Le fonds ancien de la médiathèque de Saint-Malo a récemment accueilli un étonnant tournage. Pour son album Péril en la demeure, le rappeur Zalem a réalisé son clip Z fois debout au sein de l’établissement. « L’album est rempli de références littéraires, historiques ou mythologiques, mais cette chanson de par sa substance l’est tout particulièrement », explique-t-il.
Le 16/09/2017 à 12:06 par Clément Solym
Publié le :
16/09/2017 à 12:06
Un rap plutôt classique, un flow qui va continuellement, Z fois debout jongle entre le tour de force et la démonstration technique. L’album Péril en la demeure est proposé à cette adresse, avec la possibilité d’écouter les différentes pistes avant de se lancer.
Mais, en dépit des allusions, pourquoi avoir choisi ce lieu ? « En fait je travaille à la médiathèque de Saint-Malo. Au moment de la demande de tournage du clip, j’étais statutairement saisonnier. J’y suis toujours, à temps plein, en remplacement », explique Zalem à ActuaLitté. Dans cet endroit, on le connaît sous le nom de Mathieu Masson : lui rappe depuis ses 14 ans et continue depuis.
Et la bibliothèque a fini par exercer une certaine fascination. « Il se trouve que j’ai passé une bonne partie de mon temps libre l’été 2016 dans les réserves anciennes de la médiathèque pour des recherches personnelles. J’ai beaucoup aimé ces moments de solitude dans ces pièces silencieuses et pleines de vieux livres. Il y a là quelque chose de majestueux, une aura tout à la fois enivrante et apaisante. Comme la lumière fonctionne via un détecteur de mouvements, il m’est arrivé plus d’une fois de me retrouver dans le noir quand je restais trop longtemps dans le dernier rayonnage sans trop bouger. »
Mieux : elle répond et fait écho selon lui à « l’ambiance globale de l’album plutôt sombre, quelque part un peu gothique ». La pochette est une photo d’un tatouage de crâne… sur son mollet). Ainsi, « cette pièce avec un éclairage discret collait parfaitement. J’ai demandé à la directrice de l’époque, qui a tout de suite dit oui. Comme la responsable du pôle Patrimoine qui appréciait l’idée d’une mise en avant originale de ces collections non directement accessibles au public. »
Une adéquation fond(s)/forme qui intrigue, mais plus loin dans l’album, c’est avec une tout autre forme de référence que le rappeur s’illustre. La piste 10, "Nouvelles punchlines échevelées", est constituée d’aphorismes de Stanislaw Jerzy Lec ré-arrangés pour coller à la rythmique. Puiser dans les paroles du poète et écrivain polonais, voici qui n’est pas banal.
Zalem
Stanisław Jerzy de Tusch-Letz, est mort le 7 mai 1966. « Je suis tombé sur quelques-uns de ses aphorismes il y a 4 ou 5 ans. J’ai aimé le cynisme et j’ai de suite commandé le livre. C’est un livre que j’ai emporté avec moi dans bien des voyages parce que je ne suis pas un grand lecteur en déplacement (en tout cas pas à l’époque) et le format me convenait parfaitement. Et j’ai toujours trouvé sa lecture intellectuellement très stimulante tout en étant agréable et fluide », nous explique Zalem.
Et voici comment, en quelques lectures, Stanislaw est hissé au rang de punchliner. « Dans le rap, il y a ce qu’on appelle la punchline, une sorte de bon mot, de formule-choc. [Et] Je trouve que Lec est un sacré punchliner ! » Un exemple ? Facile :
tout est entre nos mains donc faut souvent les laver
même les pèlerins transpirent des pieds
(trad. André et Zofia Kozimor, éditions Rivages)
La rencontre entre l’auteur et le rappeur avait déjà eu lieu dans de précédents textes. Ici, l’envie de rendre hommage sous la forme d’une pleine chanson s’est imposé. « La difficulté était de faire un choix parmi les nombreuses fulgurances du livre. Au final, en plus d’une présélection que j’avais déjà faite, j’ai ouvert le livre vers le milieu et j’ai fait une sélection sur une dizaine ou quinzaine de pages que j’ai rassemblée suivant le thème ou la sonorité que je pouvais en tirer. »
L’album Péril en la demeure est disponible depuis janvier. Qui sait si les fonds de la bib ne lui en seront pas reconnaissants…
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