Paru en fin d’année dernière, Capital et idéologie ne sera pas distribué en Chine. L’éditeur chinois de Piketty souhaite que les passages qui ciblent directement le pays soient supprimés, ce que l’économiste a catégoriquement refusé.
Publié en 2013, Capital au XXIe a été un véritable succès en Chine où il s’est vendu à des centaines de milliers d’exemplaires. Le président Xi Jinping lui-même a fait l’éloge de cet essai qui propose une critique approfondie du capitalisme moderne et des inégalités qu’il génère.
Mais Capital et idéologie, le nouveau livre de l’économiste paru aux éditions du Seuil en septembre dernier, semble de moins en moins susceptible d’avoir le même succès. L’ouvrage n’a en effet pas encore été distribué sur le territoire en raison des demandes de l’éditeur chinois de Piketty, Citic Press Group : il souhaite que toutes les parties du livre liées aux questions chinoises soient supprimées.
Le Parti communiste garde un contrôle strict sur ce qui peut être publié ou partagé en ligne et la censure est souvent une condition préalable à la publication d'ouvrage politique. Le nouveau livre de l’économiste français ne lance pas une charge contre le pays, – plusieurs passages sont consacrés aux inégalités croissantes et à l’opacité des données officielles sur la répartition des revenus et des richesses. Tout ce qui, en somme, gangrène la République populaire.
Des analyses comme : « Nous nous trouvons donc au début du XXIe siècle dans une situation hautement paradoxale : un milliardaire asiatique qui voudrait transmettre sa fortune sans payer de droits de succession devrait s’installer en Chine communiste », ne seront, en effet, sans doute pas du goû du parti.
Piketty a déclaré au Guardian que Citic Press avait envoyé à son éditeur français une première liste de 10 pages concernant des coupes à effectuer, ainsi qu’une autre liste pour l’édition anglaise. « J’ai refusé ces conditions et leur ai dit que je n’accepterai qu’une traduction sans aucune coupure. D’autres éditeurs chinois, qui ont été en contact avec mon éditeur français Le Seuil, ont également déclaré qu’il y aurait des coupures, donc à ce stade, il semble que le livre ne sera pas publié en Chine continentale. »
Citic Press a de son côté confirmé au South China Morning Post que les négociations sur les droits d’auteur du livre étaient toujours en cours. Le travail Piketty reste très apprécié par le gouvernement chinois : pas plus tard que ce mois-ci, Xi Jinping saluait une réflexion « digne de notre attention ».
Cependant, comme le rappel Dali L. Yang, professeur de sciences politiques à l’Université de Chicago, si Piketty est reconnu il doit « d’autant plus respecter la ligne politique ». Sa célébrité pousse les censeurs à redoubler de vigilance. Cette fois-ci, ils sont cependant tombés sur un os : « Les éditeurs chinois sont assez habitués à ce que les auteurs acceptent de supprimer certaines sections ou de modifier leur travail pour la langue chinoise, mais dans ce cas [Piketty] a décidé de ne pas le faire. »
Crédit photo : Thomas Piketty CC BY 2.0
1 Commentaire
Aleph
01/09/2020 à 11:47
Il y avait déjà des omissions odieuses dans le texte débile de certain militant rouge dont on pense pis que pendre.