La députée socialiste Sophie Dessus a réalisé, durant une séance à l’Assemblée nationale, un petit exercice de style toujours plaisant. Interpellant la ministre de la Culture sur la loi dite anti-Amazon, et son devenir, la députée s’est amusée. Certainement. Durant deux minutes d’intervention, elle trouve le moyen de citer une quinzaine de titres de livres, pour appuyer son propos.
La chose est faite avec un grand sérieux, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances 2016 et du budget de la culture. Il est vrai que la législation qui devait contrer la concurrence déloyale d’Amazon face aux librairies de brique et de mortier sur le territoire, semble plutôt avoir fait pschit. Le monopole d’Amazon sur internet a-t-il été seulement égratigné ? La question se pose...
Et l'intervention s'est achevée par une salve d'applaudissements.
La retranscription peut contenir quelques différences (via AN).
Monsieur le président, madame la ministre,
Si les livres pouvaient parler, et si nous savions les entendre, ne doutons pas que, du haut de leurs étagères, ces Voix du silence nous interpelleraient : « Législateurs, qu’avez-vous fait de votre loi dite « anti-Amazon » ? Tel Don Quichotte face aux moulins à vent, vous avez tenté de rappeler aux Misérables que sont Jeff Bezos et les siens, que s’il y a des droits, il y a aussi des devoirs ; que la loi du plus fort n’est pas toujours la meilleure ; que lorsque l’on s’implante dans un pays, on en paie les impôts, sans Orgueil et préjugés ; que l’exploitation humaine est prohibée, sous peine de retour à La case de l’oncle Tom ; que le libéralisme à tous crin ne fera mûrir que Les raisins de la colère. »
Ici, dans cette enceinte, c’est à l’unanimité que nous avons voté contre la gratuité des frais de port. Mais Autant en emporte le vent : nous nous retrouvons comme La conjuration des imbéciles face à un coût de livraison fixé à un centime d’euro. Et voilà comment, sans autre forme de Procès, est détournée la loi en toute légalité !
La Peste soit d’Amazon et de ses semblables. Vingt ans après la naissance de ces groupes, auteurs américains, allemands et japonais se mobilisent contre l’arme de destruction massive qu’ils incarnent. Ils demandent l’ouverture d’une enquête au département américain sur la situation monopolistique d’Amazon et viennent au secours de Flammarion, bloqué dans la vente de certains de ses livres.
Et nous, législateurs, quel levier pouvons-nous actionner dans cette guerre économique, digne de L’Iliade, où l’un des belligérants veut s’octroyer le monopole de la librairie électronique jusqu’à en donner La nausée ?Comment le Gouvernement peut-il remettre la librairie indépendante au cœur de la cité et faire du livre la priorité qui nous ramène vers De grandes espérances, puisque là où disparaît une librairie surgit le Front national ?
Comment, enfin, amener les 200 millions d’utilisateurs d’Amazon à résister à ce Barbe bleue des temps modernes et à s’aventurer À l’ombre des jeunes filles en fleur, pour que vivent diversité culturelle et liberté de penser ?
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