On estime souvent qu'un livre a réussi à incarner son époque lorsqu'il en évoque le Zeitgeist : un état d'esprit, qui sait rendre compte de l'état moral d'une population ou d'une société. Une équipe de chercheurs a choisi de se baser sur les livres publiés pour tenter de déterminer le niveau de bonheur moyen de la population aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Italie et en Allemagne.
Le 22/10/2019 à 13:18 par Antoine Oury
Publié le :
22/10/2019 à 13:18
L'exploitation des mégadonnées permet aux recherches scientifiques de se lancer des défis plus ambitieux que jamais : Thomas T. Hills, Eugenio Proto, Daniel Sgroi et Chanuki Illushka Seresinhe, chercheurs en psychologie et économie, ont voulu analyser 8 millions d'ouvrages publiés au cours des deux derniers siècles, ainsi que quelques articles de presse.
Leur objectif ? Déterminer s'il était possible de mesurer le bonheur d'une population en se basant sur les livres publiés à une époque précise. Pour ce faire, le vocabulaire et les champs lexicaux des ouvrages publiés ont été analysés à l'aide de plusieurs bases de données de termes évalués en fonction de leurs charges émotionnelles, par des participants humains. Il s'agit ainsi de « noter » les mots, en fonction de l'émotion produite, négative ou positive, et son degré.
Ensuite, l'intelligence artificielle a pris le relais, déterminant au fil de sa lecture si un texte publié se classait plutôt du côté du bonheur ou de l'angoisse, de la sérénité ou du stress, de la joie de vivre ou du poids de l'existence.
Les résultats sont significatifs, se félicite l'équipe de chercheurs, soulignant que les graphiques produits par l'analyse des ouvrages publiés correspondent peu ou prou à des périodes et des événements historiques qui expliquent ces mêmes baisses ou hausses de moral.
Ainsi, les deux guerres mondiales, mais aussi la Grande dépression des années 1930 ou encore la Guerre civile américaine s'observent dans ces graphiques reprenant les données de l'étude.
« Ce qui est assez remarquable, c'est que le bonheur national ressenti par les individus est incroyablement résilient aux guerres », note Thomas T. Hills en commentaire. En effet, les niveaux reviennent rapidement à la normale après un événement dramatique, si l'on en croit l'analyse émotionnelle des textes.
Pour vérifier les résultats, les chercheurs ont confronté leurs mesures du bonheur avec les sondages menés sur les dernières décennies par différents organismes, et ont observé des correspondances probantes.
Ils prennent toutefois le soin de relativiser leurs découvertes, soulignant que la mesure de l'émotion reste par essence subjective et que l'intelligence artificielle ne peut considérer qu'avec pragmatisme la quantité de nuances qu'il est possible d'y déceler.
Cependant, les découvertes de l'équipe pourraient être utiles à l'analyse de la situation d'un pays, pour prendre des décisions sociales ou économiques plus avisées.
Les résultats de l'étude ont été publiés dans Nature Human Behaviour, en accès verrouillé.
via Vox
Commenter cet article