Le mois dernier, la France remportait haut la main le titre de championne d’Europe de quidditch. Une occasion pour le grand public de découvrir ce sport atypique. Tout droit sorti de l’imaginaire de JK Rowling, la discipline a de quoi étonner : balais, vif d’or, souafle et cognard, si chers à Harry Potter, se baladent entre les mains des joueurs. Et pourtant, bien loin de la magie, elle n’attire pas que les mordus de la fiction du célèbre sorcier. Depuis quatre ans maintenant, le quidditch français prend son envol avec la ferme intention d'être considéré comme un sport à part entière.
Le 21/08/2015 à 10:56 par Julie Torterolo
Publié le :
21/08/2015 à 10:56
European Quidditch Cup 2015, Titans vs Southampton Quidditch Club
(crédits Helen Freeman)
Les ballons volent et virevoltent sur le terrain. Les balais, ou plutôt tiges de bambou, s’entrechoquent. Et le vif d’or apparaît sous forme de balle de tennis. Le jeu de quidditch bat à son plein. Difficile, pour les joueurs, de passer inaperçus.
Et c’est justement la curiosité qui a poussé Denis Jourdan, capitaine de l’équipe de France aux derniers Jeux européens, à rejoindre la discipline « Je me baladais avec un ami à la recherche d’un bar, et j’ai vu les joueurs courir avec plusieurs balles sur les pelouses de Bercy. J’ai fait des recherches sur internet puis je suis venu assister à un entraînement, et voilà », explique-t-il a ActuaLitté. Ce jeune cadre de 27 ans, ancien joueur de football américain, a intégré l’équipe parisienne, Les Titans, l’année dernière.
Pour lui, le quidditch dépasse le monde d’Harry Potter, c’est un sport « complet ». « Ce qui m’a tout de suite plu dans ce sport est le mélange de plusieurs sports justement. Il y a le côté handball avec le jeu de balles et le fait de marquer dans les anneaux. Il y a le côté rugby, car on a le droit au contact de la ligne des épaules à la ligne des genoux. Et enfin, il y a un côté balle au prisonnier qu’on retrouve avec l’élimination des joueurs », nous indique-t-il.
Des règles fidèlement adaptées du monde d’Harry Potter
Impossible pour le quidditch de se détacher de ses origines : ici, on joue dans une transposition la plus fidèle possible du monde d’Harry Potter. « Bien sur on ne peut ne pas voler, et les joueurs en ressortent vivants », ironise Matthieu, 17 ans, le cadet de l’équipe des Titans. « Mais je trouve que l’univers du livre est bien présent », conclut-il.
Le guide des règles, 140 pages au compteur, a en effet pensé à tout... jusqu'aux balais. Ils ne permettent pas de prendre l'air, mais sont bien présents. Tout le long de la partie, le joueur doit le garder entre les jambes, sous peine de pénalités. Comme dans la fiction, le but ultime du jeu est de faire passer le souafle (une balle de volley légèrement dégonflée dans la vraie vie) dans l’un des trois cerceaux afin de marquer dix points.
Les équipes sont constituées de sept joueurs : trois poursuiveurs, deux batteurs, un gardien et un attrapeur, exactement comme l’a imaginé JK Rowling.
Le vif d’or fait son entrée au bout de 18 minutes. Ce dernier, représenté par une balle de tennis dans une chaussette que porte accrochée à son short un joueur habillé tout de jaune. Particulièrement difficile à attraper, et totalement indépendant du jeu, sa capture marque la fin de la partie. L’équipe qui l’attrape remporte alors 30 points, contre 150 dans le livre. Avec ou sans lui, le gagnant devra comptabiliser le plus grand nombre de points.
Images extraites du Rulebook #8
Gare au cognard : ne pas se dégonfler
« Mais il y a un deuxième jeu dans le jeu », nous prévient amusé Denis Jourdan. Ce sont les batteurs, particulièrement violents dans le livre : ils agressent les joueurs adverses à l’aide d’une balle de dodgeball un peu dégonflée, le cognard, afin de les éliminer.
Pour ce qui est du matériel, par manque de moyens, le système D est le bienvenu. Par exemple, faute d’argent pour commander un balai officiel de quidditch, fabriqué aux États-Unis, les Européens se contentent pour la plupart de tiges de bambous. Et pour les buts ? Des cerceaux en plastique font l’affaire.
Mais le monde de Harry Potter occupe une place importante dans le quidditch, au-delà des règles du jeu. Les joueurs se rendent régulièrement dans les manifestations tels que le Geekopolis à Paris ou encore la Harry Potter’s Book Night qui a eu lieu le 5 février dernier dans une libraire parisienne.
JK Rowling n’a cependant pas directement participé à l’élaboration des règles du quidditch « moldu ». Mais, loin d’être indifférente sur le sujet, l’auteure s'est déjà laissée aller à quelques tweets.
I am proud. https://t.co/QeUeKezaBD
— J.K. Rowling (@jk_rowling) 14 Juillet 2015
« Quelques personnes viennent surtout pour ses manifestations tournées vers Harry Potter, mais il n’y a pas que cela dans les joueurs de quidditch. Ces manifestations nous permettent également de faire connaître le sport », nous renseigne Albert Bregeault, entraîneur des Titans et membre de l’équipe de France de quidditch.
Un sport bien loin des clichés
Au premier coup d’œil, la diversité des joueurs a de quoi étonner : étudiants de tous horizons et de tous sexes, fans de la fiction de JK Rowling, ou simples amateurs d’un nouveau sport se côtoient. « J’ai découvert l’équipe au geekopolis à Paris. En tant que fan d’Harry Potter, l’expérience ne pouvait qu’être drôle », nous explique Matthieu. « J’aime Harry Potter, mais je ne suis pas un fan hardcore », précise quant à lui Denis.
