Le ministre de la Culture de Suède vient de s’attirer les foudres du pouvoir chinois. En choisissant de récompenser Gui Minhai par un prix des droits de l’Homme, c’est un ressortissant et dissident que le pays salue. La section suédoise du PEN — organisme de défense de la liberté d’expression — l’a consacré avec le prix Tucholsky.

Guy MInhai
Gui Minhai, cet éditeur sino-suédois, honni par l’Empire du Milieu, se retrouve lauréat 2019 du prix de la liberté d’expression, remis par le PEN suédois. Et ce, alors qu’il est actuellement emprisonné en Chine.
Cette récompense, créée en 1984, porte le nom de l’Allemand Kurt Tucholsky, qui avait demandé l’asile politique à la Suède, fuyant l’Allemagne devenue nazie dans les années 30. Des écrivains comme Salman Rushdie, Taslima Nasreen ou Svetlana Alexievich l’avaient reçu par le passé.
Une certaine idée de la rancoeur
Gui Minhai a publié de multiples livres et articles contre les dirigeants politiques chinois : il animait une librairie à Hong Kong, et lors de vacances en Thaïlande, en 2015, a subitement disparu. Quelque temps plus tard, il était apparu à la télévision pour des confessions qui avaient ému l’opinion internationale, et laissé planer de sérieux doutes quant à leur réalité.
Libéré en octobre 2017, il avait été de nouveau arrêté lors d’un voyage en train, alors qu’il se rendait à Beijing avec des diplomates suédois.
« Les personnes au pouvoir ne devraient jamais se permettre d’attaquer la liberté d’expression artistique ou autre », indiquait durant la cérémonie Amanda Lind, ministre de la Culture et de la Démocratie. Une chaise vide représentait alors symboliquement l’écrivain, au cours de la soirée qui se déroulait à Stockholm.
Selon l’ambassadeur de Chine en Suède, Gui Congyou, Gui Minhai n’a rien d’un auteur persécuté : il serait bien plutôt un criminel, qui a commis de graves infractions en Chine et en Suède.
The Swedish publisher Gui Minhai receives Swedish PEN’s 2019 Tucholsky prize. It has been over 1,400 days since Gui Minhai was imprisoned in China. This is a letter to him written by his publisher colleague @egedin. “You cannot hear us but we are here.” https://t.co/6BNw9I8kHA pic.twitter.com/SFEQu3yb0x
— Svenska PEN (@PENsweden) November 4, 2019
Échanges de politesses courtoises
Mais le Premier ministre du pays, Stefan Löfven, ne l’entend pas de cette oreille, et maintient le prix. « Nous n’allons pas céder à ce type de menace. Jamais. Nous avons la liberté d’expression en Suède, c’est comme ça, point à la ligne », a-t-il déclaré lors d’une intervention à la télévision.
« La Chine s’oppose résolument à l’attribution par le PEN suédois d’un prix allant à un criminel et un fabricant de mensonge », a poursuivi l’ambassadeur. Or, si la Suède doit se mettre en froid avec la Chine, ce n’est manifestement pas non plus problématique. Le pays maintient sa position et continue de réclamer la libération de son citoyen.
De son côté, l’ambassadeur assure que la Chine prendra certainement des mesures, avertissant que « certaines personnes en Suède ne devraient pas s’attendre à pouvoir être à l’aise, après avoir ainsi blessé le peuple chinois ».
De toute évidence, cet épisode ne pourra qu’aggraver les relations entre les deux États, qui depuis plusieurs années — justement du fait de l’arrestation arbitraire de Gui Minhai — n’étaient pas vraiment au beau fixe. Le symbole porté par la récompense littéraire n’en est que plus fort, et le pays scandinave tient bon, malgré une évidente absence de réaction à l’international.
Le prix Tucholsky est doté d’un montant de 150.000 couronnes suédoises (soit quelque 14.000 €).
Avec AFP.