Cinquante-quatre traducteurs ont uni leurs forces pendant sept ans pour élaborer une version modernisée de La Bible Saint James : constituée de mille cinq cent vingt pages, elle pourrait relancer les ventes des libraires australiens. Et rappeler de sanglants souvenirs.
Le 26/04/2011 à 16:34 par Clément Solym
Publié le :
26/04/2011 à 16:34
Les lecteurs australiens achètent massivement la nouvelle version de la Bible du roi Jacques, pourtant vendue cent vingt dollars. Les libraires se réjouissent. (via SMH)
Des ventes miraculeuses
Quelques changements sont apportés : en conformité avec le dogme protestant, Marie est qualifiée de « jeune femme », et le vocabulaire a été actualisé. Certains estiment toutefois qu'il s'agit avant tout d'une opération commerciale : « La Bible n'a pas besoin d'être modernisée ! », assure Claire Tremblay, conseillère à la Société biblique de Montréal. (via Le Post)
Le site officiel vante la portée spirituelle de cette Bible : « Ses paroles inspirées ont apporté la paix, la joie et l'espoir à des millions de personnes et est considérée aujourd'hui comme l'une des traductions les plus exactes. »
Mais fêter les quatre cents ans de sa création semble exagéré à plus d'un titre. Dans l'Histoire de la Grande-Bretagne (Armand Colin, 1980), Roland Marx rappelle qu'à sa création en 1611, la Bible du roi Jacques est un symbole d'absolutisme et de répression !
Un message extrêmement ambivalent
En effet, le roi (1603 – 1625) exige en 1604 « une seule doctrine et une seule discipline, une seule religion dans les dogmes et les rites. » Imposer une traduction unique de la Bible en anglais pour toutes les églises participe à la construction d'une monarchie absolue. Le roi concentre alors tous les pouvoirs ! Dès 1610, Jacques I instaure donc une monarchie épiscopalienne : la fréquentation dominicale de l'église paroissiale est obligatoire sous peine d'amende ! Comme des dissidents baptistes, congrégationnistes, presbytériens, puritains, et autres indépendants prétendent avoir le droit d'exister, les contrôles et la répression sont renforcés et aggravent les tensions.
Le successeur de Jacques I, Charles I, continue la politique de son père, de 1625 à 1649. Les pamphlétaires puritains Prynne, Bastwick et Burton sont condamnés à avoir les oreilles coupées en 1637 ; ils sont aussi marqués au fer rouge des initiales de « Seditious Libeller ».
Face à tant de magnanimité et d'humanisme, les communautés puritaines s'enfuient en Hollande et dans les colonies. La pression spirituelle de ce règne suscite un sentiment de révolte latent, qui entraîne la rébellion de 1640. Lors de cet événement, on répète l'épigramme de Prynne l'essorillé : « Je reviens triomphant ; mon visage porte les cicatrices brûlantes de mes louanges, de mon sacrifice pour remercier Dieu ! » Neuf ans plus tard, suite à une révolution, Charles I est décapité.
Fêter bruyamment l'anniversaire de la Bible « King James » n'est-ce pas, dès lors, un peu audacieux ?
Commenter cet article