L’auteure, traductrice et dramaturge chinoise Yang Jiang, plus largement connue pour ses ouvrages dans lesquels elle décrit la condition du peuple chinois durant la Révolution culturelle, s’est éteinte à l’âge de 104 à Pékin, le 25 mai dernier. Épouse de l’auteur Qian Zhongshu, elle était également reconnue dans le pays pour sa traduction de Don Quixote en chinois.
Domaine public
Née à Pékin le 17 juillet 1911 (dernière année avant que la dynastie impériale ne soit renversée) Yang Jiang a été diplômée des universités Soochow (Suzhou, Jiangsu, Chine), l’université de Tsinghua (Pékin, Chine) — où elle rencontre son futur mari —, l’université d’Oxford (Londres) et l'université Panthéon-Sorbonne (Paris).
Revenue en Chine cinq ans après la fin de ses études, Yang Jiang (qui s’était mariée à Qian Zhongshu entre temps) a sorti sa première pièce « anti-romantique » As You Wish (1944) suivie de Taking True or False (1945) et de Quilts in the Wind (1947). Celles-ci ont rencontré un succès inattendu et inespéré, alors que la dramaturge débutait à peine sa carrière. (via The Washington Post)
Bien avant que la Révolution culturelle de Mao n’éclate, le couple était déjà très apprécié par le public. Qian Zhongshu, lui, était surtout connu pour son roman satirique Forteresse Assiégée (1947), mais aussi pour ses manuscrits de non-fiction qui comprenaient un grand nombre de citations en langues chinoises et occidentales.
Yang Jiang s’est quant à elle forgé une place au rang des personnages adulés par la population pour ses traductions de Lazarillo de Tormes (1951), Gil Blas (1956) et Don Quichotte (1978) et pour ses travaux universitaires menés en Chine, qui ont fortement contribué au développement de la culture littéraire chinoise.
Cependant, comme beaucoup d’universitaires et d’artistes formés à l’étranger, Yang Jiang et son mari Qian Zhongshu ont été expédiés pendant plusieurs années dans la province du Henan (Chine) pour y effectuer « la réforme du travail » imposée aux intellectuels, auteurs et artistes chinois.
Elle a d’ailleurs connu plusieurs décennies de gloire à travers le pays pour ses œuvres littéraires Six Chapters from My Life « Downunder » (1981), Baptism (1988), et We Three (2004), dans laquelle elle rappelle des épisodes douloureux de sa vie, tels que la mort de son mari et sa fille Qian Yuan, décédée d’un cancer un an avant son père (1997). L'ouvrage a été vendu à plus d'un million d'exemplaires. (via China.org)
Elle fait partie des intellectuels et écrivains qui n’hésitent pas à coucher sur le papier une vision crue de la Révolution culturelle, et de la politique du Grand Bond en avant, institués par Mao Tsé-Toung en Chine. Intitulée la littérature des cicatrices, cette forme d’écriture critique, directe et très crue permet aux Chinois comme aux étrangers de se rendre compte de l’horreur de la politique chinoise durant cette époque.
Avec ses mémoires Six Chapters from My Life « Drownunder », elle raconte ses années passées dans le Henan. Tout en proses et en discrétion, l’auteure retrace son quotidien, sans adopter le ton mélodramatique souvent employé dans les mémoires portant sur la Révolution culturelle. Elle y évoque sa vie de tous les jours, banale par rapport à la vie qu’elle menait autrefois à Pékin.
Cependant, la littérature des cicatrices est loin d’avoir brisé toutes les barrières et les tabous imposés par le gouvernement chinois. En mai 2015, une vague de censure sévissait encore dans le pays. Étaient incriminés les ouvrages évoquant les gays et lesbiennes, des versions traduites de livres traitant du Tibet, de Taïwan, ou des répressions sur la place Tian’anmen en 1989.
En France, plusieurs textes de Yang Jiang ont été publiés aux éditions Christian Bourgois, dont Le Bain et Mémoires décousus.
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