DH Lawrence a su garder, une belle partie de sa vie durant, un flegme britannique essentiel. L’auteur de L’amant de Lady Chatterley a vécu 40 années de censure, à partir de la sortie de son livre, devenu scandaleux tant chez les Anglais que les Américains. Il est vrai qu’on aurait pu le croire impassible, après avoir traversé le procès pour obscénité qui lui fut intenté. Cette fois, c’est dans un zoo que le feu a pris. Malheureusement, Lawrence est mort, et ne pourra pas rire sous cape.
Le 03/08/2015 à 16:22 par Cécile Mazin
Publié le :
03/08/2015 à 16:22
COWRIN, CC BY NC 2.0
C’est l’histoire d’un zoo, donc, baptisé DH Lawrence Heritage Center, en hommage à l’écrivain protéiforme. Ou plutôt, cela aurait pu être l’histoire de ce parc, si une vague de protestation n’avait pas fendu ce calme estival : l’idée même que l’on puisse monter un zoo à destination d’enfants irait en effet contre les principes, tous les principes, de Lawrence.
David Brock, secrétaire et rédacteur du bulletin de la DH Lawrence Society s’est tant ému de cette folie, qu’il a démissionné, à l’âge de 64 ans, de son poste. Selon lui, et bien d’autres, il ne saurait être question de mettre des animaux en cage alors que Lawrence a toute sa vie clamé qu’il n’y avait rien de plus beau que la liberté.
« Le Centre va donner une image totalement fausse, aux visiteurs, quant à la philosophie de Lawrence. [Il] serait mortifié de ce manque de respect pour la vie, revendiqué dans un endroit qui porte son nom », s’étrangle David Brock.
Pourtant, la municipalité n’avait pas de trop mauvaises intentions – outre celle de mettre des animaux en cage. En effet, comme Lawrence est né à Eastwood, Nottinghamshire, lui dédier un espace public semblait plutôt logique. Le zoo, en revanche, c’est là que tout dérape.
« Lawrence croyait que les animaux doivent être respectés en tant que personnes à part entière, et ne sont pas faits pour ce type d’exploitation humaine », s’étouffe Brock. Dix années passées dans la vénérable institution, mise au service de l’héritage littéraire de Lawrence, de ses poèmes, ses romans, ses nouvelles, son théâtre, ses traductions et ses lettres, immédiatement balayées.
Mais il ne compte pas forcément s’arrêter en si bon chemin : avec l’appui de plusieurs groupes d’organisations de défense des animaux, comme l’Animal Defenders International, il doit être possible de faire quelque chose. (via The Independent)
L'affaire qui s'éternisait, et encore
« Be a good animal, true to your instincts. », avait écrit Lawrence, et ce précieux conseil a donc fait des émules dans les rangs de ses plus fidèles défenseurs. Mais ce qui devient hilarant, c’est que ce fait divers dure... depuis bientôt six mois. Parce qu’en réalité, la démission de David Brock, contrairement à ce que dit The Independent, date du mois de février.
« Il y avait eu une réunion assez houleuse sur ce sujet », expliquait-il durant le mois des morts. « Il est impossible d’imaginer l’auteure de Lizard, Snake and Mountain Lion approuver que des créatures magiques et sauvages puissent être gardées en cage. »
Parti, ou écarté, l’intéressé ne cessait déjà de pester, et six mois plus tard, la situation n’a pas bougé : il fait toujours front, plus ou moins seul, contre les choix municipaux. Un éditorial qu’il avait publié dans la lettre que diffuse la Société, fut même retiré, cas de censure « ridicule et ratée », assurait-il. Le président, Malcolm Grey, relativisait en évoquant un problème d’écriture.
« Lawrence a combattu toute sa vie contre les prudes, les pédants, les censeurs autocrates. Il serait absurde que la Lettre rencontre les mêmes problèmes », déplorait Brock. Qui à cette époque déjà, désapprouvait l’idée même que l’on emmène des enfants voire des bestioles privées de leur liberté. (via Eastwood Advertiser)
Chaque année, Nottinghamshire s’ouvre à la littérature, avec un festival du nom de Lawrence, où près de 4000 personnes se massent chaque année. Cette année, ce sera manifestement un vrai cirque, à défaut de zoo...
Commenter cet article