. Ceci est mon journal. Il y a eu le journal d’Anne Franck et maintenant il y a le journal d’hildegard Müller. On me l’a lu, le sien. Nous parlons de la même chose. Nous sommes toutes les deux des enfants victimes du Troisième Reich
[…]
Je suis frappée par la similarité de nos destins, à Anne Frank et à moi. Comme elle, je suis une victime du Reich. C’est la seule chose dont je suis certaine. Les Juifs obligés de se cacher, et les enfants de SS qu’on cache, ça a commencé à peu près à la même époque. Bien avant la guerre. La famille Frank débarque à Amsterdam en 1934. Le projet Lebensborn date de 1935. Le sombre projet de remplacer la race inférieure par la race supérieure. La seule race que les SS aient créée est la race des orphelins. Je m’appelle Hildegard Müller. Ceci est mon journal. Le Troisième Reich m’a enfantée. Je suis une oubliée de l’histoire. La seule race que les SS aient créée, c’est la race des orphelins.
Comment assouvir la quête d’origine, transmettre sans ascendance, les racines étant trempés d’un sang indicible, celle de la tragédie méconnue de ces enfants frappés du sceau de l’infamie, victimes innocentes et expiatoires d’une folie sans nom ?
Oscar Lalo a passé sa vie à écrire : des plaidoiries, des cours de droit, des chansons, des scenarii... Après Les Contes défaits (Belfond, 2016), il poursuit avec ce deuxième roman son hommage à la mémoire gênante, ignorée, insultée parfois, toujours inaccessible. Et nous plonge dans la solitude et la clandestinité d’un des secrets les mieux gardés de la Seconde Guerre mondiale.
Tout lui réussissait : argent, prestige, une réussite professionnelle insolente. Toujours en avance, parfois y compris sur elle-même.
Pourtant, à 29 ans, son cancer du sein récemment annoncé va se révéler un point de départ. Déviante, avec le goût du saccage, y compris de sa propre existence pour pouvoir enfin réaliser ses rêves, se réaliser. Y parvenir, une seule fois. Avec dans son sillage Iris et Lolita, atteindre tous les possibles.
Elle sera devenue une trouble-fête une anomalie.
Mais peu lui importera.
Elle aura retrouvé autre chose.
Quelque chose de léger et de précieux, qu’on ne possède souvent qu’une fois dans sa vie, sans même en réaliser la valeur.
Une forme d’innocence.
De confiance béate et infantile en ce qui s’ensuivra.
Le goût des saccages.
À elles trois, elles incarnent une jeunesse qui refuse de se laisser abîmer, une vocation en marche et, surtout, la possibilité de nouvelles trajectoires.
Née à Paris en 2000, Capucine Delattre est étudiante à Sciences Po. Avec une écriture vibrante et incarnée, Capucine Delattre nous entraîne dans l’étonnante odyssée de trois jeunes femmes et signe, à 19 ans, un premier roman à réveiller les vivants.
Oscar Lalo – La race des orphelins – 9782714493484 – 18€
Julien Dufresne-Lamy – Mon père, ma mère, mes tremblements de terre – 9782714493118 – 17 €
Capucine Delattre – Les déviantes – 9782714494009 – 17€
Paru le 20/08/2020
279 pages
Belfond
18,00 €
Paru le 20/08/2020
249 pages
Belfond
17,00 €
Paru le 20/08/2020
260 pages
Belfond
17,00 €
1 Commentaire
LOL
03/09/2020 à 08:29
Je résume : LGBT,nazi et déviantes...
Heureusement que les éditeurs cherchent des thèmes forts et originaux. Si vous voulez vous faire éditer, vous savez ce qu'il vous reste à écrire...