Chine 2013, un roman très controversé
Le 05/08/2010 à 15:32 par Clément Solym
Publié le :
05/08/2010 à 15:32
La science-fiction politique ou de critique sociale est quasiment absente en Chine. Non pas que la science-fiction ne soit pas un genre apprécié (on trouve tous les sous-genres de SF) mais plutôt qu'il ne vaut mieux pas se risquer à une critique sociale ou politique même sous couvert de science-fiction.
Pourtant, un livre de Chen Guanzhong, dont le titre pourrait être traduit par L'ère prospère : Chine 2013 (titre original : Shengshi: Zhongguo 2013 ou encore 盛世:中国 2013), circulent sur le net en Chine et fait bien partie du genre SF (ou plutôt anticipation) critique sociale. Inutile de dire que ce roman est hautement controversé et interdit.
Il raconte l'histoire de trois personnes qui essaient de se souvenir du mois précédent le premier jour de l'ère prospère, alors que toute la population chinoise l'a complètement oublié. Dans cette Chine de 2013, tous les citoyens ont l'air heureux, voire euphoriques, et au niveau économique le pays rayonne. Une entreprise chinoise a même racheté l'entreprise américaine Starbuck. Cela dit, le gouvernement exerce un grand contrôle sur la population et surveille de très près ceux qui ont l'air de dissidents. À la fin du roman, on apprend que l'euphorie est due à une drogue que le gouvernement a mise dans l'eau, ce qui a lancé l'ère prospère. Mais l'amnésie collective n'est pas du fait du gouvernement, elle semblerait être volontaire.
L'auteur pirate son oeuvre pour la diffuser
Quelques éléments de l'histoire rappellent le roman 1984 (les trous de mémoire, la pensée double, la novlangue, ou encore le titre centré sur une année) mais Chen Guanzhong n'estime pas que son livre ressemble à celui d'Orwell. Il constitue en tout cas une critique sociale au vitriol, car si les instances politiques en prennent un coup, les citoyens, eux non plus, ne sont pas épargnés. L'auteur insinue ainsi que les citoyens sont en quelque sorte complices du gouvernement en fermant les yeux sur ses actes.
Si ce livre a pu être édité et distribué, c'est parce que l'auteur est basé à Hong-Kong qui profite de la politique « un pays, deux systèmes » et donc d'une plus grande liberté que le reste de la Chine.
Avec internet, le livre a fait parler de lui dans le reste du pays et l'intérêt des Chinois pour celui-ci est allé grandissant. Voyant cela l'auteur a décidé de pirater lui-même son ouvrage, pour le rendre disponible gratuitement aux Chinois n'habitant pas Hong-Kong.
La critique sociale ou politique dans la SF chinoise
Il faut savoir qu'à l'arrivée de la SF dans le pays en 1900 avec notamment les ouvrages de Jules Vernes (et par exemple Le tour du monde en 80 jours), les Chinois ont très vite commencé à écrire de la critique sociale sous forme de SF. Pendant 40 c'est quasiment devenu une tradition dans l'écriture de science-fiction en Chine. L'un des derniers ouvrages du genre est La cité des chats de Lao She. Un livre si populaire qu'il a été réédité 7 fois en 17 ans.
Mais avec la République populaire, Mao Zedong, a considérablement réduit la liberté d'expression et les exemplaires de La cité des chats ont disparu des étagères. Plus tard, après la mort de Mao Zedong dans les années 70 et 80, la Chine s'est quelque peu ouverte à la littérature étrangère et les auteurs chinois ont recommencé à écrire de la SF critique sociale mais le répit a été de courte durée avec le lancement de la campagne de nettoyage de la « pollution spirituelle » en 1983.
De toute évidence, l'intérêt des Chinois pour ce genre littéraire est toujours présent mais le message de Chen Guanzhong sera-t-il entendu ?
Si l'on est en mesure de lire les idéogrammes chinois, on pourra découvrir le livre en lecture simple ici (fichiers PDF). La vidéo ci-dessus, montre une interview de Chan Koonchung, un autre nom de Chen Guanzhong. Il y parle de Chine 2013 mais attention, c'est en anglais.
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