Exclusif : On se souvient de la situation plutôt cocasse, peu après l'adoption de la loi dite « Anti-Amazon », fêtée en grande pompe au ministère de la Culture. Ce dernier avait oublié de notifier la Commission européenne, pour obtenir son avis sur le texte proposé. Une procédure obligatoire, sous peine de voir la loi frappée d'inapplicabilité. Et la Commission vient de rendre son verdict...
Le 16/04/2014 à 17:35 par Antoine Oury
Publié le :
16/04/2014 à 17:35
Aurélie Filippetti, lors de la présentation à l'Assemblée nationale
La Commission européenne est claire et précise : deux avis circonstanciés ont été reçus, pour l'instant, en réponse à la présentation de la loi, comme le veut la directive 98/34/Ce - celle qui impose aux États membres de notifier l'autorité et les homologues européens.
Deux avis circonstanciés émis, l'un émanant de la Commission européenne, ce qui n'est pas étonnant, l'autre des autorités autrichiennes, qui font donc elles aussi valoir des « objections fortes » à cette loi. Et tout porte à croire que les objections en question portent bel et bien sur une entrave à la libre circulation des biens.
Pour rappel, la procédure d'information préalable fournie par le Sénat, elle, est bien publique, et intégrée à la fin de cet article : on remarquera que le projet d'interdiction du cumul des 5 % de remise sur le prix du livre et de la gratuité occupe tout autant d'espace que le projet de réforme du Code de la Propriété intellectuelle pour le contrat d'édition numérique. Impossible de savoir si les avis circonstanciés portent sur cette dernière, même si cela semble douteux.
Quant à la loi Anti-Amazon, elle est ainsi motivée par le ministère : « la pratique de la livraison gratuite à domicile par certains opérateurs » fragiliserait l'équilibre imposé par la loi de 1981, et le cumul des 5 % et des frais de port gratuit est perçu par le consommateur « comme économiquement plus avantageux, ce qui introduit une confusion dans sa compréhension de la loi de 1981 ». On conçoit que juger ce que le consommateur pense ou doit penser ne plaise pas foncièrement à une Commission européenne essentiellement libérale.
En raison de ces avis circonstanciés, le délai de statu quo est donc prolongé, essentiellement pour permettre aux autorités françaises, à leur tour, de répondre aux commentaires, observations, remarques et autres demandes de précision émanant de leurs interlocuteurs. D'après la Commission européenne, le statu quo est prolongé jusqu'au 18 juillet 2014, mais une source proche du dossier nous indique qu'il pourrait s'agir d'une erreur de saisie, et que le 19 mai serait logiquement le délai prolongé du statu quo.
Enfin, dernière étape de cette procédure 98/34, la Commission devra à nouveau commenter les réponses françaises. Cette dernière étape n'empêche en rien la mise en application de la loi, mais il est admis, pour des raisons diplomatiques, qu'il est toujours bon d'attendre la dernière réponse de la Commission...
D'ici là, donc, la loi, et le contrat d'édition numérique qui lui est lié, seront retardés. Et puisque la Commission n'indique pas de délai pour sa dernière réponse, cela pourrait prendre un moment. Espérons que 2014 suffira, tout de même.
D'autres avis pourraient survenir, jusqu'au 22 avril prochain. Dans tous les cas, la procédure 98/34 n'est pas bloquante : cela signifie qu'un État membre est libre d'appliquer la législation, même si la Commission ou d'autres États émettent des objections : au risque, toutefois, de se voir sanctionner par une procédure d'infraction...
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