L'édition épidermique. Au cours du mois de mars, on faisait état d'une découverte macabre au sein de diverses bibliothèques de l'université de Harvard, celle de trois livres supposés avoir été reliés en peau humaine. La rumeur s'est répandue et le scepticisme aura gagné une partie des observateurs. Désormais l'information a été confirmée par une analyse scientifique. L'un des trois ouvrages concernés, Des destinées de l'âme par l'auteur français du XIXe siècle Arsène Houssaye, est un authentique chef d'oeuvre du recyclage de cadavre.
Le 08/06/2014 à 17:34 par Julien Helmlinger
Publié le :
08/06/2014 à 17:34
Tests prove book about the human soul is definitely bound in human skin http://t.co/BX2Bhsea4xpic.twitter.com/2WPdMa4FrB
— The Harvard Library (@HarvardLibrary) 5 Juin 2014
Une lettre ouverte a été publiée par la célèbre université américaine le 4 juin, sur le site de la Houghton Library, expliquant que des chercheurs ont prélevé et analysé de minuscules parcelles de l'ouvrage selon une technique d'identification des protéines de la peau. Le but de l'opération étant d'exclure l'hypothèse d'une origine animale dans la matière utilisée pour cette reliure.
Selon le conservateur des livres rares de l'Université, Alan Puglia, les scientifiques estiment être convaincus à 99,9 % que le livre écrit par le poète et essayiste Arsène Houssaye, en 1879, est recouvert de peau humaine. Un choix de matériaux qu'avait explicité une note rédigée et laissée dans le bouquin par un ami de l'auteur, le Dr Ludovic Bouland :
Ce livre est relié en peau humaine parcheminée, c'est pour lui laisser tout son cachet qu'a dessein on n'y a point appliqué d'ornement. Un livre sur l'Âme humaine méritait bien qu'on lui donna un vêtement humain: aussi lui avais-je réservé depuis longtemps ce morceau de peau humaine pris sur le dos d'une femme. Il est curieux de voir les aspects différents que prend cette peau selon le mode de préparation auquel elle est soumise. La comparer par exemple avec le petit volume que j'ai dans ma bibliothèque, [...] qui lui aussi est relié en peau humaine mais tannée au sumac
La note précisait par ailleurs que la peau était celle d'une patiente, morte d'apoplexie dans un hôpital psychiatrique français, et dont la dépouille n'avait pas été réclamée. En revanche, les mêmes tests réalisés sur les deux autres livres concernés, conservés au sein de la Law School Library et de la Medical School's Countway Library, ont révélé que les ouvrages étaient en réalité faits à partir de peau de mouton.
Pour ceux qui ne se sentiraient pas encore tannés par la thématique morbide, le mythique et fictif manuscrit du Necronomicon, signé Abdul al-Hazred dans l'oeuvre de Lovecraft, est quant à lui sensé avoir été relié en peau d'enfants morts-nés. Détail qui avait poussé certains critiques à soutenir que le tannage de peau humaine relèverait du défi.
Pourtant la pratique de la bibliopégie anthropodermique, procédé de recyclage de peau humaine dans le secteur de l'édition littéraire, n'est pas qu'une légende. On l'aurait notamment mis à profit au cours du XVIe siècle pour marquer le coup au moment de publier des aveux de criminels, voire parfois à la demande des familles du défunt. En guise de commémoration, explique Heather Cole, assistante conservatrice de livres rares de la Houghton Library.
Voilà donc une idée originale pour mettre à profit nos restes après la mort. Quand les mélomanes préfèreront peut-être transformer leurs cendres en disque vinyl, alternative funéraire suggérée par la société And Vinyly. En attendant, bonnes lectures...
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