Alors, à la question êtes-vous fans d’Harry Potter ? Les « je n’ai pas lu les livres, j’ai seulement vu les films » s’enchaînent. De quoi contredire les préjugés : le quidditch n’est pas qu’une affaire de « geeks », et il peut bel et bien venir faire de l’ombre aux sports collectifs comme le handball ou le football.
Et la discipline ne s’arrête pas là. Elle surprend également par son ouverture d’esprit. « Le quidditch est forcément mixte, la règle c’est 4 garçons ou filles pour 2 personnes du sexe opposé sur le terrain. De plus, la discipline reconnaît bien plus que le sexe féminin et masculin, elle s’intéresse à tous les genres tels que les transgenres (personnes qui font la démarche de changer de sexe) ou les fluides (personnes qui s’identifient à un autre sexe) », précise Denis Jourdan.
Bien loin des clichés, ce jeune sport apporte une vague de fraîcheur (sportive) en Europe. Depuis 2011, de nombreuses villes françaises voient ainsi naître des équipes de quidditch.
L’équipe des Titans, par exemple, a été créée en 2014, par certains membres des Paris Phoenix — pour certains étudiants en STAPS — qui avaient décidé de quitter leur ancienne équipe. En à peine un an, Les Titans se sont placés à la deuxième place des meilleures équipes françaises, juste derrière Les Paris Frog.
Comme la majorité des équipes françaises, Les Titans s’entraînent dans les lieux publics, comme le parc de Bercy ou le cours des Maréchaux à côté du château de Vincennes. « Les entraînements se font dans la bonne ambiance, mais ne sont pas pris à la légère », nous annonce l'entraîneur de l'équipe. Pour garder leur niveau, Les Titans s’exercent en effet trois fois par semaine.
L'équipe des Titans au parc de Bercy (ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
Du gazon américain aux pelouses françaises
Fort de la volonté de devenir un sport à part entière, le quidditch dispose alors de sa propre organisation, « de la même manière que n’importe quel autre sport », s’empresse de nous préciser le coach Albert Bregeault. En France, la Fédération de Quidditch Français (FQF) chapeaute la discipline. Elle compte 10 équipes adhérentes, donc « officielles ». « Cependantune vingtaine sont actives dans tout l’hexagone », nous renseigne Albert Bregeault.
Anciennement dénommée la French Quidditch Association, l’organisation comprend deux grandes missions : développer la discipline en France et représenter les équipes françaises à l’étranger, notamment auprès des fédérations d’Europe et de l’International Quidditch Association (IQA). « La fédération française représente en quelque sorte une ligue », continue l’actuel capitaine des Titans.
La FQF a emergé voilà trois ans, s'inspirant de ce qui existait en Angleterre et plus particulièrement des États-Unis, terre natale de la discipline.
La reconnaissance à venir
Peut-être récent en France, le quidditch « moldu » se développe en effet depuis plus de dix ans outre-Atlantique. En 2005, deux étudiants — Xander Manshel et Alex Benepe — du Middlebury College dans le Vermont, aux États-Unis , se lancent dans l’idée de transposer le sport d’Harry Potter dans la vraie vie. Les premiers matchs interuniversitaires voient alors le jour, deux ans après, en 2007. L’expansion est lancée. En 2008, a lieu la première coupe du monde. En réalité, seuls les pays outre-Atlantique y participent.
L’International Quidditch Association née en 2010. L’année suivante, c’est elle qui organise la cinquième Coupe du Monde à New York, un tournoi rassemblant 96 équipes des États-Unis du Canada, de Finlande, et plus de 10 000 spectateurs. Le quidditch s’implante de plus en plus en Europe.
En 2012, la France fait son entrée aux tout premiers Jeux mondiaux, qui se déroulent à Oxford en Angleterre. La compétition regroupe cette fois-ci plusieurs des équipes nationales des États-Unis, du Canada, du Royaume-Uni, de France et d’Australie. Intitulé Summer Cup, l’événement a été mis en place pour le passage de la flamme olympique des JO de Londres.
La même année a lieu l’European Quidditch Cup, « équivalent de la Ligue des Champions en foot », précise Denis Jourdan. Les équipes des villes s’affrontent dans un tournoi pour obtenir le titre de meilleur club d’Europe. Les Titans sont les actuels champions d'Europe des clubs. Mais toujours pas d'équipe unique représentant la France entière.
Il faudra attendre décembre 2014 pour que la première compétition officielle française voie le jour. « Bien que le sport soit présent depuis plus de 4 ans maintenant dans l’hexagone, le manque d’équipes, de bénévoles et de structure type fédération ont fait que cette première compétition officielle n’a eu lieu que l’année dernière. D’un autre côté quand on regarde le développement des autres sports nous sommes plutôt bien positionnés en terme d’expansion », étaye le capitaine de l’équipe de France.
Enfin, les 25 et 26 juillet derniers, les couleurs tricolores sont portées par une seule équipe, sélectionnée parmi les meilleurs joueurs français, pour les tout premiers European Games (jeux européens) ou Coupe d’Europe des Nations. Les pays se sont affrontés pour obtenir le titre de champion d’Europe, remporté par la France.
Aujourd’hui, bien que l’équipe de France soit reconnue dans l’Europe, l'objectif « est qu’à terme, le quidditch soit reconnu par le ministère chargé des Sports », termine Denis Jourdan.
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